Coupe du monde 2018: 20 ans après, le Maroc fébrile
Au cœur de la vieille ville de Rabat, Mohamed se frotte les mains car la demande en décodeurs TV piratés "a beaucoup augmenté ces dernières semaines". Selon le vendeur, "beaucoup, aussi, viennent se renseigner pour savoir si des chaînes diffuseront gratuitement les matchs".
Alors que la fin du ramadan coïncide avec le premier match des Lions de l'Atlas face à l'Iran, vendredi à Saint-Pétersbourg, les cafés, toujours bondés pour les grandes rencontres, se préparent à accueillir des foules de clients. "On s'attend à une hausse des recettes, surtout dans les quartiers populaires", souligne le président de l'Association des cafés et restaurants du Maroc Noureddine El Harrak. "Il ne faut pas s'attendre à ce qu'il y ait grand monde au travail durant les matchs", souffle un expatrié français amateur de foot qui travaille depuis plusieurs années à Rabat.
Partout, les marques marocaines se sont offertes d'immenses affiches aux couleurs du drapeau rouge et vert marocain, avec des messages patriotiques souhaitant "bonne chance" aux Lions de l'Atlas. "Tous les secteurs veulent bénéficier de la forte audience du Mondial et du rayonnement international de certains joueurs", souligne le président du Groupement des Annonceurs du Maroc Mounir Jazouli. "Nous sommes sûrs que le marché de la publicité connaîtra une forte croissance cette année", dit-il.
Les supporters, eux, préparent leurs valises. "Ils sont 8.500 à partir du Maroc, un chiffre susceptible d'augmenter avec les vols spéciaux" prévus par la compagnie aérienne publique Royal Air Maroc (RAM), selon un porte-parole de la Fédération marocaine de football. Sans compter les Marocains de la diaspora. Wiam, une ingénieure en informatique de 31 ans, n'a jamais assisté à un match de la sélection marocaine mais a pris son billet pour la Russie. "Cela faisait si longtemps que le Maroc ne s'était pas qualifié" et "on ne sait pas si l'occasion se présentera de nouveau", explique-t-elle.
"Exutoire"
Le foot est le sport le plus populaire du Maroc, même si l'équipe première n'a remporté qu'un seul titre dans son histoire, la Coupe d'Afrique des nations (CAN) en 1976. Pour le chercheur en sport Moncef El Yazghi, c'est même "le seul sport capable de susciter des manifestations patriotiques de manière spontanée sans l'intervention des autorités". C'est aussi et surtout un "exutoire en période de crise". "L'opinion publique sera totalement branchée sur cette compétition", écrivait récemment le journal L'Economiste, y voyant l'occasion d'un "temps mort" pour la politique alors que le gouvernement marocain vacille face à un mouvement de boycott économique massivement suivi par les consommateurs pour protester contre la vie chère.
Et si, ces dernières années, les mauvais résultats ont "poussé les Marocains à se désintéresser de leur équipe", la qualification "face à une équipe ivoirienne forte, dans un scénario sans précédent (victoire 2-0 à Abidjan, une première depuis 1998), a permis de ressusciter l'engouement", selon Moncef El Yazghi. Mohamed, 36 ans, qui comme 4.000 supporters marocains avait fait le voyage à Abidjan en novembre 2017 pour soutenir la sélection nationale, se prépare à partir pour le Mondial "depuis décembre dernier". Il veut joindre l'utile à l'agréable, d'autant que, souligne-t-il, "la Russie est un beau pays qui mérite d'être visité".
Avec l'AFP
Pour aller plus loin :
Coupe du monde 2018 : zoom sur le Maroc
Le Maroc passe à côté de l'organisation du Mondial 2026
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.