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Mort de Gino Mäder : "Il ne faut pas rendre ce sport plus dangereux qu’il ne l’est", déplore le président du syndicat français des coureurs professionnels

Le coureur de la Bahrain Victorious, Gino Mäder, est décédé des suites d’une grave chute survenue jeudi sur le Tour de Suisse.
Article rédigé par Hortense Leblanc, franceinfo: sport
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 7min
Gino Mäder, lors du chrono final du Tour de Romandie, le 1er mai 2022. (MAXPPP)

La grande famille du cyclisme a perdu l'un de ses membres, vendredi 16 juin, avec le décès de Gino Mäder des suites d'une chute à très grande vitesse, la veille, dans la descente du col de l'Albula vers l'arrivée de la cinquième étape du Tour de Suisse. Le champion du monde Remco Evenepoel a rapidement regretté que l'arrivée se situe en bas de la descente, et Romain Bardet a assuré que les coureurs avaient été surpris par la vitesse à l'endroit où a chuté Gino Mäder. "C’était le premier virage après quelques kilomètres de prise de vitesse dans la descente. On approchait les 100 km/h et c’était le premier véritable virage qui se refermait un peu, on ne voyait pas la sortie de ce virage", a-t-il assuré au micro de la chaîne L'Equipe.

Interrogé par franceinfo:sport, Pascal Chanteur, le président de l'Union nationale des cyclistes professionnels, exprime sa profonde tristesse après le drame et pointe du doigt le manque d'avancées dans la sécurité des coureurs. Il évoque également l'importance de la signalétique dans ce type de descente, où les coureurs sont amenés à prendre beaucoup de risques.

Franceinfo:sport : En tant que président de l’UNCP, comment avez-vous accueilli la nouvelle du décès de Gino Mäder ?

Pascal Chanteur : C’est terrible. Terrible... Ça fait plus de cinq ans qu’on travaille sur la sécurité et quand on entend ce genre de nouvelles, c’est comme si on n’avait rien fait. Même si on se rend compte qu’on a avancé sur la sécurité sur certains sujets, la technologie et l’étude des parcours pour certains organisateurs ne sont parfois pas à la hauteur des enjeux. Les coureurs prennent énormément de risques pour obtenir un résultat individuellement et avec leur équipe. Tout cela fait qu’il y a énormément de pression sur les épaules des athlètes. Moi, si j’ai un reproche à faire aujourd’hui, c’est que ça fait deux ans qu’on n’a plus aucune réunion sur la sécurité avec l’UCI, alors qu’avant on avait des réunions régulières avec les coureurs et les organisateurs, et qu’on avançait sur la signalétique, la réglementation, les amendes…  L’UCI lance un nouveau projet sur la sécurité qui veut réduire le nombre d’accidents de 50% d’ici fin 2024, mais si on avait eu des réunions ces dernières années, on aurait peut-être déjà acquis ce résultat.

Au-delà de la tristesse, on ressent de la colère…

Oui, et j’ai l’impression que l’UCI est faible avec les forts et forte avec les faibles. Sur le Tour de Burgos l’année dernière, où il y a eu beaucoup de chutes, il n’y a pas eu grand-chose de fait. Sur le Tour de Turquie, où Nacer Bouhanni a failli perdre la vie, non plus. Alors que sur le Tour des Pyrénées féminin la semaine dernière, où il y a eu un manque de sécurité sur la première étape, et où les filles se sont plaintes, l’UCI a annulé la course. Il faut fonctionner de la même manière pour tout le monde.

Aujourd’hui on perd une vie humaine. Ce n’est pas la première fois qu’il y a un accident grave dans le vélo, mais il ne faut pas rendre ce sport plus dangereux qu’il ne l’est. Cet accident rappelle aussi à quel point les coureurs sont vulnérables sur un vélo. Il faut souligner qu’il y a des organisateurs qui font très bien leur métier, en mettant en sécurité les athlètes, avec des bons parcours et en installant les infrastructures nécessaires pour la prévention. Mais il y en a d’autres qui traînent des pieds. Je ne parle pas du Tour de Suisse, je pense qu’il va y avoir une commission d’enquête et les responsabilités seront mises en évidence. Mais ça, c’est de l’administratif, et aujourd’hui on a une famille en deuil, on a perdu un coureur et j’ai envie de pleurer.

Le fait que l’étape se termine en descente a été pointé du doigt par plusieurs coureurs. Sur le Tour de France cet été, l’arrivée de la 14e étape est prévue en bas de la descente technique du col de Joux-Plane. Faut-il réfléchir à ne plus établir les arrivées en descentes ?

Non, ça se fait chaque année, ce n’est pas un problème. Mais il y a des descentes où vous êtes parfois à 120 km/h, où il faut une attention particulière. Il peut y avoir des arrivées avec des descentes, mais quand vous avez les infrastructures qui conviennent, ça ne pose pas de problème. Il faut de la signalétique au niveau des virages, des dispositions sur les points délicats. Ou alors on court sur un circuit comme les automobiles, mais ce n’est pas l’essence du vélo.

C’est la prise de risque des athlètes qui rend ces descentes dangereuses. Aujourd’hui, il y a une pression de la part des équipes et tout le monde veut se mettre en tête de peloton, sauf que pour doubler il faut prendre des risques incommensurables. Il suffit qu’il y ait un virage à 90 ou 120 degrés et ils veulent tous être en tête dans ce virage, parce qu’il y a de la pression du résultat pour prendre des points UCI pour l’équipe, pour ne pas être relégué.

La nouvelle technologie sur les vélos apporte aussi plus de risques, notamment avec les freins à disque. Le médecin de course du Dauphiné a fait part de plus en plus en coupures quand il y a des chutes, et cela vient du disque de frein (devenu la norme au sein du peloton, aux dépens des patins). Mais, derrière cela, il y a le lobby industriel et les coureurs sont assez contents de ce freinage, parce qu’il freine de la même manière sur le sec ou l’humide. Oui ce frein permet de freiner au dernier moment, de retarder le freinage, mais cela va encore plus vite et, en descente, c’est plus dangereux.

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