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"Il allait de village en village, pour jouer aux cartes" : quand le Tour de France sillonne les terres de Poulidor

La 12e étape du Tour rend hommage à Raymond Poulidor, chouchou du public français, éteint en novembre dernier. Les coureurs traverseront notamment Saint-Léonard de Noblat, où "Poupou" a vécu les dernières années de sa vie, errant dans les rues, proche des gens jusqu'au bout.
Article rédigé par Guillaume Poisson
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié
Temps de lecture : 4min
 

Peut-être plus que sur l'ensemble de l'édition, la 12e étape du Tour sera hantée par le fantôme de Raymond Poulidor. Départ à Chauvigny, où "Poupou" venait régulièrement rendre visite à un coéquipier dont il était proche et où une place a été baptisée en son hommage cette année. Passage au kilomètre 114 à Saint-Léonard de Noblat, le village où Raymond Poulidor a grandi avant d'y finir sa vie. C'était la commune de son cœur, celle où il se promenait dans les rues, proche des gens comme il l'a été pendant sa carrière de cycliste, ou en dehors.

Le champion de la ruralité

N'est-ce pas justement de ces rues que vient la "poupoularité", terme qu'Antoine Blondin, écrivain et grand ami de Raymond Poulidor, a inventé pour désigner la popularité si particulière dont bénéficiait le cycliste auprès des Français ? Car, face à son rival Jacques Anquetil, réputé froid et calculateur, il fut d'abord le champion des villages, de la ruralité laborieuse, du sourire éternel, de la sobriété. Il "assumait la condition totale du Français moyen" comme l'écrivait Antoine Blondin. Mais comment ? Concrètement, qu'est-ce qui le différenciait d'un autre champion ? 

"Il n'a jamais vécu au-dessus des autres. Il était un Miaulétout (habitant de la commune de Saint-Léonard-de-Noblat, ndlr) comme un autre", affirme Jean-Pierre Nicaud, vice-président des Amis de Raymond Poulidor et André Dufasse (ARPAD). Quand il n'était pas à l'autre bout de la France pour faire la promotion de ses livres, il avait sa routine. Son quotidien. A 8h, tous les jours, c'était direction la Maison de la presse.

"Il y achetait son journal et dévorait les infos sportives. C'était un fou de sport ! Ensuite il restait papoter là, 30 minutes ou une heure parfois, avec ses amis dans la rue", raconte Claude Planchat, son coiffeur pendant 20 ans. "Quand il était au salon et qu'il y avait des gens, il adorait discuter avec eux, du beau temps, de tout et de rien", poursuit-il. "On parlait un peu de cyclisme, mais pas trop, on connaissait tous sa vie... Lui parlait tout le temps de son jardin ! Ses arbres, ses fleurs.... C'était son obsession !"

Claude Planchat a fermé son salon de coiffure il y a dix ans. Pour son dernier jour, Poulidor lui a réservé une petite surprise. "Il a été mon dernier client ! Quelqu'un lui avait dit que je fermais ce jour-là, et il a tenu à venir se faire une dernière coupe. On a pris la photo avec toute l'équipe ensuite, de notre dernier client, Poupou". Photo qu'il assure garder "précieusement" aujourd'hui. 

Naturellement discret, Poulidor avait quand même du mal à mettre de côté l'aspect glorieux de son autre vie. "Le facteur du village savait tout de suite quand c'était le courrier de Raymond. Il recevait des dizaines de lettres d'admirateurs tous les jours, encore jusque ces dernières années. Il leur fallait emmener un sachet spécial pour son courrier à lui", raconte Jean-Pierre Nicaud.

Quand il n'était pas à Saint-Léonard, il déambulait entre deux ou trois villages du coin, retrouver ses amis et la véritable passion de son après-carrière... les cartes. "Il allait souvent à Saint-Bonnet-Briance, à Saint-Paul d'Eyjeaux ou encore à Linard, il rejoignait ses amis dans le bar du village, et jouait aux cartes pendant des heures. Il était vraiment resté ce petit paysan, amoureux de son petit coin et de ses très proches", raconte Claude Louis, président de l'ARPAD.

Les cartes, le journal du matin, le coiffeur fétiche, les bavardages dans la rue avec les amis... De tous les témoignages recueillis chez les habitants de Saint-Léonard-Le-Noblat, il émane l'image d'un homme comme chacun d'entre eux. D'un monsieur affable, sympathique, que l'on pourrait croiser demain au détour d'un café de village et à qui il nous serait tout naturel de demander notre route. D'un "monsieur-tout-le-monde" comme le dit Claude son coiffeur. Un monsieur aux 189 victoires, et aux huit podiums sur le Tour de France.

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