JO 2016 : Pauline Ferrand-Prévot, une coéquipière pas comme les autres
Le cyclisme est le plus collectif des sports individuels. Ou l’inverse, on ne sait pas trop. Chez les Bleues, une tête dépasse beaucoup plus que les autres. Blonde, jeune et souriante. Pauline Ferrand-Prévôt est la tête d’affiche féminine à Rio. Un rôle et une place de leader largement mérités. Son palmarès parle pour elle : championne du monde sur route (2014), championne du monde de cyclo-cross (2015), championne du monde de VTT (2015), vainqueur de la Flèche wallonne (2014). Mais cet arbre qui prend beaucoup (toute ?) de place cache une forêt qui a du mal à exister médiatiquement et sportivement. En course, c’est Pauline qu’on surveille, en interview c’est Pauline qu’on demande. "C’est vrai qu’on parle beaucoup d’elle, c’est devenu une habitude, souffle la cycliste Aude Biannic - non présente à Rio -. Moi ça me va car je n’aime pas trop me mettre en avant. Cela peut en déranger certaines, mais pas moi".
Bénéfique pour le groupe
Pauline Ferrand-Prévôt est "une véritable amie en dehors du vélo", assure Aude, donc faire les efforts pour elle n’est pas un fardeau. "Elle a les meilleures chances de médaille donc c’est normal de travailler pour elle. Si quelqu’un peut en ramener une, ça fera plaisir à tout le monde". Et pour ça, Pauline a besoin du collectif, encore plus lors de l’épreuve sur route. Justement au sein de celui-ci, Pauline est un phare qui attire l’œil, mais qui fait attention à ne pas aveugler non plus. "Elle fait plutôt briller le reste du groupe, tempère son ancien entraîneur Yvan Clolus, elle a toujours la banane, n’est jamais déprimée". La star, parce que c’est qu’elle commence à devenir, ne reste pas dans son coin. "Elle n’aime pas trop être mise en scène toute seule et son charisme a tendance à faire briller les autres", estime Clolus. "Ce n’est pas quelqu’un qui va nous prendre de haut ", confirme Aude Biannic. Pas son tempérament. Elle est à l’écoute et "sait rester à sa place", observe Sandrine Guirronnet, entraîneur de l’équipe féminine sur route qui accompagne le duo formé par 'PFP' et Audrey Cordon-Ragot à Rio.
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Selon elle, la présence de Pauline est même un plus pour l’équipe puisqu’elle montre que "le haut niveau est accessible". Quand on les observe de loin, les champions ressemblent à des sommets inatteignables. Là, les filles côtoient l’excellence au quotidien et cela crée une émulation bienvenue. "Cette proximité fait du bien", résumé-t-elle. C’est le rôle de l’entraîneur ensuite de faire en sorte que tout le monde ait le sien et prenne du plaisir en course. Yvan Clolus confirme : "quand les stars (du VTT, Absalon, Ferrand-Prévôt, ndlr) sont là, cela tire le groupe vers le haut". Et cela rejaillit aussi sur des aspects de la préparation. "Même dans un stage au fin fond de la Maurienne, tout le monde se met en quatre si Pauline est là". Pauline, une présence qui galvanise plutôt qu’elle inhibe. "Pour qu’elle soit à 100% le jour J, il faut que tout le monde autour soit à 100%, le staff comme ses coéquipières", enfonce Guirronnet.
Pas le même sport
Pendant longtemps, le cyclisme féminin français s’est résumé à cinq lettres, L-O-N-G-O. Puis Pauline Ferrand-Prévôt est arrivée et à renverser la table. Une star en a chassé une autre. En revanche en VTT, la France est coutumière de l’excellence depuis les années 90. Chez les hommes, deux tricolores (Miguel Martinez et Julien Absalon) ont trusté trois des cinq titres olympiques distribués depuis 1996. Chez les filles, Julie Bresset est championne olympique en titre, mais n'est pas du voyage à Rio. En VTT, le haut-niveau, on connaît. "Pauline est dans la continuité, c’est un héritage", lâche Clolus. C’est normal que tout soit fait pour les mettre dans les meilleures conditions. "Pour des athlètes extraordinaires, il faut un cadre extraordinaire", synthétise-t-il.
Les spécificités du VTT font aussi que "chacun fait sa vie", dixit Clolus. Le plus fort l’emporte généralement, il n’y a pas de notion d’équipier, de tactique de course, c’est seul contre tous que l’on triomphe. Sur route, non. Et c’est ce qui peut gêner aux entournures. "De l’extérieur, j’ai l’impression que c’est plus dur sur route, ose Clolus. Pauline gagne très bien sa vie, les autres gagnent à peine le SMIC et parfois obligées de prendre un job à mi-temps. Cela peut-être dur de voir Pauline briller". Cet écart et les caractères sont autant d’explications des moments de tension qui peuvent exister, même si "Sandrine (Guirronnet, ndlr) tient bien tout ça". "Il y a un diamant qui prend toute la lumière et ça peut-être difficile à vivre", reconnaît Clolus.
Leader et moteur
On en revient à l’exposition. Outre les résultats, la cycliste de 24 ans a pour elle un physique qui plaît et une parfaite gestion des réseaux sociaux. C’est une fille de son époque. "Elle utilise les réseaux, elle a intégré cette donnée", témoigne Clolus. Avec ses 26000 followers sur Twitter et ses 78000 fans sur Facebook, 'PFP' a sa petite notoriété. "Je ne trouve pas qu’elle se mette en avant, analyse son entraîneur, certains pourraient dire que poster tous les jours, c’est se mettre en avant, elle le voit plutôt comme une façon de bien faire son métier". Elle s’en sert aussi comme d’un moyen de mettre en avant son sport et ses coéquipiers. "Quand un collègue fait un résultat, c’est bien de l’encourager", estime-t-il.
De Aude Biannic à Yvan Clolus, tous sont unanimes pour dire qu’elle rend un peu de ce qu’elle gagne, essayant d’éviter le creusement du fossé entre elle et les autres. Dans ce sport, où "elles évoluent dans des teams différentes, avec des calendriers différents, où elles sont parfois adversaires" (Guirronnet), elle pense collectif. A la plus grande joie de la technicienne qui regrette que les temps passés en Bleu soient rares. Pas l’idéal pour construire un groupe. Mais pour déminer les situations, Pauline Ferrand-Prévôt peut toujours compter sur sa personnalité. "Elle a beaucoup d’humour ! Les gens sont surpris mais elle est sympa. Même les adversaires, elle arrive à se les mettre dans la poche, sourit Clolus. C’est quelqu’un avec qui on a envie d’être copain". Et coéquipière aussi.
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