Dopage - Affaire Puerto, procès fleuve pour conclusions restreintes
C'est l'un des plus grands procès sur le dopage qui s'est ouvert ce matin à Madrid. Mais cela aurait pu être encore plus grand. Sept ans après les premières interpellations, cinq personnes vont comparaître dans le box des accusés. Ils doivent répondre de "délit contre la santé publique" et non d'incitation au dopage, puisque l'Espagne n'a adopté une loin antidopage que six mois après les faits. Pièce centrale de cette affaire: le docteur Eufemiano Fuentes. Accusé emblématique: Manolo Saiz, ancien surpuissant directeur sportif de l'équipe Once puis Liberty Seguros. Mais il n'y aura aucun sportif, ni Ivan Basso, Alejandro Valverde ou Jan Ullrich, tous suspendus à un moment pour avoir été des acteurs dans cette affaire Puerto. Et ils auraient même pu être beaucoup plus nombreux, si la justice espagnole n'avait pas, tout au long des années, tenté de circonscrire le feu au seul cyclisme.
200 poches de sang avec des noms de code
Car la Guardia Civil avait saisi dans des appartements de nombreux produits dopants et plus de 200 poches de sang identifiées par des noms de codes, que l'enquête a permis d'attribuer à différents sportifs, espagnols ou étrangers. Au départ, les enquêteurs avaient affirmé que cette affaire ne concernait pas uniquement des cyclistes. Fuentes en personne avait déclaré au journal français Le Monde avoir eu "d'autres sportifs comme clients: athlètes, joueurs de tennis, footballeurs", avant de se rétracter. Dans le rapport de la Garde civile était apparue une liste de 58 clients présumés, tous cyclistes, dont seulement six avaient au final subi une sanction sportive: l'Espagnol Valverde, les Allemands Ullrich et Jaksche, les Italiens Basso, Scarponi et Caruso (ce dernier ayant été blanchi par le TAS).
Entre pressions politiques, volonté judiciaire de refermer le dossier (deux fois classé, deux fois rouvert), et manque flagrant de volonté de collaborer avec l'Agence mondiale antidopage (AMA) comme avec les différentes fédérations nationales ou internationales, l'Espagne n'a laissé à personne la possibilité d'aller au bout de l'histoire. C'est ce procès qui a débuté ce matin, et qui durera deux mois, à raison de séances uniquement matinales, et pas tous les jours. Une procédure habituelle pour la justice pénale espagnole, qui ouvrira son tribunal aux caméras pour des diffusions en direct des débats certains jours. Mais après avoir créé un tremblement de terre lors des premières révélations et arrestations, ce procès pourrait bien aboutir à quelque chose d'énorme. La montagne pourrait n'accoucher que d'une souris.
Les cinq accusés
Eufemiano Fuentes: Il est considéré comme le cerveau du réseau de dopage sanguin démantelé en 2006 par la Garde civile. Ce médecin de 57 ans, originaire des îles Canaries, passe pour être l'éminence grise du cyclisme espagnol, et plus largement, européen. Il a commencé sa carrière par l'athlétisme, se voyant mandaté au début de sa trajectoire comme médecin de la Fédération espagnole d'athlétisme. A l'époque, seulement un cas positif avait touché une athlète dont il s'occupait, celui de Cristina Perez, sa femme. Lors des perquisitions dans deux de ses appartements madrilènes en 2006, les enquêteurs avaient retrouvé quelque 200 poches de sang, des produits dopants, ainsi que plusieurs plans censés organiser le dopage de ses clients.
Yolanda Fuentes: La soeur d'Eufemiano. Egalement médecin, elle suivait l'équipe "Comunitat valenciana", ayant pris la suite de son frère qui y officiait durant la période Kelme.
Manuel Saiz: Ancien directeur sportif de l'équipe Once, puis de l'équipe Liberty Seguros, cet Espagnol de 53 ans a été versé au nombre des accusés au motif qu'il aurait mis en relation un grand nombre de ses coureurs avec Fuentes. Plus de la moitié des coureurs des "bleus" (nom de code pour l'équipe Liberty Seguros dans les documents de Fuentes) figurerait ainsi dans la liste de 58 cyclistes clients du médecin établie par la Garde civile. Lors de son arrestation en compagnie de Fuentes et Merino Batres, il possédait 42.220 euros en liquide ainsi que des corticoïdes destinés normalement à un usage hospitalier.
Vicente Belda: L'équivalent de Manolo Saiz, mais à la tête de l'équipe "Comunitat Valenciana", anciennement équipe Kelme. Belda a notamment eu sous ses ordres Jesus Manzano, coureur qui avait dénoncé en 2004 les pratiques dopantes généralisées de l'équipe dans le journal AS. A l'époque, Belda avait accusé son ancien coureur de "mentir", alors que les découvertes de la Garde civile en 2006 avaient donné raison à Manzano. Avec un autre accusé - le docteur Alfredo Cordova - Belda avait fait appel de sa convocation au procès Puerto, clamant "son innocence". Seul Cordova a effectivement obtenu un non-lieu.
José Ignacio Labarta: L'adjoint de Vicente Belda chez Comunitat Valenciana et préparateur physique de cette même équipe. Lors de son arrestation à Saragosse en 2006, la police a trouvé à son domicile des produits dopants, notamment des anabolisants. Presque la totalité des "verts" (nom de code de Comunitat Valenciana dans les documents de Fuentes) faisait partie des clients présumés du réseau.
Deux personnes ont vu leur nom retiré du dossier: le docteur Alfredo Cordova, qui a bénéficié d'un non-lieu après avoir fait appel de sa convocation au procès, et le docteur Merino Batres, 72 ans, dont le cas a été "classé provisoirement" jeudi, au motif qu'il souffrirait de la maladie d'Alzheimer.
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.