Ooghe : "Le Tour ? Une épreuve magique"
Quelle était votre relation au sport en général et au cyclisme en particulier avant que vous ne deveniez le réalisateur du Tour de France ?
"Quand jétais gamin je suivais le duel Anquetil-Poulidor. Je me souviens dêtre aller voir passer le Tour de France avec mes parents sur le bord de la route. Je viens du Nord où il y a une véritable culture du cyclisme. Après, jai pratiqué le tennis mais je ne suis pas un grand sportif. Venir au sport nétait pas quelque chose de prévu. Je pensais morienter vers la fiction documentaire mais je me suis mis à réaliser de la gymnastique, du tennis de table et ça ma beaucoup plu. Vu que ça se passait bien, au fil des années, on ma donné de plus en plus de sports à réaliser, jusquau Dakar puis le Tour de France".
Dans quel état desprit étiez-vous quand vous avez réalisé votre premier Tour de France ?
"Javais déjà fait des retransmissions sportives mais là jétais vraiment stressé car cétait un challenge. A lépoque, la première étape du Tour était un prologue et cest ce quil y a de plus difficile à réaliser. Il faut aller vite, faire des choix. Javais donc une grosse pression. Je succédais à de grands réalisateurs. Tout le monde se demandait comment jallais men sortir. A lissue du prologue à Rouen en 1997, qui sétait finalement bien passé, je me rappelle avoir dit « Messieurs, je crois quon a fait le plus dur, demain cest les vacances ! ». Je men souviendrai longtemps."
Quel est votre pire souvenir du Tour de France ?
"Sans hésiter, 1998. On était en Corrèze quand on a appris que léquipe Festina était exclue pour dopage. A ce moment là, tout sest écroulé. Ca a été une énorme frustration pour moi car, alors que ce nétait que mon deuxième Tour, je suis alors devenu réalisateur de faits divers. Je me souviendrai toute ma vie de cet évènement. Il y avait beaucoup démotions. Jean-Marie Leblanc (ancien directeur du Tour) était bouleversé. Javais alors demandé à mes cameramen de ne pas le filmer en gros plan, dêtre respectueux de sa détresse."
Et votre meilleur souvenir ?
"Jen ai plusieurs car, on ne sen rend pas compte, mais le Tour cest 80 heures de direct chaque année. En premier lieu, jai eu la chance de pouvoir filmer Londres en 2007. Cétait magique ! Jai aussi filmé le Mont-Blanc en direct. Au niveau sportif, jai le souvenir de moments très forts de télévision. Ca paraît sans doute fou à dire mais la chute dArmstrong dans les Pyrénées en fait partie. Javais un caméraman à moto présent à ce moment là qui a filmé toute la séquence où Ulrich attend Armstrong avant que ce dernier ne le dépasse et le laisse sur place. Pour moi, le duel entre Ulrich et Armstrong aura vraiment été source de grands moments de télévision."
Vous gardez un excellent souvenir du passage à Londres mais ça ne vous choque pas que le Tour sexporte à létranger ?
"Ca ne me gêne pas du tout. Je trouve ça très bien pour la renommée du Tour. Il ne faut pas oublier que ce nest pas un évènement franchouillard mais mondial. On sait que le public qui se déplace sur les bords de la route est aussi européen que français. Dans ces conditions, je ne vois pas pourquoi le Tour ne partirait pas de Londres, de Florence, de Madrid ou de Berlin. Bien évidemment, il ne faut pas que le Tour passe la moitié du temps en dehors du territoire. Il y a des incontournables qui sont les Alpes, les Pyrénées et ce que Christian Prudhomme appelle les massifs intermédiaires (Alsace, Massif Central,
)."
Depuis que vous réalisez le Tour de France, quel coureur vous a fait le plus rêver ?
"Incontestablement, Lance Armstrong. Il a fait des choses magiques. Jai filmé toutes ses victoires sur le Tour donc forcément il ma marqué."
