Entretien. Pauline Ferrand-Prévôt : “Remporter une médaille olympique reste mon plus grand rêve et l'objectif de ma carrière”
Vous êtes championne du monde sur route (2014), en cyclo-cross (2015) et en VTT cross-country (2015, 2019, 2020). Comment faites-vous pour être aussi performante sur route que sur VTT ?
Pauline Ferrand-Prévôt : “C'est vrai que j'ai été championne du monde dans trois disciplines différentes. Vu comme ça, on pourrait se dire que c'est facile parce que j’ai tout gagné. Mais ce n’est pas du tout ça. Je me remets toujours en question, année après année, et j’ai toujours tendance à vouloir ce que je n'ai pas, autrement dit une médaille olympique. Ca reste mon plus grand rêve et l'objectif de ma carrière. Il me reste deux belles chances de médailles : d’abord Tokyo et ensuite, j’espère, Paris en 2024.”
Votre préparation pour les Jeux olympique de Tokyo cet été a-t-elle été perturbée par la crise sanitaire ?
PFP : “Cette année a été compliquée car les compétitions se sont annulées les unes après les autres. On a été confiné, on a dû s'entraîner à la maison et faire des heures et des heures sur home trainer (équipement qui permet de faire du vélo en position stationnaire, ndlr). On est resté davantage à la maison, en autarcie. Pourtant, j'aime bien voir du monde et faire autre chose que du vélo toute la journée. Il faut garder le moral, rester positif et s'adapter en conséquence au jour le jour, même si aujourd'hui on ne sait pas si les prochaines compétitions, voire les Jeux, auront lieu."
Comment gérez-vous cette perspective ?
"C'est la faculté d'une ou d'un sportif de haut niveau de savoir s'adapter aux événements et aux imprévus. Je me suis plutôt bien adaptée en 2020. Il parait difficile d'avoir une saison normale en 2021, donc j'espère que je saurais aussi bien m'adapter que l'an passé.”
Le choix de recentrer votre carrière sur le VTT vous a plutôt réussi. Pourquoi avez-vous quitté la route ?
PFP: “Pour deux raisons. Déjà, j’ai constaté une évolution dans mon sport en 2016-2017, où les courses sur route étaient de plus en plus longues, avec des schémas de courses qui ressemblaient beaucoup à ceux des garçons, c'est à dire très structurés et un peu écrits d'avance. Je n'aime pas vraiment ça et quand j'ai ressenti une certaine lassitude, je me suis dit que c’était le bon moment de passer au VTT."
Était-il possible de poursuivre sur les deux disciplines ?
PFP: "Aux Jeux olympiques de Londres et de Rio, j'ai voulu faire les deux. Mais c'est très compliqué d'être performante sur les deux formats au niveau olympique, alors que les épreuves se tiennent à quelques jours d'intervalles. J'ai eu envie de me donner toutes les chances pour réussir, c'est pour cela que j'ai choisi de me concentrer uniquement sur le VTT. En plus, lui aussi a évolué avec des circuits de plus en plus techniques, des formats de course plus courts. C'est de moins en moins compatible avec le cyclisme sur route."
Vous avez connu un passage à vide après les Jeux de Rio en 2016...
PFP: “Oui, il a duré assez longtemps. A Rio déjà, j'avais une douleur inexplicable dans la jambe et dans le dos que j'ai gardée pendant plus de trois ans. On a mis du temps à trouver son origine. Finalement, j’ai été opérée deux fois de l'artère iliaque, en 2019 et en 2020. J’avais un rétrécissement de l'artère dû à la position sur le vélo. Ça a été des moments difficiles car je ne savais pas ce qu'il m'arrivait, alors que je n'avais rien changé de particulier. Moralement, l’après Rio a été un peu dur. Car pour ces JO j'étais championne du monde en titre et j'étais la grande favorite. Je m'étais fixée comme objectif d'être championne olympique et j'ai échoué. Forcément, derrière c'est très dur. Et quand on est mal mentalement ou fatigué, on se dit qu’attendre quatre ans avant les prochains Jeux est insurmontable, qu'on n'y arrivera pas.”
Comment parvient-on à sortir d’une telle épreuve et à revenir plus compétitif encore ?
PFP : “Ca m'a pris bien six mois avant de retrouver l'envie de refaire du vélo et de continuer mon métier après Rio. Je suis donc passée par l'arrêt total de mon sport. J'ai pris un peu de poids, j'ai profité un peu de la vie. J'ai fait une pause dans ma carrière, aussi parce que j'ai commencé le vélo très jeune dès l'âge de 5 ans. Je me suis reposée et j’ai réfléchi. Finalement, le vélo m’a manquée et je suis revenue à ma vie d'avant.”
Vous êtes membre du "Team EDF" depuis fin 2020. En quoi est-ce important pour vous de vous engager en faveur de l’environnement ?
PFP: “Déjà, parce que je pratique un sport où le respect de la nature est très présent. Pour moi, dans le VTT, il n’y a pas que l'effort. En VTT, nous sommes tous les jours au contact de la nature. Et j'aime partir en vélo en forêt et profiter des paysages. La préservation de la nature, de nos terres, me tient à cœur. Ca commence par des choses toutes simples. Par exemple, sur les courses en VTT, il est interdit de jeter nos bidons par terre. C’est juste du bon sens. Et c'est important pour nous, en tant que sportif, de faire prendre conscience aux gens que nous n’avons qu’une Terre et qu'il faut la préserver. J'espère qu'on va pouvoir avancer sur ça le plus vite possible avec le Team EDF.”
Voir sur Twitter
Pensez-vous que l’année 2020 a accéléré la prise de conscience des Français sur les enjeux environnementaux ?
PFP : “Je le pense oui. On a vu de plus en plus de gens se mettre au sport pendant le confinement. Tout le monde prend conscience que notre nature est belle et qu'il faut la préserver. Et un virus qui arrive de nulle part, ce n'est pas lié au hasard. Je ne suis pas chercheuse mais on peut se demander si on ne demande pas trop à la planète. Il faut faire attention à notre Terre et adopter des gestes simples de préservation de l'environnement.”
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.