Mondiaux de cyclisme : le BMX, un sport américain à l’accent très français
Qu’on le veuille ou non, E.T. l’extraterrestre a peut-être fait plus pour le cyclisme français que nombre d’entraîneurs. En 1982, quand le gentil alien de Steven Spielberg s’envole pour retrouver sa maison, il le fait sur un BMX. Sans le savoir, le réalisateur américain provoque un raz-de-marée à travers le monde, et cet étrange nouveau vélo, né en 1968 en Californie pour permettre aux enfants de retrouver les sensations d’une motocross, se répand à travers le globe à la vitesse de la lumière.
La même année, les premiers championnats du monde de la discipline sont organisés à Dayton, dans l’Ohio. Quarante-deux ans plus tard, ils ont cette fois lieu à Glasgow. Après les artistes du Freestyle Park et du Flat, place ce week-end aux riders enfiévrés du BMX Racing. Une compétition qui pourrait ramener quelques médailles à la France qui, contre toute attente, est la meilleure nation mondiale de la discipline. Eh oui !
La France et le BMX, une passion depuis 40 ans
Avec 133 médailles dont 46 en or récoltées aux championnats du monde depuis 1982, les pilotes français sont les plus prolifiques devant les Américains eux-mêmes, inventeurs de la discipline, et qui comptent 128 breloques pour 44 titres. Le plus médaillé des pilotes est ainsi un Français du nom de Christophe Levêque, avec 7 titres (pour 10 médailles). Tout sauf un hasard pour la France qui, depuis les débuts du BMX, est un cador de la discipline, aux côtés des Américains, bien sûr, et des Néerlandais. Mais pourquoi ?
“Si on a toujours eu de bons athlètes en BMX, c’est parce que la France est un pays cycliste, mais aussi un pays qui aime les sports extrêmes”, estime Patrick Guimez, entraîneur des pilotes français du Freestyle. Il ajoute : “Jusqu’ici, on était peu médiatisé, malgré nos médailles, mais il y a toujours eu cet engouement en France pour les sports extrêmes, pour tous les âges.” Et ce bien avant que le BMX Racing ne devienne olympique en 2008 (2020 pour le Freestyle).
Pourvoyeuse d’athlètes depuis le début, la France a aussi pris part à l’essor de la discipline en organisant des manches de Coupe du monde. “C’est comme cela que j’ai découvert le BMX, lors d’une étape à Montpellier”, rejoue Anthony Jeanjean, alors âgé de dix ans, “C’était pendant mon anniversaire, et mes parents m’ont offert mon premier BMX là-bas. Depuis, je n’ai jamais arrêté.” Pour Maxime Bringer, autre freestyleur tricolore, l’histoire diffère : “Mon père faisait du BMX plus jeune et m’a mis dedans. Je n’ai jamais arrêté depuis mes 4 ans. Je ne me posais pas la question d’en faire mon métier, c’est venu au fur et à mesure, j’ai fait ça par passion.”
Une fédération aux petits soins
Aujourd’hui, le BMX permet presque de vivre pour les professionnels. Entre la Coupe du monde, les Mondiaux et les Jeux olympiques, le calendrier s’est garni depuis plusieurs années. Ce qui a poussé la Fédération Française de Cyclisme, déjà aux petits soins pour ses athlètes, à encore plus développer sa branche BMX. “En 2016, avec l’arrivée annoncée du freestyle aux JO de Tokyo, tout s’est accéléré”, raconte Anthony Jeanjean, alors jeune espoir de la sélection. Depuis, la France a vu son nombre de parks exploser, et donc celui de licenciés augmenter.
“Quand j’ai commencé, les budgets, les skateparks étaient restreints. Depuis, on a eu des subventions. Ca nous permet de mieux nous entraîner”, explique Luca Bertrand, autre freestyleur français, logé à l’année au Pole France de Montpellier : “On a trois entraînements à vélo par semaine, et deux physiques.” Grâce à ces installations, et à la structure de l’équipe, la France compte désormais un effectif fourni, ce qui attire les pilotes. Franco-Canadien, Kévin Fabregue a ainsi préféré rejoindre les rangs tricolores, plutôt que l’équipe canadienne, en 2020.
"Le sport est pris plus au sérieux en France qu’au Canada, où le BMX est moins structuré, suivi, même si on est à côté des Etats-Unis. La France essaye d’intégrer les nouvelles disciplines, met des structures en place."
Kévin Fabregueà franceinfo: sport
Ancien artiste du cirque du soleil, Kévin Fabregue insiste sur la qualité de l’encadrement tricolore, qui a pesé dans sa décision : “Au cirque du soleil, j’étais suivi par un coach, un kiné, un physio. Comme un professionnel. Alors, quand j’ai voulu revenir à la compétition, j’étais attentif à garder les mêmes conditions d’entraînements.” Ce qu’il a trouvé en France, et non au Canada : “La question ne se posait pas. Au Canada, il n’y avait même pas de championnat national.”
Si le BMX Tricolore pèse autant depuis quarante ans, c’est donc parce que ce drôle de vélo s’est fait une place dans la culture tricolore, et que sa pratique a été considérée et développée par la fédération française de cyclisme, avant même que ces épreuves ne deviennent olympiques.
De quoi fournir un sacré palmarès à la France, mais pas se reposer sur ses lauriers, prévient Patrick Guimez : “Aujourd’hui, le niveau explose. Le Japon, la Grande-Bretagne, des pays d’Amérique du Sud progressent. Depuis un an, on a vu l'explosion de la Chine, qui est devenue la nation dominante chez les femmes. Ils ont mis 5 ans à rattraper le train et aujourd’hui ils ont un train d’avance, donc on doit continuer à travailler.” Car si la France est la meilleure nation mondiale en BMX, il faut enfin le confirmer aux Jeux olympiques (seulement 2 médailles depuis 2008), et le rester.
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