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Rio 2016 : Julien Absalon et les VTTistes français ne croient pas en Peter Sagan

Peter Sagan, star du peloton du cyclisme sur route, va s’aligner ce dimanche lors de l’épreuve olympique de VTT. Un petit plaisir pour le Slovaque mais aussi un beau coup de publicité pour le VTT. Julien Absalon, Victor Koretzky et Maxime Marotte estiment pourtant qu'il aura du mal à exister.
Article rédigé par franceinfo
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Il avait électrisé le peloton et les routes du Tour cet été. Peter Sagan, maillot jaune éphémère et vainqueur de trois étapes en juillet, est la star du cyclisme mondial et un impayable showman, doublé d'un passionné. Après la Grande Boucle, il s’était fixé un nouvel objectif : disputer les JO de Rio... en VTT. Le tout-terrain, son premier amour, grâce auquel il a découvert le monde de la pédale. Guidé par son plaisir et son envie de s’amuser, le Slovaque a avoué en conférence de presse qu’il ne "s’attendait à rien de grand" à Rio. Lui qui n’a plus mis les pieds sur un VTT depuis "7 ans" voulait quelque chose de différent pour pimenter sa fin d’été et le voilà engagé "sur la plus grande course du monde". Une aubaine pour une discipline qui a du mal à exister dans l’ombre de la course en ligne.

"Il va falloir tirer les kilos"

"Ça fait plaisir de le voir", sourit Julien Absalon, leader de la délégation tricolore au Brésil. Le double champion olympique (2004, 2008) a pu s’entraîner avec lui mercredi. Les deux ont échangé durant deux tours. Un bon moment qui confirme ce que tout le monde dit, Sagan est un mec cool. Forcément lors de la conférence de presse des Bleus, les questions tournent rapidement autour de la nouvelle attraction. Absalon, Maxime Marotte et Victor Koretzky répondent volontiers. "On en parle beaucoup, ça ne me dérange pas… Dimanche, ça sera oublié", rigole le dernier. Si tous sont heureux de le voir s’élancer avec les 49 autres VTTistes qui prendront le départ dimanche sur le circuit de Deodoro, ils masquent à peine leur scepticisme. "Il n’a pas de pression et vient pour s’amuser, mais la transition entre les deux disciplines est compliquée, éclaire Maxime Marotte, d’autant qu’il a eu peu de temps pour se préparer". Près d’un mois s’est écoulé entre l’arrivée sur les Champs-Elysées et cette course olympique. Un délai trop court pour faire une préparation poussée et idéale pour une course que ses adversaires préparent depuis quatre ans.

Le talent, indéniable, du bonhomme ne suffira pas. "Comme Pauline (Ferrand-Prévôt, ndlr), il peut faire toutes les disciplines", admire Maxime Marrotte. Champion du monde junior de VTT (2008), Sagan a commencé sur le tout terrain avant de trouver fortune et gloire sur les routes goudronnées. Il a sa petite renommée dans le milieu, mais son gabarit taillé pour avaler l’asphalte (1,80m, 68 kg) ne le favorisera pas sur un parcours exigeant. "Sur un sprint il me 'dégoupille' c’est sûr, mais quand tu as cette masse à porter sur des bosses, ce n’est pas la même histoire, explique Victor Koretzky, champion du monde juniors (2011). Ce n’est pas un sprint, il y aura 1000m de dénivelé en 30 kilomètres à avaler en 1h30. Comme c’est une ‘bête’, il va falloir tirer ces kilos".

Méritocratie

Coureur polyvalent, capable d’avaler des bosses, de rouler et de terminer au sprint, Peter Sagan affiche des manques sur un parcours de VTT. "Il descend bien mais il manque de fluidité, de roulage, précise Julien Absalon, il a la classe sur un vélo, il est doué physiquement et techniquement mais il ne peut pas avoir la même vitesse alors qu’il vient de finir le tour de France et de reprendre le VTT. Heureusement d’ailleurs". Absalon effleure le vrai sujet : le mérite des ‘routiers’ par rapport aux VTTistes. Victor Koretzky va, lui, plus loin. "On discrimine un peu le VTT en disant que c’est moins dur que la route, s’indigne le jeune Français (21 ans), mais on est autant préparé. C’est un sport de professionnels. Un très bon 'routard' comme Peter n’est pas capable de tenir avec nous pendant 1h30. Il faut être spécialiste".

Un succès de 'Peto' serait une immense surprise et un coup dur pour les Français. "On n’est pas des touristes et le battre renforcera notre image", poursuit Koretzky. Alors que peut ambitionner Sagan face au trio français ou au grand favori, le Suisse Nino Schurter ? "Franchement, s’il fait un top 10, ça sera très beau. Un top 5 ? J’arrête le vélo…", annonce Koretzky. Même si ce circuit roulant peut jouer en sa faveur, Absalon partage l’avis de son cadet. "Il ne va pas faire une médaille, mais il ne sera pas ridicule, promet-il. On est 50 au départ et avec sa puissance, il devrait pouvoir remonter – la place sur la ligne de départ se décide en fonction du classement mondial, ndlr – car c’est une grande ligne droite. Doubler 30 mecs en ligne droite sur du plat, ça ne devrait pas être compliqué pour lui". Plus qu’une véritable menace, sa participation constitue surtout un vrai coup de pub pour cette discipline. "C’est l’icône du cyclisme masculin sur route, chapeau à lui de s’aligner aux JO", résume Pauline Ferrand-Prévôt qui s’y connaît en transition route-VTT. Sagan est en train de marcher sur ses plates-bandes. Ça ne l’inquiète pas. "Il ne sera jamais meilleur que moi". Une boutade dans sa bouche. Pas dans celle de ses camarades masculins.

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