Coronavirus : À Mulhouse, le club de foot épargné au milieu du chaos sanitaire
Des scènes dignes d’un film de science fiction ou d’un jeux vidéo. Mulhouse vit à l’heure du confinement. Depuis mardi, les rues de la métropole du Haut-Rhin, touchée de plein fouet par l’épidémie de Covid-19, sont désertes. Les habitants ne sortent pas de chez eux et l’annonce de l’installation imminente d’un hôpital militaire de campagne suffit à témoigner de la gravité de la situation. Avec 61 morts recensés, le Grand Est est de loin la région la plus exposée au nouveau coronavirus.
La ville de Mulhouse - où s’est tenu début février un rassemblement évangélique à l’origine des premières contaminations - vit une course contre la montre. "Le nombre de personnes contaminées ne cesse de croître chaque jour", s’est alarmée ce lundi la préfète du Bas-Rhin Josiane Chevalier. Les hôpitaux sont saturés. Certains patients commencent à être évacués vers d’autres régions mais la situation est dramatique. Le scénario "à l’italienne" n'est plus seulement envisagé. C’est déjà une réalité.
"Il va y avoir encore des gens impactés"
Dans ce climat de tension, où règne en chacun la crainte quotidienne de contracter les premiers symptômes du Covid-19, subsiste une famille épargnée, presque hermétique à la maladie, celle du FC Mulhouse. "Aucun joueur ou membre du staff n’a pour l’instant été touché de près ou de loin par l’épidémie", se rassure l’entraîneur Eric Descombes, néanmoins conscient que les risques restent élevés, "Il faut avoir conscience que nous sommes dans la zone la plus touchée. Statistiquement, on sait qu’il va y avoir encore des gens impactés et il faut redoubler de vigilance", poursuit le coach alsacien, qui assure ne pas vivre dans la peur.
Il y aurait pourtant de quoi. Avec 700 nouveau cas diagnostiqués en moins de 24 heures, l’épidémie progresse à une vitesse impressionnante dans le Haut-Rhin, et les mesures de confinement totale annoncées lundi soir semblaient presque tardives pour un département où l’urgence sanitaire est réelle. "On a pris la nouvelle de plein fouet. Le virus était à nos portes", raconte l'entraîneur, qui explique par ailleurs que le staff et les joueurs de son équipe ont été mis au courant de la situation en même temps que tout le monde, via les différents médias.
"Il n’y a pas eu de mesures prises en amont pour le club. On a appris qu’il y avait eu ce rassemblement évangélique mais c’est arrivé assez tard finalement. Donc on a réagi en même temps que tout le monde" poursuit-il. Le club 12e de Nationale 2 a aussitôt pris des mesures de précaution afin de limiter au maximum les contacts. "On a instauré une distance entre nous. Tout le monde faisait très attention dans le vestiaire et personne ne se serrait la main", rappelle le défenseur sénégalais Mouhameth Sané. Des gestes barrières qui peuvent sembler anodins à l’heure où la population est totalement confinée, mais qui ont sans doute permis d'éloigner l’effectif mulhousien du virus, au moins à ses débuts.
« On s’entrainait en sachant que le championnat allait s’arrêter »
"Dans les supermarchés ici, il y a beaucoup plus de contacts entre les gens que ce nous pouvions avoir au sein du vestiaire", souligne Eric Descombes, qui s’est rendu pour la dernière fois à son bureau au stade de l’Il lundi matin.
Aussi surprenant que cela puisse paraître, l’aggravation de l’épidémie dans le Haut-Rhin n’a pas incité la préfecture à suspendre les matches du club de N2 tout de suite. Ainsi, le 7 mars dernier, quelques heures après l’annonce du report du match de Ligue 1 entre Strasbourg et le Paris Saint-Germain, Mulhouse recevait bien Schiltigheim à domicile, mais à huis clos (1-0). "La situation s’aggravait toutes les heures. On s’entraînait en sachant pertinemment que le championnat allait être arrêté", se souvient le milieu de terrain Farez Brahmia, "Honnêtement, je pense que si j’avais été à la place des équipes que nous avons rencontrées ou que nous devions affronter, j’aurais eu des réticences à aller jouer à Mulhouse", admet-il, conscient des risques.
