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Poulidor et Anquetil, "des inséparables"

Durant près de dix ans, leur rivalité a littéralement coupé la France en deux. Il y avait les pro-Anquetil, premier coureur à réaliser le quintuplé sur le Tour de France, et à qui tout réussissait, et Raymond Poulidor, l’éternel second. Alors que le peloton arrive ce mercredi en Normandie, région natale d’Anquetil, son ancien adversaire, évoque pour nous les liens qu’ils ont tissés une fois la retraite venue.
Article rédigé par Romain Bonte
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié
Temps de lecture : 4min
Raymond Poulidor

Comme tous les matins, « Poupou » est assis dans le stand du Crédit Lyonnais, au village départ de cette quatrième étape, et y signe de nombreux autographes. Aujourd’hui, la Grande Boucle emprunte les routes normandes et rallie Rouen, avec une arrivée à proximité du Quai Jacques Anquetil… Alors que la file d’attente de ses fans ne cesse de s’allonger, je lui demande de me parler de sa rivalité avec Jacques Anquetil, et aussitôt, son visage s’illumine. « Cela a duré pratiquement dix ans », se plait-il à raconter. « La France était coupée en deux, des couples ont divorcé parce que la femme était pour Anquetil, ou vice versa, il y avait la bagarre dans les foyers ! » explique-t-il sourire aux lèvres.

"On s’en rendait compte, car quelques fois, l’attitude du public n’était pas très sympa avec Jacques, qui était souvent sifflé". Lui qui a toujours été considéré comme "l’éternel second" explique que "le public aime bien celui qui perd, qui a de la malchance", alors que Anquetil n’avait jamais de crevaison, jamais de chute, tout était programmé à l’avance comme ses victoires sur le contre-la-montre. "C’était un calculateur, c’était aussi le panache quand il le fallait. Ce qui l’intéressait, c’était de gagner. Ce qui le préoccupait, ce n’était pas ses adversaires, mais de gagner d’une seconde ou d’une minute, c’était pareil", a résumé le natif de la Creuse, aujourd'hui âgé de 76 ans.

« Il glissait sur la route »

"C’était la classe. Jacques Anquetil, vous le mettiez sur n’importe quel vélo, il trouvait sa position. C’était phénoménal, quand on voyait l’effort au contre-la-montre, seul son visage était marqué par la fatigue, le reste, rien ne bougeait. C’était une caravelle, il glissait sur la route".

Lorsqu’on lui demande si ils se détestaient à l’époque, Poulidor n’hésite pas une seconde, et lâche un "oui" tranchant avec son sourire jovial. Il a pourtant du mal à s’expliquer cette hostilité. "Peut-être que cela venait de l’entourage, il n’appréciait peut-être pas ma popularité", dit-il. Mais presque aussitôt après, celui qui n’a jamais remporté le moindre Tour de France (pas plus que revêtu le maillot jaune), tient à préciser qu’ils sont devenus par la suite de "très grands amis". "Nous sommes devenus inséparables, et Jacques avait d’ailleurs eu ces paroles formidables : ‘je regrette que l’on ait perdu dix ans de notre vie’ en parlant de notre rivalité sportive", raconte Poulidor.

« Tu vas encore finir deuxième »

Cette amitié est née lorsque Anquetil a décidé de mettre un terme à sa carrière, en 1969. « Il a eu une fille qui s’appelait Sophie. A l’époque il collaborait avec Europe 1, et à la télévision, aux côtés de Robert Chapatte. Un jour, il est venu me voir dans la chambre, et m’a dit ‘c’est pas possible, tu continues à m’emmerder. Tu te rends compte que ma fille dit ‘Poupou’ avant papa ! », a raconté un Poulidor ému, avec une petite larme coulant le long de son visage. Anquetil lui a ce jour là demandé pour sa fille une casquette siglé ‘Poupou’, et est revenu depuis le voir à chaque étape.

En 1974, "il m’avait dit, c’est sincère, je voudrais bien que tu gagnes le Tour de France", mais il terminera finalement deuxième derrière Eddy Merckx. Depuis les deux anciens champions ne se sont plus quittés, jusqu’au dernier jour d’Anquetil. Peu avant sa mort, Poulidor avait joint au téléphone un Anquetil souffrant qui lui avait dit "tu vas encore finir deuxième"...

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