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Prudhomme, Vœckler, Vasseur… Entre déception, colère et compréhension, l'annulation de Paris-Roubaix fait réagir

Prévue le 25 octobre, la 118e édition de Paris-Roubaix n’aura pas lieu en 2020. Une première depuis les deux guerres mondiales, et donc forcément un mini tremblement de terre dans le monde du cyclisme. Annulé face au contexte sanitaire, l’enfer du nord devait clore la saison des Classiques. Forcément, cette décision émeut les acteurs de la course, de Christian Prudhomme aux bénévoles qui entretiennent les pavés, en passant par les directeurs sportifs et anciens coureurs.
Article rédigé par Adrien Hémard Dohain
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié
Temps de lecture : 6min
 

"Je suis meurtri". Les mots sont forts, et choisis avec soin : ils sont signés François Doulcier. Son nom ne dit rien au grand public, mais il s’agit du président des Amis de Paris-Roubaix, association qui par son action a sauvé la course, et en est aujourd’hui un maillon indispensable. Le président étaye : "Plus que de la déception, c’est un coup de massue. Je pensais qu’il aurait pu être organisé malgré les contraintes". Globalement, cette déception est partagée par tous. Celui qui la résume le mieux, c’est Christian Prudhomme, directeur de la course, sur franceinfo : "Paris-Roubaix c'est la reine des classiques, Paris-Roubaix existe depuis 1896, c'est la plus belle des courses majeures, c'est un monument du cyclisme, naturellement nous sommes déçus".

Une première depuis les guerres mondiales

Le 25 octobre, l’enfer du Nord devait clore la saison des Classiques à l’issue d’un calendrier déjà chamboulé par la Covid-19. Son annulation est donc un coup dur, mais pas une énorme surprise non plus : "On ne peut pas dire qu’on ne s’y attendait pas", avoue Thomas Vœckler, "Vu le contexte, il aurait fallu avoir des œillères pour ne pas s’en douter". Directeur sportif de Cofidis, Cédric Vasseur ajoute : "C’est évidemment une grande déception mais la situation sanitaire actuelle doit faire primer la raison avant la passion et l’envie de briller sur les pavés du Nord. Paris-Roubaix devait être le dernier monument de la saison et on s’attendait à une édition historique". Le jeune retraité Yoann Offredo complète : "On est en pleine récolte des pommes de terre et des betteraves : autrement dit, les pavés sont recouverts de boue. Cette édition serait entrée dans la légende, c’est sûr". Et les conditions météos annoncées n’avaient pas de quoi annuler la course : "Tout est prévu : si c’est plein de boue, on sait nettoyer en dernière minute, si c’est inondé on sait pomper l’eau, et sinon des dérivations sont prévues", glisse François Doulcier.

Et si la météo commençait à en inquiéter certains, c’est bien le contexte sanitaire qui a eu raison de Paris-Roubaix 2020, déjà reporté d’avril à fin octobre. Mais après le passage de la métropole de Lille en zone d’alerte maximale face au coronavirus jeudi, difficile pour l’organisation de maintenir la course face à la pression du préfet du Nord. "On donne un signal très mauvais au monde entier. On scie la branche sur laquelle on est assis. À titre de citoyen, je suis navré. On prend un luxe de précaution. On annule des évènements qui donnent une image positive de notre pays, et à l’inverse on renvoie une image négative de catastrophisme, on n’incite pas les touristes à revenir", peste le président des Amis de Paris-Roubaix, qui développe : "S’il y a vraiment une inquiétude, on pouvait faire la course quasiment à huis clos. 95% du parcours est hors de la Métropole de Lille, placée en zone d’alerte maximale. Et encore, les 5%, on y entre par des coins de campagne"

"Il n’y a que les guerres qui avaient arrêté Paris-Roubaix, ça veut dire que le Covid est aussi fort que les guerres ? "

D’un point de vue sanitaire, la décision semble toutefois sage, tant la course brasse des populations venues de France, de la toute proche Belgique (le parcours longe la frontière), des Pays-Bas et même d’Angleterre. "Paris-Roubaix est vecteur de mouvement de population, avec énormément de monde. Depuis le vélo, on ne voit même pas les champs tant il y a de foule. Autant dire que pour la distanciation sociale…", témoigne Offredo, qui ajoute : "Sans spectateurs ce n’est pas vraiment un Paris-Roubaix. Le sentiment dans les secteurs pavés n’aurait pas été tout à fait le même sans le bruit de la foule, les odeurs de frites, de bière".

Relativiser et se projeter

Un avis partagé par François Doulcier, qui pense toutefois qu’il valait mieux faire une édition sans public que ne pas en faire du tout. Il résume :"Il n’y a que les guerres qui avaient arrêté Paris-Roubaix, ça veut dire que le Covid est aussi fort que les guerres ? Non. Il faut apprendre à vivre avec ce virus. Et puis faut se mettre à la place des coureurs qui font des sacrifices. Un coureur moyen a en gros 10 occasions de faire Paris-Roubaix dans sa carrière. Là, il en perd une". La pilule a du mal à passer, et on le comprend. Dans le peloton, les spécialistes des Flandriennes qui avaient fait de la course un objectif ont de quoi être déçus : "Paris-Roubaix il faut 6 mois pour se préparer, puis 6 mois pour s’en remettre. Pour certains c’est le point d’orgue de l’année, la plus belle des classiques, mais on ne peut pas en faire un objectif principal de la saison, on ne peut pas tout miser sur Paris-Roubaix à cause des chutes, des crevaisons, de la météo… On cible la période des classiques flandriennes sur lesquelles ceux qui visaient Paris-Roubaix vont se rabattre", éclaire Offredo.

"Il faut regarder le bon côté des choses, le vélo a eu pas mal d’évènements, et en aura encore malgré le Covid. Il y a eu un Tour de France complet, sans problèmes : c’est déjà exceptionnel vu le contexte"

Sur son vélo, Thomas Vœckler préfère relativiser, malgré la déception : "Il faut regarder le bon côté des choses, le vélo a eu pas mal d’évènements, et en aura encore malgré le Covid. Il y a eu un Tour de France complet, sans problèmes : c’est déjà exceptionnel vu le contexte. Lorsqu’on voit les tribunes de Roland-Garros, le Tour c’était quand même la fête. Puis on a eu un championnat du monde exceptionnel. C’est triste de ne pas voir Paris-Roubaix, mais c’est un moindre mal sur l’ensemble de l’année. Il faut savoir être raisonnable". Des paroles sages, qui trouvent écho dans celles de Cédric Vasseur, qui se projette : "Nous donnons d’ores et déjà rdv à nos fans sur l’édition 2021. Vive Paris-Roubaix 2021 !". Et puis, dans tout cela, il y a quand même une bonne nouvelle : Arnaud Démare sera bien au départ du prochain Paris-Roubaix, avec son maillot de champion de France sur le dos. 

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