Covid-19 : comment la crise sanitaire a aussi changé notre manière de faire du sport
Depuis un an, beaucoup de clubs amateurs sont fermés, les activités en intérieur sont proscrites à cause du coronavirus. Il a fallu s'adapter mais avec quelles conséquences ?
La tendance avait été soulignée dès le premier confinement lié au Covid-19, au printemps dernier : les Français ont rechaussé les baskets pour aller courir. "Je trouve qu'il y a beaucoup plus de monde qu'il y a un an, certainement de nouveaux adeptes", confirme un habitué de la coulée verte du sud parisien. Cette bande arborée qui relie Paris à Massy, dans l'Essonne, s'est transformée en autoroute du running ou en piste cyclable. À pied ou à vélo, beaucoup ont profité des circonstances pour se dépenser. "Avant, je faisais un peu de sport mais pas autant, raconte David. J'en fais beaucoup plus, je cours tous les jours presque. Je ne lâche pas, c'est une drogue pour moi."
Le marché du fitness à domicile explose
Autre tendance très marquée depuis le début de la crise : le sport à la maison. Les différentes enquêtes montrent que presque la moitié des pratiquants ont fait du sport à domicile pendant les confinements. C'est deux fois plus qu'avant. L'appartement d'Estelle s'est transformé en salle de sport depuis le premier confinement. "Ça se passe exactement comme dans une salle de sport : j'ai mon tapis et mon ordinateur, je lance ma séance vidéo et je l'exécute", explique cette quadragénaire, habitante de Toulouse. Abonnée aux salles de sport, aujourd'hui fermées, elle a réinventé ses pratiques.
"Je n'ai pas d'intérêt à reprendre le sport autrement quand la reprise sera autorisée, ou alors je m'inscrirai dans une salle où les relations humaines sont importantes. Ce ne sera pas juste pour le sport que je peux faire chez moi."
Estelleà franceinfo
Un chiffre qui résume assez bien cette dynamique : le marché du fitness à domicile a bondi de 50% l'an passé. Ça se confirme chez Decathlon, le leader mondial des articles de sport, où il a fallu revoir les rayonnages dans les magasins. "Sans surprise, les rayons les plus plébiscités concernent le fitness, détaille Arnaud Gauquelin, le directeur général du groupe en France. Ça concerne tout ce qui est sport à domicile mais aussi les matériels du type rameur ou tapis de marche. Le cycle a connu également un engouement exceptionnel et c'est toujours le cas sur ce début d'année 2021. À l'inverse, tous les sports collectifs et ceux pratiqués en salle ont été très impactés. La natation a particulièrement souffert." Decathlon a vu son chiffre d'affaires reculer de 9% l'an dernier alors que ses 320 magasins en France n'ont ouvert que neuf mois.
Les associations sportives en danger
Mais si l'on fait davantage de sport chez soi, on en fait moins en club. Les plus pénalisés sont ceux qui proposent des activités en groupe et en intérieur. Beaucoup de fédérations ont vu leur nombre de licenciés fondre, comme en badminton. Depuis plusieurs décennies, le nombre de pratiquants était en hausse constante mais il a chuté à la rentrée de septembre : - 30%. Soixante mille personnes sont parties. C'est aussi un tiers de ressources en moins (les cotisations étant le premier poste de recettes) pour une fédération forcément fragilisée. "La pratique du badminton continuera et je n'ai aucun doute. Mais sur la pratique en club, il y a danger, reconnaît le nouveau président de la Fédération française de badminton (FFBaD) depuis trois mois, Yohan Penel. Comment peut-on organiser la vie du badminton au sein d'une association ?"
"On parle de cohésion, d'éducation, de rupture de l'isolement social. C'est tout ce badminton-là qui est aujourd'hui en péril."
Yohan Penel, président de la Fédération française de badmintonà franceinfo
Le cri d'alarme est fort : c'est le sport en association qui est en danger si aucune porte de sortie n'est trouvée dans les prochaines semaines. Une chose est sûre : les clubs eux-aussi sont transformés par cette crise. "Le club de 2021 n'est plus celui de 2020", résume Thomas Guillochon. Il est le directeur du développement et expert sport amateur chez HelloAsso, une plateforme de financement des associations qui suit 35 000 clubs, dont beaucoup depuis le début de la crise. Il a pu observer comment les clubs ont su s'adapter à cette période si particulière. Une grande partie ont accéléré ce que Thomas Guillochon appelle "leur mutation numérique". Par exemple : un petit club de football ouvre une boutique en ligne pour y vendre ses maillots ou la remise des licences se fait par voie digitale pour éviter les contacts.
"Le club de 2021 est totalement différent parce qu'il a de nouveaux outils, notamment numériques, parce qu'il a de nouvelles façons de mobiliser ses communautés et parce qu'on a d'autres façons de pratiquer, poursuit Thomas Guillochon. C'est là que je suis le plus impressionné par le sport amateur, et très heureux de voir que toutes les structures autour du sport amateur essayent d'avancer collectivement pour soutenir ce secteur associatif prioritaire pour notre société."
Le défi est de taille : comment relancer l'activité sportive en club quand les interdits sont nombreux et que beaucoup de sportifs amateurs ont trouvé une alternative ailleurs ? Le temps presse déjà.
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