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Coronavirus : Les championnats exotiques, bouée de sauvetage des opérateurs de paris sportifs pendant le confinement

Devenus incontournables dans le monde du sport depuis quelques années, les paris sportifs ont, eux-aussi, subi brutalement l'arrêt des compétitions sportives depuis la mi-mars. Acteurs importants de l'économie du sport français, puisque 1% des mises est reversé aux organisateurs et qu'ils sponsorisent également de nombreux clubs, les opérateurs ont fait face avec l'émergence inattendue de compétitions exotiques qui ont fait le bonheur des parieurs.
Article rédigé par Thierry Tazé-Bernard
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié
Temps de lecture : 7min
  (PAUL ELLIS / AFP)

C'est un pan méconnu de l'économie généré par le sport. En 2019, les Français ont misé plus de 5 milliards d'euros dans les paris sportifs. Football, basket, tennis, handball, rugby, hippisme, en ligne ou dans un réseau physique, c'était un marché en très forte hausse : +30% entre 2018 et 2019. Des chiffres qui faisaient également les affaires des organisateurs, puisque tous ceux (fédérations, ligues...) qui mettent sur pied des compétitions disputées en France perçoivent 1% des mises de la part des opérateurs de paris.

Mais 2020 ne poursuivra pas la tendance. La crise du Covid-19 est passée par là. Plus de matches, plus de compétitions majeures ni même de courses hippiques, et "95% de l'offre est tombée", indique-t-on du côté de la Française des Jeux, opérateur historique qui reste l'un des principaux sur le marché. "Tout s'est arrêté en une semaine", ajoute Tristan Guiglini, responsable des paris sportifs chez Winamax, qui a vu sa courbe de croissance (+58% sur les deux premiers mois de 2020) s'inverser.

100 millions d'euros de moins de chiffre d'affaires en un mois pour La Française des Jeux

Aux côtés des athlètes, des clubs, des fédérations, des organisateurs, les entreprises de paris ont donc aussi subi de plein fouet la pandémie. Et pour les 2.8 millions de joueurs en France, un grand vide. Dans le premier mois de confinement, le chiffre d'affaires total de La Française des Jeux (y compris les jeux de hasard) a chuté de 100 millions d'euros, et le premier trimestre s'est soldé par un recul des mises de 5%. Chez Winamax, qui concentre comme Betclic-Unibet environ 25% du marché, "le chiffre d'affaires a été divisé par 10" sur le mois d'avril pour ce qui concerne les paris sportifs, faisant passer les mises de 150 à 15 millions d'euros.

Pour tous, les annulations et les reports se sont enchaînés comme autant de mauvaises nouvelles. Le football, principale cible des parieurs, a baissé le rideau, et ses paris aussi. Le ballon rond représentait, lors du dernier trimestre de 2019, 850 millions d'euros de mises, sur un total de 1.5 milliards, selon le dernier rapport de l'Autorité de régulation des jeux en ligne (Arjel). Dans ces trois derniers mois de l'année passée, 124.8 millions d'euros avaient été misés sur les 107 matches disputés en Ligue 1. C'est à peu près l'équivalent des rencontres annulées en cette fin de saison 2020 (100)... Le manque à gagner est donc énorme rien que sur le championnat de France. Dans la même période, 125.2 millions d'euros avaient été misés sur les 80 matches de Ligue des champions. Par comparaison, l'année passée, 105 millions d'euros avaient été joués pendant Roland-Garros. Et le tournoi est repoussé à la fin septembre.

"De 400 000 à 600 000 euros de mises par match sur le championnat biélorusse"

En mal de paris, de nombreux clients se sont alors tournés vers des championnats plus exotiques. "Seules quelques compétitions agréées par le régulateur français restent ouvertes aux paris", précise-t-on à la Française des Jeux. "Il s’agit pour le football des championnats de Biélorussie, de Corée du Sud et celui des iles Féroé ainsi que du championnat de baseball de Corée du Sud." Des compétitions qui ont été ouvertes aux paris en France tout de suite après le début du confinement, pour compenser toutes ces annulations, mais une hirondelle ne fait pas le printemps. Comment miser son argent sur le choc entre Jeonbuk Motors, champion de Corée du Sud en titre, et Suwon Bluewings en ouverture du championnat, plutôt que sur PSG-OM ?

Chez Winamax, ces championnats ont été une petite bouée de sauvetage : "On a essayé d'optimiser le peu qui restait en proposant des paris sur les buteurs pour les championnats comme ceux de Biélorussie ou de Corée du Sud", explique Tristan Guiglini. "On a aussi acheté les droits de retransmission." Et cela a fonctionné de manière incroyable, à l'aune de l'intérêt habituel sur ces compétitions : "On a eu jusqu'à 10 000 téléspectateurs sur les plus gros matches en Biélorussie", se réjouit-il. "Cela donne l'équivalent du volume d'un match de Ligue 1. Sur la 8e journée, la dernière en date, on avait entre 400 000 et 600 000 euros de mises par match, alors qu'en temps normal, les mises tourneraient entre 5 000 et 6000 euros par match." Pour être à la hauteur, les traders ont dû renforcer leurs connaissances sur des compétitions méconnues. Reste que les 5 matches en Biélorussie, ceux en Corée ou le base-ball ne font pas oublier les centaines de rencontres disputées à travers le monde en permanence en temps normal.

Les jeux en ligne pris d'assaut

Avec les restrictions de déplacements, les joueurs se sont logiquement rabattus sur les offres en ligne. "Nous avons constaté une croissance des mises digitales", indique-t-on à La Française des Jeux. "Celle-ci est essentiellement portée par la hausse du nombre de joueurs qui s’inscrivent sur Internet sans constater une hausse significative de la mise moyenne par joueur." Chez Winamax, si les paris sportifs ont été sinistrés, l'activité poker en ligne a presque doublé, dans une sorte de copier-coller des apéros-skype si prisés pendant le confinement : "On a été débordé, notamment avec les tournois privés, qui n'étaient qu'une dizaine créés par jour habituellement mais dont le chiffre a atteint les 5000 par jour pendant cette période", souligne le représentant de l'opérateur. Même s'il s'agit plus de nouveaux parieurs que d'un transfert d'aficionados du paris sportif reconverti en Patrick Bruel en herbe, Winamax a un peu compensé l'effondrement de sa partie sport, mais pas totalement.

La suite ? Personne ne peut prédire quand les paris sportifs retrouveront leur rythme de croisière. Chacun attend le redémarrage des compétitions, à mesure que la pandémie ralentit autour de la planète. "Le report de l'Euro 2020 de foot aura de toute façon un gros impact sur notre année", analyse Tristan Guiglini. "C'était le gros objectif, car chaque grande compétition génère un volume très important de mises et de nouveaux parieurs, dont une partie reste après. Mais pendant cette crise, on a vu également qu'il y a un très fort attrait pour les paris sportifs. A moyen terme, cette croissance va revenir."

Ce week-end, la reprise de la Bundesliga devrait passionner les parieurs pour un championnat majeur qui fait partie des plus grosses mises traditionnellement. "Je pense qu'on va exploser nos chiffres", espère Tristan Guiglini. Le début d'un retour à la normale ?

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