Elections en Haïti ce week-end, malgré tout...
L'épidémie de choléra qui sévit en Haïti depuis la mi-octobre a fait 1.523 morts, selon les derniers chiffres publiés hier par le ministère de la Santé.
Le département de l'Artibonite (nord), où s'est déclarée la maladie, est le plus touché, avec environ la moitié des décès (723) et près de 14.000 personnes hospitalisées. Malgré le chaos provoqué par le choléra, les autorités ont refusé de reporter les élections présidentielle et législatives qui doivent avoir lieu dimanche.
La campagne électorale a été écourtée dans les régions du centre les plus affectée par l'épidémie de choléra et, dans le nord, elle a été perturbée la semaine dernière pendant plusieurs jours par des émeutes anti-Minustah qui ont fait au moins deux morts et plusieurs dizaines de blessés.
Le personnel de l'Onu a participé à la mise en place de bureaux de vote et à la distribution des bulletins. Mais ses ressources logistiques, déjà engagées dans la lutte contre le choléra, sont limitées.
Les violentes émeutes anti-Onu de Cap-Haïtien font planer des doutes sur la capacité des forces de l'Onu à assurer la sécurité du scrutin si elles sont elles-mêmes la cible d'attaques. L'Onu a rejeté la responsabilité de ces attaques sur des individus cherchant à faire capoter les élections.
Certains hommes politiques se demandent si, dans un pays dont l'économie a été ravagée par le tremblement de terre du 12 janvier, qui a fait plus de 250.000 morts, des électeurs dont la principale préoccupation est de survivre face au choléra et à la misère participeront au scrutin.
Mais de nombreux observateurs affirment que les risques de créer un vide du pouvoir en reportant les élections dépassent largement les défis humanitaire, logistique et de sécurité posés par la tenue du scrutin.
La crédibilité constitue aussi un défi de taille dans un pays où depuis des années, la vie politique a souvent été chaotique et violente, mais l'impartialité du Conseil électoral provisoire (CEP) a été mise en doute.
Des désaccords non résolus entre l'exécutif et l'opposition sur la composition du CEP et ce qui est perçu comme des préjugés en faveur du président sortant René Préval ajoutent au défi de crédibilité, notait le mois dernier un rapport de l'International Crisis Group (ICG) basé à Bruxelles.
Briser le monopole du pouvoir
L'ICG et les élus américains ont exhorté les autorités électorales à s'assurer que les quelque 1,5 million de personnes qui ont perdu leur logis à la suite du tremblement de terre puissent participer au scrutin, faute de quoi les frustrations risqueraient d'entraîner des troubles.
Plusieurs candidats à la présidence ont des chances de l'emporter mais aucun ne semble en mesure d'atteindre les 50% nécessaires pour être élu dès le premier tour, ce qui laisse présager qu'un second tour sera nécessaire, le 16 janvier.
De nombreux observateurs estiment que le prochain chef de l'Etat devra se reposer sur un large consensus national brisant le monopole du pouvoir politique et économique détenu jusqu'ici par des élites.
_ Les plus optimistes voient dans le scrutin de dimanche une chance pour le pays de rompre avec un passé fait d'effusions de sang, de troubles et d'instabilité et d'échapper au piège de la pauvreté et de la dépendance qui a fait de lui une
"République des ONG".
Mais les pessimistes pensent que les élections ne feront qu'ajouter un chapitre malheureux aux calamités, tant naturelles que créées par l'homme, qui ont jalonné l'histoire d'Haïti depuis que des esclaves noirs s'y sont révoltés contre les colons français, faisant accéder le pays à l'indépendance en 1804.
Mikaël Roparz, Caroline Caldier avec agences
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