Cyclisme : les formations françaises n'arrivent plus à suivre le rythme financier imposé par les grosses équipes internationales

Pour le le manageur de l'équipe Arkéa B&B, le modèle du cyclisme français arrive en bout de course.
Article rédigé par Fanny Lechevestrier
Radio France
Publié
Temps de lecture : 3min
Le peloton sur la 12e étape du Tour de France, jeudi 11 juillet. (DAVID PINTENS / BELGA MAG)

La saison de cyclisme professionnel prend fin officiellement dimanche 20 octobre avec la fin du Tour du Guangxi, en Chine. Si à l'heure du bilan, on retient l'ultra domination de Tadej Pogacar, il y a aussi l'inquiétude grandissante concernant les équipes françaises.

Le dernier à avoir tiré la sonnette d'alarme est Emmanuel Hubert, le manageur de l'équipe Arkéa B&B Hôtels, le plus petit budget des équipes de première division. Sa formation, malgré neuf succès cette année dont une victoire d'étape sur le Tour, se retrouve en danger : sans sponsor pour le moment après le 31 décembre 2025.

Pour lui, le modèle du cyclisme français arrive en bout de course. "Comment voulez-vous que je puisse garder des coureurs en n'ayant qu’un an et deux mois de visibilité ? , déplore Emmanuel Hubert. Et on ne peut pas s'offusquer et dire qu'on n'a pas le vainqueur du Tour de France dans nos équipes. Ce n'est pas qu'on est mauvais. On ne fait peut-être pas tout bien, mais à l'étranger ils ne font pas tout bien non plus. En revanche, ils ont tout simplement un peu plus d'argent et donc ils restent dans le match."

"Je pense que dans cinq ans, il va y avoir une grosse disparition d'équipes en France."

Emmanuel Hubert, manageur de l'équipe Arkéa B&B

à franceinfo

"C'est comme si demain matin s'arrêtait une grosse PME"

En cause, Les formations étrangères au budget parfois illimité comme UAE, l'équipe de Tadej Pogacar. Mais aussi, comme pour nombre de sports, les charges fiscales qui pèsent sur les équipes françaises. "Les charges ont toujours existé.  La seule chose, c'est que les budgets aujourd'hui sont exponentiels de folie. En face, nous avons des travailleurs indépendants, donc quand un coureur veut dix, nous on est obligé de penser à 15 parce que ça nous coûte une fois et demie plus. À partir du moment où on va créer de la valeur sportive, c’est-à-dire des Lenny Martinez, Kévin Vauquelin et Romain Grégoire, comment on va faire pour les garder quand on va leur proposer plus ailleurs ?"

L'hémorragie a déjà commencé : Lenny Martinez quitte la Groupama cet hiver, Clément Champoussin ne portera plus les couleurs d'Arkea. Et Emmanuel Hubert d'en appeler aux instances dirigeantes, car, faute d'argent, c'est toute la pyramide du vélo qui menace de s'écrouler. "Il y a 40 ans, quand j'ai commencé le vélo, dix kilomètres autour de chez moi, j'avais un village qui organisait une course. Aujourd'hui, pour le même âge, un gamin de 14 ans est obligé parfois de faire 100 ou 150 km. Il va falloir vite se bouger. On sait qu'il peut y avoir du mécénat sur les associations..."

"Il faut que le sport continue en France ! Pour l'aider, peut-être une défiscalisation pour certaines entreprises qui vont s'engager uniquement dans du sport ?"

Emmanuel Hubert, manageur de l'équipe Arkéa B&B

à franceinfo

Et l'enjeu, souligne encore l'ancien cycliste professionnel, va bien au-delà d'une simple équipe de vélo : "Je me bagarre pour les 155 salariés que j'ai dans ma boîte. C'est quand même une réelle PME. C'est comme si demain matin s'arrêtait une grosse PME rennaise ou brestoise." Il conclut : il ne faudrait pas que les Jeux de Paris 2024 n'aient été l'embellie que d'un seul été.

Le cyclisme français inquiet pour son avenir : reportage de Fanny Lechevestrier

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