Cet article date de plus d'un an.

Paris-Roubaix 2023 : absentes des équipes majeures, équipières… Pourquoi les Françaises ne jouent pas encore les premiers rôles sur les classiques

Avant Paris-Roubaix, les Françaises ont accroché des places d’honneur sur les classiques flandriennes, avec une sixième place pour Juliette Labous (Team DSM) lors du Tour des Flandres, et une huitième place pour Clara Copponi (FDJ-Suez) sur Gand-Wevelgem.
Article rédigé par Hortense Leblanc, franceinfo: sport
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
La Française Victoire Berteau (Cofidis), sur le Tour des Flandres, le 2 avril 2023. (HASLIN / MAXPPP)

Lors des deux premières éditions de Paris-Roubaix femmes, la meilleure place obtenue par une Française est la huitième position, pour Audrey Cordon-Ragot, en 2021. Samedi 8 avril, les coureuses tricolores tenteront de faire mieux, même si jusque-là, toutes les classiques de la saison ont été dominées par les Néerlandaises, les Italiennes et les Belges. Les Françaises, qui sont peu présentes dans les équipes World Tour, le premier échelon mondial, ou qui ont souvent un rôle d’équipières, doivent pour l’instant se contenter d'une présence dans le top 15.

Sur les deux premières éditions féminines de l’Enfer du Nord, aucune Française n’a fait partie des cinq premières à l’arrivée au vélodrome de Roubaix. Et sur les classiques flandriennes, cette saison, les représentantes tricolores ne sont pas parvenues à se mêler à la lutte pour la victoire, jusque dans les derniers kilomètres. "Je ne dirais pas que les Françaises sont à la traîne, mais que les Néerlandaises, les Belges et les Italiennes sont au-dessus du lot", avance Marion Hérault-Garnier, consultante cyclisme pour France Télévisions.

"Les Néerlandaises et les Belges courent sur des pavés dès qu’elles sont petites. Nous, en dehors du Nord, on n’a pas de pavés, et on a plutôt des massifs montagneux, donc on privilégie les gabarits légers, complète Stephen Delcourt, manager de l’équipe française FDJ-Suez. Les Italiennes ont beaucoup plus de densité de jeunes filles, avec des clubs structurés dès les petites catégories, et des aides pour les parents. Chez nous, la fédération tente des choses, mais je pense qu’il faudra encore dix ans pour rattraper le retard." Au classement des nations cette saison, la France pointe ainsi à la sixième place.

Une génération pas encore arrivée à maturité

Avec le récent recrutement d’Audrey Cordon-Ragot par l’équipe Human Powered Health, seules treize Françaises évoluent désormais dans les rangs des équipes World Tour, l’élite du cyclisme mondial, dont huit au sein de la FDJ-Suez, unique formation bleu-blanc-rouge à ce niveau. Mais hormis Juliette Labous, qui fait partie des leaders de la Team DSM, et potentiellement d’Audrey Cordon-Ragot, dont le rôle reste à définir avec sa nouvelle équipe, la grande majorité des Françaises ont un rôle d’équipière, qui ne leur permet pas de lutter pour la victoire dans le final des courses. Par ailleurs, aucune n’évolue à la SD Worx ni à la Trek-Segafredo, les deux équipes dominantes sur le circuit.

"Ce n’est plus le Paris-Roubaix femmes avec Zwift, c’est Paris-Roubaix avec Trek-Segafredo, plaisante Marion Hérault-Garnier. Elles ont mis à chaque fois deux filles sur le podium lors des premières éditions. Et cette saison, la SD Worx réussit des doublés, comme sur les Strade Bianche et sur le Tour des Flandres". Les lauréates de ces courses prestigieuses, Demi Vollering et Lotte Kopecky, ont respectivement 26 et 27 ans, un âge de maturité dans le cyclisme féminin, plus élevé que pour leurs homologues masculins. Et dans le cyclisme féminin français, qui s’est développé plus tard, la nouvelle génération manque encore d’expérience. "Pour l’instant, il n’y a pas la génération pour gagner, mais je suis persuadé qu’une Clara Copponi (24 ans), si elle continue de progresser, pourra jouer pour la victoire dans quelques années", commente Stephen Delcourt.

Des moyens inégaux 

Si les Françaises ne sont pas forcément les leaders de leurs équipes au niveau World Tour, d’autres ont l’opportunité d’avoir ce rôle dans les formations en Continental, le niveau inférieur, qui sera représenté par neuf équipes sur Paris-Roubaix femmes. A 22 ans, la Nordiste Victoire Berteau, 14e récemment d'A travers la Flandre, fait partie de ces leaders, au sein de l’équipe Cofidis. "Ça met une petite pression, car le résultat repose sur moi. Sur le Tour des Flandres, j’avais toute l’équipe derrière moi, et ce n’est pas quelque chose que j’ai forcément bien supporté. Il faut passer par là pour apprendre, et ça peut prendre un peu de temps", assure-t-elle.

Et si la Cofidis fait partie des quelques équipes du niveau Continental dont les coureuses peuvent vivre du vélo, ce n’est pas le cas dans toutes les équipes. "En ‘Conti’, elles touchent a minima des défraiements, parfois des salaires, mais de là à en vivre, c’est compliqué. Par rapport à la possibilité de s’entraîner, quand on doit travailler à mi-temps à côté, ou compter sur papa et maman, on ne peut pas rivaliser, on n’est pas à armes égales", explique Marion Hérault-Garnier. Les coureuses françaises, plus nombreuses à cet échelon du cyclisme, ne bénéficient donc pas des mêmes conditions d’entraînements que certaines de leurs rivales dans le peloton.

"Par exemple, la Jumbo-Visma met les mêmes moyens pour les femmes que pour les hommes : ils vont faire des camps d’entraînement ensemble, des essais en soufflerie pour améliorer l’aérodynamisme… Ce que des équipes ‘Conti’ ne peuvent pas se permettre, puisque certaines n’ont même pas les moyens de faire plusieurs reconnaissances, alors que les courses sur les pavés sont justement celles pour lesquelles il faut savoir où poser sa roue", poursuit la consultante France Télévisions. Avec ou sans reconnaissance dans les roues, 26 Françaises prendront samedi le départ de la 3e édition féminine de l'Enfer du Nord.

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.