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Laurent Jalabert : “Je ne vois pas Bardet partir d'AG2R”

Dans une interview accordée à La Montagne mardi, Romain Bardet a ouvert la porte à un possible départ d'AG2R La Mondiale, l'équipe où il évolue depuis ses débuts en pro, en 2012. A 29 ans, le dernier maillot à pois du Tour de France est à un tournant de sa carrière. Interrogé à ce sujet, notre consultant Laurent Jalabert ne voit pas le deuxième du Tour 2016 quitter son équipe de toujours, malgré une volonté légitime de se remettre en question.
Article rédigé par Théo Gicquel
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié
Temps de lecture : 6min
  (ALEXANDRE MARCHI / MAXPPP)

Après ses déclarations, que pensez-vous de la possibilité de voir Romain Bardet rejoindre une équipe étrangère ?

Laurent Jalabert : "Il a fait toute sa carrière chez AG2R La Mondiale, donc c’est compliqué d’imaginer Bardet dans une autre équipe. Quand ça fait longtemps qu’on est dans la même dynamique, ça peut être une opportunité de voir autre chose et de se remotiver. Je l’ai vécu, je sais que ça peut donner un nouvel élan. Mais il n’y a que lui qui connaît la vraie raison. Ça peut être plusieurs choses, comme une stratégie pour mettre un peu de pression sur les responsables de l’équipe. Ça pourrait être une envie pour lui de se remettre en question. Est-ce qu’il franchira le pas ? Est-ce un effet d’annonce ou ce sera suivi par des actes ? On verra."

Vous avez connu la réussite à l’étranger, comment expliquer la difficulté pour certains coureurs français à s'exporter ?

LJ : "A l’époque où je courais, très peu de Français s’exilaient dans des équipes étrangères, c’était vraiment rare. Je l’ai fait car j’ai été contraint, l’équipe ou j’ai débuté (Toshiba) s’étant arrêtée. J’ai trouvé refuge dans une équipe étrangère avec plein d’interrogations en tête. J’ai découvert autre chose, avec un environnement beaucoup plus structuré que celui que je connaissais jusque-là. Ça permet d’avoir une vision plus large de son sport, ça m’a fait énormément de bien.

"C’est toujours compliqué de sortir de sa zone de confort. Il n’a pas besoin de se mettre en danger à changer d’équipe, mais peut-être qu’il a besoin de se remotiver, de se remobiliser." 

Tu te rends compte que le vélo est pratiqué ailleurs qu’en France, et que les gens savent aussi être très bons, voire même meilleurs dans des équipes étrangères. Lorsqu’on reste en France, on n'en a pas tout le temps conscience, on pense qu’on connaît ce qui se fait de mieux. C’est toujours compliqué de sortir de sa zone de confort. Il n’a pas besoin de se mettre en danger à changer d’équipe, mais peut-être qu’il a besoin de se remotiver, de se remobiliser." 

Lorsqu’on regarde la réussite de Julian Alaphilippe ou Warren Barguil à l'étranger, faut-il aujourd'hui nécessairement être formé dans une équipe étrangère pour y réussir ? 

LJ : "C’est une ouverture d’esprit, ça montre une certaine envie de conquérir le monde. Dans les années 90, on était un peu livrés à nous-même. Aujourd’hui, toutes les équipes sont très pointues avec des entraîneurs, des diététiciens... Il reste des cas particuliers avec des équipes très fortunées qui peuvent mettre des moyens énormes dans la recherche et développement, qui soignent le moindre détail. On parle souvent des "gains marginaux" : la formation Ineos est très pointue dans tous les domaines, car elle a un portefeuille beaucoup plus fourni que les autres. Il est donc plus facile d’avoir accès à tout ce qui se fait de mieux. Je ne jette pas la pierre aux équipes françaises uniquement car elles sont françaises. Je ne dirai jamais qu’une équipe française est moins compétente qu’une étrangère. C’est simplement qu’un coureur français qui va à l’étranger découvre une autre façon d’aborder son métier."

Certains coureurs français, comme Pierre Rolland ou Kenny Elissonde, ont tenté l’expérience étrangère dans la deuxième partie de leur carrière avec des résultats parfois mitigés, est-ce un risque pour Bardet ?

LJ : "C’est difficile à dire. Tout dépend des raisons et de la manière dont on l’accueille, du rôle qu’il aura dans sa nouvelle formation s’il part. Kenny Elissonde était un équipier qui avait une certaine liberté chez FDJ. Chez Sky, c’était un coureur de l’ombre. C’est le risque pour certains de se retrouver dans une formation très fortunée avec beaucoup de bons coureurs, où il y a concurrence entre les meilleurs pour le même objectif. Peut-être vaut-il mieux être dans une formation moins alléchante mais avec un statut particulier."

Pour réussir sa deuxième partie de carrière, que pourrait changer Bardet ?

LJ : "On connaît ses qualités, on connaît aussi ses points faibles, comme le contre-la-montre, où il perd beaucoup de temps dans les Grands Tours. Quand tu perds des minutes sur un chrono, il faut aller les récupérer ailleurs, et on voit qu’il n’y a pas forcément la possibilité de creuser des écarts de montagne. Il est plutôt dans le dernier tiers de sa carrière, donc la progression ne sera pas évidente. A moins qu’il découvre une nouvelle approche à laquelle il n’est absolument pas confrontée aujourd’hui, qui peut lui permettre d’être encore meilleur dans certains domaines."

Il y a des contacts avec Sunweb, une équipe performante dans l’exercice chronométré...

LJ : "Sunweb est une grande équipe, mais AG2R La Mondiale aussi. C’est un ressenti, mais je ne le vois pas partir, changer d’air. Sur certaines courses, il n’y a pas meilleur que lui pour assurer le statut de leader. S’il reste, son équipe va continuer à l’épauler."

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