Armstrong avoue sans détour
"J'ai commis une erreur et j'en suis désolé"
Longtemps, le monde du cyclisme a attendu en vain les confessions d'une évidence. Il a eu le droit, jeudi soir, au premier acte des aveux de Lance Armstrong. En 90 minutes d'interview sur la chaîne OWN, propriété du groupe Discovery, l'ancien coureur américain a tout déballé, ou presque, sur son histoire avec le dopage. Sans détour, sans temps mort et en éprouvant même des regrets. Face à la papesse du talk-show US, Oprah Winfrey, l'ex-septuple vainqueur du Tour de France a enfin reconnu s'être dopé toute sa carrière. "J'ai commis une erreur et j'en suis désolé", a-t-il déclaré.
Visage fermé comme souvent, tentant de se parer d'un minimum d'émotion de circonstance, Lance Armstrong a répondu sans détour aux questions. Comme un juge qui demanderait son verdict à un juré unique, Oprah Winfrey a débuté par un enchaînement de questions relatives au dopage, à sa pratique et à l'utilisation qu'il en avait faite. "Oui ou non, avez-vous déjà pris des substances interdites ?", "Avez-vous déjà utilisé de l'EPO, des transfusions sanguines pour améliorer vos performances ?" "Etiez-vous dopé lors de vos sept victoires sur le Tour de France ?" Et l'accusé s'est contenté d'une même réponse : "Oui". Oui, il s'est dopé, a-t-il admis lèvres pincées. Oui, il a pris de l'EPO et d'autres produits. Oui, il était dopé lors de ses sept victoires sur la Grande Boucle. Des réponses lapidaires qu'il a ensuite développées.
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Les aveux de Lance Armstrong (extrait de Télématin)
EPO, transfusions et hormones de croissance
"Mon cocktail c'était l'EPO, les transfusions et la testostérone. Mais aussi de la cortisone et des hormones de croissance", a-t-il confié face à l'animatrice. "Je vois cette situation comme un gros mensonge que j'ai répété de nombreuses fois". L'Américain a expliqué avoir profité d'une époque où les contrôles inopinés étaient quasi inexistants, où le passeport sanguin n'existait pas et où le dopage à l'EPO était une pratique courante. "CÇa faisait partie du boulot. Après, c'était juste une question de timing. En course, j'étais propre. Maintenant, on est aussi testé en compétition. Le passeport a changé la donne," explique le natif d'Austin.
Une attitude globale qu'il explique par une soif de victoire après s'être remis de son cancer aux testicules en 1996. "D'une certaine manière, je justifiais (cela) par mon histoire, mon cancer, raconte-t-il. Avant mon diagnostic, j’étais un compétiteur, mais pas acharné. Puis, ce traitement m’a transformé en quelqu’un qui voulait gagner à tout prix. J’aurais tout fait pour vaincre le cancer, et c’est quelque chose de bien. J’ai pris cela, cette attitude, gagner à tout prix, je l'ai transposée dans le cyclisme."
Impossible de gagner le Tour sans dopage
Armstrong a expliqué avoir commencé à se doper au milieu des années 90, bien avant son cancer. "L'histoire a été longue, parfaite, mythique. Mais elle n'était pas réelle", déclare-t-il. "Je n'aurais pas pu gagner le Tour de France sept fois sans le dopage." Des aveux tant attendus, 10 ans après les premiers soupçons, et un mea culpa teinté de remords et de regrets. "Je n'ai pas inventé la culture du dopage, mais je n'ai rien fait contre et c'est mon erreur", déplore le Texan. "Tout ça, c'est de ma faute. Mais derrière, il y avait les fans et les médias. Ça a continué et je me suis perdu dedans." Armstrong a expliqué à Oprah Winfrey qu'il n'avait pas l'impression de se doper. "Je faisais mon boulot", dit-il. Il a surtout nié avoir forcé le moindre de ses coéquipiers à le faire. "L’idée que c’était forcé ou encouragé est fausse", martèle-t-il, tout en niant également les propos de l'USADA qui évoquait "le plus grand système de dopage organisé jamais mis en place." "Ce n'était rien à côté des programmes de l'Allemagne de l'Est dans les années 60 et 70", s'amuse-t-il.
"Regardez-le, c'est un con"
Des regrets, Lance Armstrong en a donc des tas concernant son rapport au dopage, mais aussi concernant son attitude. "Le côté salaud, on le voit maintenant. Avec mon attitude, je l'ai amplifié, s'apitoie-t-il. J'en paie le prix. C’est normal. Quand je regarde ces images maintenant, je me dis: 'regardez-le, c'est un con'. Mon défaut majeur a été de trop vouloir gagner à tout prix. Cette arrogance..."
S'il nie s'être dopé lors de son retour à la compétition en 2009, il admet que c'est sans doute cette seconde carrière qui a provoqué sa chute, ajoutée aux confessions de Floyd Landis en 2010. "Regrettez-vous d'être revenu ?", lui a demandé Oprah Winfrey. "Oui, car on ne serait pas en train de faire cette interview sinon", lui a-t-il tout simplement répondu. Il juge également avoir eu une mauvaise réaction quand l'USADA a rouvert le dossier : "J'ai eu la même réaction : 'qu'ils viennent et je vais rendre les coups'. Je ferais n'importe quoi pour revenir à ce jour. "Si je pouvais revenir en arrière et leur dire : 'donnez-moi trois jours, je vais appeler certaines personnes'. Et je ne me battrais pas"
Une tentative pour redorer son image
Quid de l'avenir de L.A. ? "Quand j'entends dire que les gens ne me pardonneront jamais, je le comprends," explique-t-il. "Je ne sais pas si j’ai la bonne réponse (avec ces aveux). Il est trop tard sûrement, pour beaucoup de gens, et c’est ma faute. Je passerai le reste de ma vie à tenter de regagner leur confiance et à m'excuser." L'ancien leader de l'US Postal se dit désormais prêt à aider une commission "vérité et réconciliation" pour rendre le cyclisme propre.
Dans cette interview parfaitement préparée, aussi bien dans l'attitude stoïque que dans le choix des questions, l'ancien champion du monde 1993 s'est contenté de parler de lui pour tenter de faire table rase du passé. La demande de pardon n'est pas venue. Un second volet d'une heure est programmé vendredi soir à la télévision américaine. Le Texan y évoquera cette fois ses sponsors, son enfance et son message. Moins d'aveux sans doute, mais une tentative pour redorer son image.
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