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Coronavirus : Carnet de bord - Episode 6. Emeline Gros, du terrain de rugby à l'Ehpad

Carnet de bord - Episode 6. Pour le dernier épisode de ce journal de bord, Emeline Gros, joueuse du FC Grenoble Amazones, du XV de France et infirmière, nous partage son quotidien au cœur de son Ehpad, en Isère. Alors que les Ehpad et les établissements médico-sociaux recensent plus de 10 000 morts depuis le début de la pandémie de Covid-19, le confinement et les mesures sanitaires sont maintenus dans ces structures alors que le pays a commencé son déconfinement depuis une semaine. Témoignage.
Article rédigé par Apolline Merle
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié
Temps de lecture : 4 min
 

Si depuis une semaine la France a débuté son déconfinement progressif, les Ehpad ont maintenu leurs réglementations strictes. Une information qu’il a fallu rappeler en début de semaine aux proches des résidents de l’Ehpad des Ecrins à Vizille, en Isère. “Avec le début du déconfinement, certaines familles pensaient qu’elles pourraient venir voir leur proche normalement. La direction a dû leur expliquer que dans les Ehpad, le confinement s’appliquait toujours. Ce sont des structures accueillant des personnes à risque, il faut donc redoubler de vigilance”, détaille Emeline Gros, infirmière et troisième ligne du FC Grenoble Amazones.

Pour ne prendre aucun risque alors que l’Ehpad ne compte toujours aucun cas, les visites se poursuivent sous forme de “parloirs”. Forte de ce succès, la direction de la structure imagine même de créer des créneaux le week-end avec l’aide de bénévoles. “Beaucoup de proches qui travaillent la semaine ne peuvent pas venir voir leur parent. Avec les créneaux de fin de semaine, il leur sera plus pratique de se déplacer”, précise Emeline Gros. Les visites en extérieur ainsi qu’un déconfinement des chambres pour les résidents sont également évoqués mais restent, pour le moment, au stade de suggestion. 

Des mesures de confinement jusqu'à fin août

Le déconfinement risque d’ailleurs de durer en Ehpad. “Nous avons eu un retour d'un des médecins la semaine dernière, qui nous a dit 'attendez-vous à ce que les mesures de confinement durent jusqu'à fin août au moins', nous rapporte l'infirmière de 24 ans. Si un cas venait à se déclarer, les conséquences pourraient être très graves. Il vaut mieux rester confiné, et trouver des solutions pour que les familles puissent voir leurs proches, plutôt qu'on baisse la garde.” Le rythme sera donc intense encore pendant plusieurs mois, sans compter que les vacances d’été et les congés du personnel soignant entreront dans l’équation.

Mais se projeter sur ces prochains mois n’est pas chose facile. “Les prochaines semaines sont encore floues. Il faut continuer à être vigilant, nous ne sommes pas à l’abris d’une deuxième vague. Nous verrons où nous en sommes dans les prochaines semaines au niveau des statistiques”, pose la troisième ligne des Amazones, qui confie “vivre encore au jour le jour”

Si l’Ehpad reste en confinement, Emeline Gros s’est malgré tout octroyée quelques sorties, notamment sportives. “Je suis allée courir. Depuis le temps que j’attendais ça. Ça m’a fait énormément de bien”, explique Emeline Gros, qui a repris en douceur le footing pour éviter les blessures. “Je vais procéder par échelon et je continue le renforcement musculaire en parallèle. Je ne pensais pas dire ça un jour, mais j’ai hâte de reprendre les grosses séances de physique en équipe”, rit la joueuse du XV de France. 

“Lors de ces deux mois, j’étais comme un lion en cage. Sans sorties ni vie sociale, c’était très dur”

Pour un premier bilan du post-confinement, Emeline Gros reconnaît qu’il lui a permis de reprendre du temps pour soi. “J’ai pris le temps d’appeler mes proches et de prendre de leurs nouvelles. Je me suis mis à cuisiner. Cette période m’a aussi ouvert les yeux sur le fait que le sport est essentiel pour moi, il me fait vivre. Lors de ces deux mois, j’étais comme un lion en cage. Sans sorties ni vie sociale, c’était très dur.” Avant d’ajouter : “Se retrouver seule le soir, sans entraînement, sans personne, et où rien ne t’anime, c’est difficile. Ma seule échappatoire était mes jours de travail où je voyais mes collègues et les résidents”, se livre la jeune femme. 

Une crise qui a mis en lumière les difficultés des soignants

En tant qu’infirmière, Emeline Gros ressortira grandie de cette crise où les soignants ont rapidement été mis en première ligne face au virus. “Le Covid-19 a permis d’alerter sur le manque de matériel et d’argent pour faire tourner les services correctement. Il a aussi montré que l’on était très soutenu par toute la population”, souligne l'infirmière de 24 ans. S’il fallait encore une preuve de ce soutien, il suffit d’observer les attentions reçues par le personnel de l’Ehpad chaque jour, que ce soit les appels, les lettres ou l’envoi de fleurs. A chaque attention, le message est identique. “Les familles des résidents nous remercient pour notre travail, pour la bienveillance et bientraitance que l’on apporte aux résidents. C’est très touchant”, confie encore Emeline Gros. 

“Que certains aient pu penser qu’il s’agissait d’un abandon de leurs proches, ça a été très dur à encaisser pour moi”

Le plus dur pour elle a été de voir les résidents sombrer pendant le confinement sans les visites des leurs. “Ne pas voir leur famille a été très difficile pour beaucoup. Que certains aient pu penser qu’il s’agissait d’un abandon de leurs proches, ça a été très dur à encaisser pour moi. En tant que soignant, on se rend compte que c’est très difficile de combler ce manque-là. J'avais déjà pu l'observer mais le vivre ainsi, ce n’est pas facile”, souligne Emeline Gros, qui rappelle toutefois, que malgré l’attachement qu’on peut avoir envers les résidents, il faut savoir mettre de la distance avec eux pour ne pas se laisser envahir par ses émotions. 

Alors que les prochains mois restent incertains, Emeline Gros a enfin des craintes quant à la reprise du rugby. “Comment la reprise va-t-elle se passer ? Le rugby étant un sport de contacts, donc à risque, je ne sais pas comment nous pourrons adapter le jeu, s'inquiète-t-elle. Sachant que l’adapter revient à en faire un sport différent.”

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