Malgré une situation sanitaire devenue catastrophique, le FC Mulhouse a continué à s’entraîner normalement jusqu’à vendredi dernier, avant que la Fédération Française de Football (FFF) ne décide de suspendre tous les championnats amateurs. "Nous nous sommes concertés avec le staff, le coach, le président. On s’est dit que ça devenait vraiment trop dangereux et on a donc pris les mesures de la fédération à la lettre", raconte encore Mouhameth Sané, "Malgré la crainte, tout le monde est venu s’entraîner normalement. Personne n’a été malade et les joueurs ont pu partir sereins", ajoute son coéquipier Farez Brahmia.
L’heure n’est donc plus au sportif pour les Mulhousiens. L’hôpital est bondé, le service de réanimation saturé et les médecins ne savent plus comment gérer au mieux la situation. "L’hôpital est sous tension", alertait le médecin urgentistes Jean Rottner il y a deux jours, "Depuis la fin de la semaine dernière, on sent une forte accentuation. Il faut transférer les cas sérieux dans d’autres établissements". Une situation grave, qui attriste évidemment les habitants. Ceux qui ont la chance de ne pas être touchés s’inquiètent pour leur famille et leurs proches. "On garde le football dans un coin de la tête, mais on pense surtout à la santé des uns et des autres. Le sport est au deuxième plan même si c’est le gagne pain de la plupart des joueurs" avoue le coach alsacien de 48 ans.
Contrairement à certains clubs de niveau amateur, le FC Mulhouse fonctionne de manière assez professionnelle. La quasi totalité des joueurs de l’effectif gagnent sa vie grâce au football. C’est aussi le cas d’Eric Descombes, salarié du club à temps plein. Pour eux comme pour les commerçants, la crise du Covid-19 aura sans doute des conséquences économiques non négligeables. "Des chômages partiels vont être déclenchés mais on ne sait pas jusqu’où cela pourra aller" s’inquiète l’entraîneur franco-mauritanien, "Il va falloir payer pendant deux mois les salariés du club alors qu’on ne travaille pas. Les clubs vont prendre un sacré coup", ajoute-t-il.
Savoir s’adapter au confinement
En attendant, le confinement contraint les joueurs à s’adapter à la situation. Un programme d’entretien physique a été envoyé à toute l’équipe ce week-end mais il est désormais difficile sinon impossible de s’y tenir. "Le président a accepté qu’on puisse aller faire notre footing en extérieur. On essaie de respecter un petit programme individuel pour garder la forme. Chacun fait comme il le sent. Mais c’est clair qu’il ne faudra pas revenir avec 15 kilos en trop à la reprise", plaisante Farez Brahmia, "J’essaie de sortir une fois par jour pour aller courir et sinon je fais du renforcement musculaire à la maison", explique de son côté le défenseur marocain Nassim Titebah.
Sortir pour courir, Mouameth Sané ne préfère pas s’y risquer : "Je respecte les consignes et je ne sors pas sauf pour faire les courses. Je fais du gainage, des pompes, des abdominaux tous les jours mais je ne pense pas sortir pour l’instant", explique-t-il. "On sait que les joueurs feront le maximum avec ce qu’ils pourront" poursuit l’entraineur mulhousien, qui se pose une autre question. Celle de l’équité sportive à la reprise du championnat. "Aucun club de N2 ne pourra jouer deux matches par semaine. Cela me semble inenvisageable d’autant que des équipes comme Bastia ont 25 joueurs quand d’autres en ont bien moins". Si la FFF n'a pas encore pris de décision quant à une éventuelle reprise, Eric Descombes soumet de son côté l’idée d’un tournoi organisé sur une semaine, avec des matches de 45 ou 50 minutes pour toutes les équipes.
Une éventualité possible, mais encore une fois, l’heure n’est pas au sportif dans les têtes. Mulhouse panse ses plaies et soigne ses malades. Il faudra du temps pour que la vie revienne à la normale dans le Haut-Rhin et les joueurs du club en ont parfaitement conscience. "Le mieux que l’on puisse faire, c’est rester chez nous", conclut Nassim Titebah. Le message est clair, et l’espoir est là, malgré tout.
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.