Coronavirus : Carnet de bord - Episode 4. Emeline Gros, du terrain de rugby à l'Ehpad
Cet instant, beaucoup de résidents et de familles l’attendaient avec impatience. Pouvoir enfin se revoir. Depuis lundi 20 avril, l’Ehpad Les Ecrins à Vizille (Isère) a commencé à organiser des visites entre résidents et leurs proches. Dans une petite salle dédiée à cet effet, les familles sont installées de chaque côté d’une table et séparées par un grand plexiglas. “Pour donner une ambiance conviviale, on a décoré la pièce avec des fleurs, des dessins d'enfants, et sur le plexiglas, on a inscrit le mot ‘bonjour’ avec des lettres colorées”, explique la joueuse du FC Grenoble Amazones et infirmière, Emeline Gros.
Le planning des visites déjà complet
L’équipe des Ecrins parvient à organiser trois visites par jour, les après-midis seulement, le matin étant réservé aux soins. Chaque visite est une organisation, entre l’accueil des familles, l’installation des résidents, les temps de visites - de 20 à 30 minutes - puis la désinfection après chaque passage. Il faut bien compter une heure de gestion pour une visite.
“Lundi, l’une des résidentes broyait du noir sans les visites de ses proches, elle ne mangeait plus, et n’avait plus envie de quoi que ce soit. Le fait de revoir son fils et sa fille lui a redonné de l’espoir.”
Mais l’opération en vaut le coup. “Lundi, l’une des résidentes broyait du noir sans les visites de ses proches, elle ne mangeait plus, et n’avait plus envie de quoi que ce soit. Le fait de revoir son fils et sa fille lui a redonné de l’espoir”, raconte Emeline Gros. Les visites sont un succès, à tel point que le planning pour la semaine suivante est déjà plein. “Je pense qu’elles vont bien rythmer le mois de mai”, souligne l’infirmière. En parallèle des visites, l’Ehpad maintient les appels visios. Il a d’ailleurs pu ouvrir des créneaux supplémentaires depuis le don de tablettes, il y a deux semaines, d’un magasin de multimédia et d’électroménager du coin.
Un départ vers de nouvelles aventures
Ce qui a marqué aussi la semaine à l’Ehpad des Ecrins, c’est l’annonce du départ d’Emeline. “J’ai signé avec le club de Montpellier pour la saison prochaine. Il est prévu que je parte en juillet. Du coup, avec mes collègues, on en parle tous les jours. Plus la date approche, plus ça me rend triste, confie Emeline Gros, émue. Je ressens de la nostalgie car c’est mon premier poste et ma première équipe, et c’est quelque chose que l’on oublie pas dans une carrière de soin.” Si elle a déjà son nouveau club, Emeline Gros cherche encore sa prochaine structure. “Du moment que je peux allier le rugby et mon métier d’infirmière, tout me va.”
“J’ai toujours eu le projet de partir et de pouvoir jouer à un niveau plus élevé. J'ai fait mon temps à Grenoble, j'ai besoin de découvrir une autre facette du rugby, et j'ai besoin de progresser”, explique la troisième ligne des Amazones, qui s’est formée à Grenoble. “J’ai encore du mal à me projeter en dehors de ce club. Ca me déchire le cœur, j'ai beaucoup appris avec eux. Je pense que c'est grâce à eux si j'en suis là aujourd’hui.”
Un avenir encore flou
Mais Emeline ne cache pas ses craintes. “L’avenir est encore très flou. On attend de savoir si on reprendra les entraînements collectifs, puis la compétition. Il est très difficile de se projeter. Même s'il est acté que je change de club, avec la situation actuelle, on ne peut pas savoir ce qu’il se passera d’ici le début de la nouvelle saison.”
En attendant de pouvoir reprendre l'entraînement, Emeline Gros continue ses exercices de cardio et renforcement musculaire à la maison qu’elle intercale entre ses journées de travail à l’Ehpad et ses moments de repos, ces derniers ponctués cette semaine par quelques épisodes de la série à succès de Netflix, La Casa de papel, et sa nouvelle lecture, L'appel du néant, de Maxime Chattam.
L’horizon du 11 mai
Pour l’heure, Emeline Gros a surtout en tête le 11 mai et le début de déconfinement. “Avec ma famille, on s’est dit que dès que le confinement serait levé et qu’on pourrait se déplacer, nous allions tous nous réunir. La première chose que je ferai, c’est donc d’aller en Savoie retrouver ma famille”, se laisse à rêver Emeline. “Et retrouver mes copines du rugby, ajoute la jeune femme. Ce sport, c'est ma deuxième famille.”
Emeline Gros a également hâte de renfiler ses baskets et de pouvoir se défouler dehors. “Je vais retourner courir sans hésitation. Dès le 11 mai, je vais reprendre un rythme de course intense et un programme vraiment cardio, afin de récupérer mon physique.” Toutefois, l’infirmière de 24 ans est catégorique, s’il y a trop de monde dehors, elle n’ira pas courir. “S’il y a trop de monde, je préfère me priver afin de préserver les résidents. C’est un sacrifice mais quand on voit que nous n’avons toujours aucun cas de Covid-19, c’est une récompense.” Avant de conclure : “La crise sanitaire est plus importante que le sport du dimanche.”
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.