Denis Troch, la tête au service des jambes de la FDJ
Morzine. Le Tour 2010 observe sa première journée de repos. Depuis le départ de Rotterdam, tout va de travers dans l’équipe FDJ. Le téléphone de Denis Troch sonne. C’est Marc Madiot, le boss de l’équipe Française. « Je ne l’avais eu au téléphone mais il m’appelle pour me dire ‘faut que tu viennes, j’ai besoin de toi. Il paraît que t’es capable de remettre d’aplomb mes coureurs’. J’y suis allé sur une étape de repos mais je ne connaissais personne. » Quand il débarque, Denis Troch, mayennais comme Madiot, ne sait pas trop où il met les pieds. Son nom est connu dans le milieu grâce à ses résultats avec le cycliste Freddy Bichot qui parvient à disputer deux Tours de France. Il passe une après-midi avec eux à observer et à parler avec chacun. Le lendemain, bingo ! Sandy Casar s’échappe et, malgré le retour des favoris du Tour à la flamme rouge à St-Jean-de-Maurienne, il s’impose au sprint. « J’étais un dieu, le plus beau, le plus fort en moins de dix minutes », s’amuse Denis Troch cinq ans plus tard. Le coach mental a juste fait ce qu’il sait faire, en toute modestie. « Ce n’était pas un concours de circonstance mais des déblocages. Il fallait redonner confiance, l’estime de soi, redonner la possibilité au coureur de faire ce qu’il sait faire. » Six jours plus tard, c’est Pierrick Fedrigo chez Bouygues qui le contacte. Il veut abandonner mais ose cet appel de la dernière chance. Re-bingo ! 24 heures plus tard, le voilà nanti d’une victoire à Pau.
Moustache and curious
Cinq ans après, l’aura de Denis Troch n’a pas faibli. Oubliées les réticences du début. L’approche mentale a fait des petits dans tous les sports professionnels. Intégré à la formation FDJ, le Mayennais a trouvé sa place dans l’ombre des coureurs, autour d’un café ou dans l’exiguïté d’un couloir d’hôtel. Il y a bien sûr des réunions formelles « où on fait passer des messages sur la motivation, l’estime de soi, la confiance. » Mais l’essentiel de son travail se fait en tête-à-tête quand le cycliste en a besoin. Jamais forcée, sa présence rassurante invite à l’introspection et à l’échange. « Mon seul job, c’est de leur donner ce qu’ils attendent et leur ouvrir les portes pour qu’ils viennent chercher ce qu’ils ont envie. Parfois c’est du réconfort, une parole, un mot, un petit outil. Je ne travaille pas pour que la personne soit championne du monde mais championne de son propre monde, explique Troch qui sera présent à Pau lors la première journée de repos du Tour 2015. Quand on arrive à bien se connaître et savoir qui on est, on est capable de transmettre et de transcrire tout ce qu’on a en nous sur l’action et les objectifs qu’on se fixe. » En clair, si la tête tourne rond, les jambes vont suivre dans la direction choisie.
Le bien-être au cœur du coaching
Mais en cyclisme, la route est toujours raide. De la souffrance, toujours de la souffrance. Insuffisant pour Troch. « Le cyclisme est un sport difficile. On est accompagné mais on est seul à appuyer sur les pédales. On essaie d’y mettre un peu plus de plaisir. On va travailler sur les situations positives, sur les signes de reconnaissances ou une approche plus globale que sur un résultat brut. » Si le résultat est la finalité d’une équipe, celle de Troch est bien différente. « Je suis heureux quand le coureur a compris en toute autonomie qu’il avait trouvé quelque chose qui pouvait le faire grandir. C’est l’étincelle qu’il a dans les yeux qui m’importe le plus. Le fait de gagner… ça me fait plaisir pour lui. Moi, mon approche est dans le bien être, l’épanouissement de la personne et comment faire pour se sublimer dans les meilleures conditions possibles sans faire n’importe quoi. » Depuis son arrivée, « il y a eu beaucoup de réussite dans l’épanouissement personnel », assure Troch.
Le cycliste, cet être fragile et complexe
Plus que les autres sportifs de haut niveau, le cycliste est en proie permanente au doute. « En règle général, si on compare avec les footballeurs, le cycliste est en sous-estime de lui-même, analyse Troch. Il a cette particularité qu’il ne gagne pas souvent. Il est donc à même de se remettre toujours en question et de remettre en question ses approches. Le footballeur, tous les quinze jours il va gagner. Même si ce n’est pas toujours grâce à lui et qu’il s’accapare parfois la victoire d’un autre, il se régénère et se sent fort. Dans le vélo, c’est plus complexe. » Bien entendu, tous les coureurs ne sont pas logés à la même enseigne. Chacun a sa personnalité, ses problèmes, ses attentes. Leur approche du coaching mental peut donc varier. « Il y a plusieurs profils. Il y a les personnes qui ont besoin de voir où ils en sont. Certains veulent savoir ce qu’est la préparation mentale et ce que ça peut leur rapporter. Certains viennent rapidement, d’autres sont d’abord en retrait et ne font qu’écouter. Il y a aussi ceux qui n’en ont pas besoin comme certains leaders. » Ainsi, Thibaut Pinot n’est pas celui qui parle le plus. S’il a travaillé pour asseoir sa position de leader à la FDJ, il n’est pas très demandeur. « Il n’en a pas besoin pour se sublimer », indique Troch qui a plus de travail avec les « gregarios ». « J’ai surtout un travail autour des leaders chez les équipiers, ceux qui ont la lourde charge d’amener le leader dans les meilleures conditions. C’est une approche plutôt indirecte des leaders. » Depuis le départ d’Utrecht, la FDJ est en souffrance. William Bonnet a terminé à l’hôpital et Thibaut Pinot pointe à 6’33’’ de Chris Froome. Les têtes ne sont pas au mieux et Denis Troch va avoir du travail. Il ne serait pas étonnant de voir un FDJ parmi les meilleurs au sommet de la Pierre-Saint-Martin.
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