Marc Madiot : "J'ai jamais eu envie de rentrer dans le moule"
Ils sont là, sur un canapé remporté au GP de Plouay, à s'apprivoiser. Marc Madiot est ému aux larmes de voir son idole Luis Ocaña venir fêter avec lui et ses supporters sa 2e victoire sur Paris-Roubaix. Peu de mots mais une complicité s'installe entre les deux grands champions. Marc Madiot ne se lasse pas de ce souvenir. Le cyclisme, son cyclisme, est empreint de traditions. Celles de son fief de Renazé en Mayenne. Celles des Hinault, Guimard. Et celle qu'il apprend à ses coureurs depuis 1997. Dans "Parlons Vélo", Madiot évoque ce qui l'a construit, ses racines, les courses de clochet. "J'ai embrassé la carrière cycliste comme on entre dans les ordres, explique-t-il. C'était une obsession, une obsession constructive. Et puis je n'ai jamais eu envie de rentrer dans le moule, si moule il y a."
Si Madiot retient une chose de ses premières armes chez les amateurs où régnaient les mafias, c'est qu'il faut se faire respecter. "Il y a une règle en vélo : le respect tu le gagnes en faisant mal aux autres. (…) C'est une règle de base du peloton. Si tu ne fais pas mal à l'entraînement ou en course, tu n'as pas de considération. Tu n'es pas là pour faire des cadeaux." Rien n'a changé aujourd'hui. Si la préparation et la technologie ont pris une part importante dans le cyclisme, cela n'enlève pas la dureté de ce sport. "Le vélo, c'est quelque chose de simple, prendre Le Mayennais. Ce que tu faisais il y a 20, 30 ou 40 ans est toujours valable aujourd'hui : tu gagnes parce que tu fais mal aux autres. Ce boulot, c'est 98 % de souffrance pour 2 % de plaisir." D'où parfois une certaine frustration pour Madiot au sujet de certains de ses protégés. "Il m'arrive de ne pas toujours comprendre le comportement de certains de mes coureurs qui ont de l'or dans les jambes, du talent, du potentiel mais qui ne se donnent pas les moyens de s'accomplir."
Défenseur du cyclisme français
Dans ses entretiens, Mathieu Coureau n'a pas éludé la question du dopage. Marc Madiot non plus. A l'époque des amphétamines et des corticoïdes, le Mayennais assure ne pas avoir franchi la ligne officielle, c'est-à-dire celle des produits interdits par l'UCI et détectables. "Les règles de l'époque, je les respectais, raconte Madiot. On n'était ni des bandits, ni des voyous." Quant à l'EPO qui a fait son apparition à la fin de sa carrière, Madiot y voit un tournant de son sport. "L'introduction de l'EPO, il ne faut pas l'oublier, c'était l'apparition d'un produit miracle qui avait totalement chamboulé la hiérarchie de notre sport. L'utilisation perverse de ce produit en a fait une saloperie qui ne donnait plus aucun sens à la course." Le dopage technologique existe aussi selon Madiot. "Le système des moteurs a existé, existe, mais qui, quand et depuis quand, je ne sais pas", avoue-t-il.
De ces années où le cyclisme français a pris le taureau par les cornes pendant que d'autres se voilaient la face, Madiot en garde plus qu'un goût amer. Quand de nombreux directeurs sportifs et coureurs lançaient des "Français de merde" sur toutes les courses, Madiot avait mal. La douleur est encore présente. "L'époque "Français de merde" alors qu'on savait qu'on se faisait avoir, elle est là, dans la gorge, lâche-t-il. Je la traîne peut-être trop mais elle reste coincée. Je pense que la boucle sera bouclée quand on sera en position de gagner les grandes courses. Je ne sais pas si on va y arriver mais ce sera à ce moment-là. Quand on aura remis le vélo français au milieu du village, comme une église. On est sur la route." Avec Thibaut Pinot et les autres jeunes pousses de la FDJ, c’est bien parti.
Parlons véloMarc Madiot - Entretiens avec Mathieu CoureauTalent Sport19 euros
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.