Cyclisme : Rien Schuurhuis, l'improbable trajectoire du premier Vaticanais aux championnats d'Europe

Le coureur de 42 ans, né aux Pays-Bas, a obtenu la nationalité sportive vaticanaise en 2020. Il sera le premier coureur du Saint-Siège à s'aligner aux Championnats d'Europe, dimanche.
Article rédigé par Théo Gicquel
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié
Temps de lecture : 5min
Le coureur vaticanais Rien Schuurhuis, entouré de son staff, pose devant la basilique Saint-Pierre à Rome. (ATHLETICA VATICANA)

On peut s'appeler Rien et avoir tout à gagner. Rien Schuurhuis, 42 ans, est né à Groningue, aux Pays-Bas, mais, dimanche 15 septembre, il portera, seul, les couleurs du Vatican aux championnats d'Europe de cyclisme en Belgique.

Comment s'est-il retrouvé là, à défendre les couleurs du Saint-Siège ? L'australo-néerlandais, qui a roulé sa bosse dans des équipes de troisième division cambodgiennes et australiennes au gré des mutations de sa femme, le doit à cette dernière. Diplomate australienne au Vatican, elle lui a ouvert une porte difficile d'accès en temps normal. "En 2019, le pape a lancé Athletica Vaticana, la fédération sportive du Vatican, avec le but de promouvoir l'inclusion et la fraternité à travers le sport. Tu ne peux en être membre que si tu travailles au Vatican, ou si un membre direct de ta famille y travaille", dévoile Rien Schuurhuis.

Adoubé par Van Aert et Alaphilippe

Convaincu par le message porté par le pape, le voici désormais représentant de l'Etat de la Cité du Vatican, lui qui n'avait jamais eu l'occasion de porter un maillot national. "L'athlétisme était déjà assez bien établi, ils étaient en train de mettre en place la partie cyclisme. J'ai été séduit par le message d'inclusion et de fraternité à travers le sport que la fédération essayait de véhiculer", justifie-t-il.

Au sein d'une équipe qui compte désormais une dizaine de coureurs, tous amateurs, il a répondu à l'appel lorsqu'en 2022, le Vatican lui a demandé de le représenter pour ses premiers championnats du monde en Australie. 

"Sur la ligne de départ des Mondiaux 2022, j'étais à côté de Julian Alaphilippe, il a été super accueillant et gentil. Il m'a donné un aperçu de la stratégie de la France afin que je survive le plus longtemps possible. Et ça m'a beaucoup aidé."

Rien Schuurhuis, coureur du Vatican

à franceinfo: sport

A côté de Wout van Aert ou Mathieu van der Poel, sa grande carcasse (1,95 m) ne passe pas inaperçue, comme son histoire peu commune. "Tout le monde a été très accueillant. J'avais eu un peu d'exposition auparavant, donc beaucoup de coureurs savaient qui j'étais. Lors de la reconnaissance de la course, j'ai croisé Wout van Aert, qui m'a dit : 'Oh, tu es le coureur du Vatican, j’ai entendu parler de toi, c’est génial que tu participes'. C'était assez magique d'être sur la ligne de départ", se souvient-il.

Rien a secoué le peloton

Pour sa première course de ce niveau, celui qui a débuté le cyclisme à... 19 ans s'est même permis le luxe d'attaquer. Il l'avoue lui-même, "l'objectif n'est pas de finir la course, mais d'aller dans l'échappée pour diffuser le message d'Athletica Vaticana". A Glasgow en 2023, Rien Schuurhuis a retenté le coup, pour le même résultat : un peu de lumière sur le Saint-Siège, et un abandon.

Rien Schuurhuis, entouré de Julian Alaphilippe et Remco Evenepoel lors des Mondiaux de Wollongong (Australie) 2022. (ATHLETICA VATICANA)

Mais l'essentiel a été fait : il s'est fait plaisir et le Vatican existe désormais aux yeux de l'Union cycliste internationale, qui en a fait son 200e membre en 2021. Rien Schuurhuis, lui, côtoie les meilleurs mondiaux chaque mois de septembre, pour sa seule course de l'année jusqu'à la cuvée 2024, où il va doubler championnats d'Europe et du monde.

Un shot annuel de cyclisme et une forme d'apothéose pour une carrière saccadée. "Si vous atteignez un certain âge, les gens vont commencer à vous juger, à dire que vous êtes trop vieux pour le haut niveau, que vous devriez vous retirer. Je n'y crois pas. C'est une passion pour la vie", estime-t-il.

A 42 ans, celui qui a été marqué par Miguel Indurain dans sa jeunesse n'a malheureusement "plus le temps de regarder les courses comme pendant [ses] études" puisqu'il a une entreprise d'imprimantes 3D à gérer à côté, et se contente de résumés vidéo de "quelques minutes du Tour de France". "J'aime la rivalité Van der Poel-Van Aert et voir Tadej Pogacar gagner le Tour", concède-t-il.

Représenter et transmettre

A Hasselt (Belgique) dimanche, il sera le premier coureur à représenter le Vatican aux championnats d'Europe. Il y sera entouré de sa femme et de ses deux fils, mordus de vélo, qui l'accompagnent chaque année.

Il aura aussi le staff de l'équipe nationale, qui compte notamment Valerio Agnoli, coéquipier de Vincenzo Nibali pendant toute sa carrière, "une grande aide quand vous débarquez et que vous ne savez pas comment faire". Rien Schuurhuis dispose d'un coach personnel et s'est préparé seul pour cet événement, même s'il apprécie faire des sorties avec les membres de la sélection, issus "de tous bords, âges et genres", indique-t-il.

Le coureur vaticanais Rien Schuurhuis et son fils devant la basilique Saint-Pierre de Rome. (ATHLETICA VATICANA)

Comme aux Mondiaux, auxquels il participera pour la troisième fois à Zurich (Suisse) le 29 septembre, le Vaticanais d'adoption tentera d'intriguer les spectateurs en glissant son maillot blanc et jaune dans l'échappée, avant de résister le plus longtemps possible. "Je n'ai pas d'illusions de finir la course. Ce serait bien, mais ce n'est pas réaliste. La meilleure façon d'obtenir un peu d'exposition, c'est d'essayer d'aller dans l'échappée. J'ai réussi les dernières fois, donc on verra comment ça se passera dimanche", conclut-il.

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.