Une enquête judiciaire est en cours contre Armstrong. Sil était reconnu coupable de dopage, le rêve sécroulerait-il ?
"Quoi quil arrive, il restera pour moi un grand champion. Bernard Thévenet a reconnu avoir pris des amphétamines pendant sa carrière et pourtant personne ne dirait aujourdhui quil na pas été un grand champion. Idem pour Laurent Fignon. Armstrong a quand même été champion du monde junior à 18 ans, il a fait face avec beaucoup de courage à la maladie. Alors dopage ou pas dopage, cest un champion."
Réaliser le Tour de France permet de découvrir la France. Avez-vous eu un coup de cur pour une région en particulier ?
"Jai découvert avec un grand plaisir lAlsace, avec tous ses petits villages du XVIe siècle. Cest splendide ! Je ne connaissais pas ce coin de France et jai été subjugué. Avec le Tour, on découvre des coins jolis et dautres moins. Je pense notamment à la vallée de la sidérurgie vers Longwy. Le Tour y a fait une halte il y a quelques années. Les coureurs passaient au milieu d'usines fermées, dans des villages où les volets étaient tous fermés. Cétait quelque chose dassez fort. On montrait un monde en train de disparaître. Ce qu'il faut comprendre, c'est que le Tour est plus qu'une simple course. C'est aussi le tour de la France et des Français."
Cette année, le Tour ne passe pas en Alsace. Avez-vous malgré tout une étape préférée ?
"Jen ai deux ! Tout dabord la 5e étape entre Carhaix et Cap Fréhel car je vais pouvoir filmer le Mont St Michel avec lhélicoptère mais aussi lîle de Bréat. Ca va être grandiose ! Mon second coup de cur va à létape entre Le Mans et Châteauroux. Si sportivement, ça risque de ne pas être palpitant, au niveau de « La France vu du ciel », on peut sattendre à une belle journée. On va en effet filmer une quinzaine de châteaux !"
Et sportivement, quelle va être, selon vous, la plus belle étape ?
Celle entre Pinerolo et le Galibier. Avec des cols comme ceux dAgnel, dIzoard et du Galibier, ca va être comme le Ventoux il y a deux ans ou le Tourmalet lan passé. Jespère toutefois que, contrairement au Tourmalet, cette étape extraordinaire sur le papier naccouchera pas dune souris. Lannée dernière, on attendait beaucoup sportivement parlant du passage au Tourmalet et finalement il ne sest pas passé grand-chose.
En montagne justement, quel est le plus beau duel que vous ayez filmé ?
"Je garde un souvenir formidable du duel entre Marco Pantani et Ian Ulrich sur les pentes des Deux Alpes. Le combat entre Andy Schleck et Alberto Contador était également captivant
même sil na pas tenu toutes ses promesses. Je pense que Schleck aurait dû gagner."
Le duel Schleck-Contador va de nouveau avoir lieu alors que le cas de Contador, contrôlé positif au clenbutérol, nest pas encore réglé. Ca vous inspire quoi ?
"Je trouve ça lamentable. A partir du moment où il est en instance judiciaire, Contador ne devrait pas participer. Imaginons quil gagne de nouveau le Tour et quensuite il soit condamné
Malheureusement, il me semble quASO ne puisse rien faire dun point de vue légal. On va voir comment vont réagir les coureurs des autres équipes."
A lheure actuelle, avez-vous un « chouchou » dans le peloton ?
"Jaime bien Thomas Voeckler. Il tente des coups, il est malin, il est roublard. Jai filmé sa victoire à Québec, où il a fait preuve dune grande intelligence. Il a bluffé tout le monde. Jai également beaucoup apprécié sa prestation sur le Dauphiné, où il a permis à son coéquipier Christophe Kern de simposer. Il a aussi été un maillot jaune plein de panache sur le Tour."
Quel est votre pronostic pour le Tour 2011 ?
"Sil participe, je mise sur Contador car il va être dur à battre. Mais jespère vraiment quAndy Schleck sera à la hauteur."
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