Prudhomme: "Un vrai basculement"
Comment qualifieriez-vous la victoire de Bradley Wiggins ?
R: "Une victoire à la façon de Miguel Indurain, de Jacques Anquetil. Un coureur dominateur dans les contre-la-montre, qui résiste aux meilleurs grimpeurs dans la montagne et qui fait mieux que résister. Il a dominé tous les grimpeurs à l'exception sans doute de son équipier Chris Froome. On ne va pas leur reprocher d'avoir une logique où l'on ne voit qu'une seule tête puisque le but était de gagner. Ils se souviennent naturellement qu'ils avaient fait 2e et 3e de la dernière Vuelta. Mais, c'est vrai, on préfère toujours quand la sélection se fait par l'avant et non par un écrémage à l'arrière. Ce qui est tout à fait inédit, c'est qu'un triple champion olympique sur piste gagne le Tour de France. Il y a un parallèle avec Cadel Evans qui venait lui aussi d'une autre discipline. C'est la confirmation que d'autres filières, le VTT l'an dernier, la piste cette année, peuvent mener aux plus grands succès sur la route."
Avez-vous un regret sportif ?
R: "Le seul regret, c'est que la seule manière de les mettre en difficulté aurait été d'avoir un front uni contre eux, mais c'est plus facile à dire qu'à faire. Je crois qu'Evans ou Nibali n'avaient simplement pas les capacités physiques pour aller dérégler la machine Sky."
Est-ce un changement d'ère ?
R: "Incontestablement, il y un vrai basculement des pays traditionnels de cyclisme, Belgique, Pays-Bas, Italie, Espagne, France, vers le monde anglophone avec une accélération très impressionnante ces dernières années. La victoire du premier Australien en 2011, du premier Anglais en 2012, le fait qu'ils aient une équipe dans l'élite du cyclisme mondial, la montée en puissance de la bicyclette dans le monde anglophone... Il y a un vrai changement et le Grand départ du Tour de France à Londres en 2007 qui reste pour moi inoubliable a sûrement été un accélérateur."
Est-ce aussi un changement de méthodes ?
R: "C'est incroyablement soigné, hyper-précis. La première année (2010), on s'est beaucoup gaussé d'eux comme ils sont arrivés à grand renfort de communication. Très vite, ils ont corrigé le tir et, sans sa fracture de la clavicule, Wiggins aurait été un sacré client l'an dernier, pour le podium et peut-être même pour la victoire finale. Cette année, il y a eu une montée en puissance, on l'a vu tout au long de la saison jusqu'à la victoire programmée dans le Tour de France."
Que peut faire un organisateur pour contrer la victoire de la programmation ?
R: "Ce sont les équipes, les coureurs et les adversaires qui peuvent faire, bien plus que nous. On continuera à faire en sorte de mettre des parcours variés, différents. Mais on voit parfaitement sur les deux dernières éditions que les coureurs et les managers ont le rôle le plus important à jouer. Au vu de ce Tour, les autres équipes et les autres coureurs vont aussi réfléchir, échafauder des plans et je suis convaincu que l'on aura un Tour 2013 avec des gens qui tentent."
Tiendrez-vous compte des enseignements de cette course pour la suite ?
R: "Le Tour est pensé deux ans avant. Il n'y a pas un parcours pour ou contre. Les coureurs ont magnifié le parcours en 2011, ils ne l'ont pas complètement utilisé en 2012."
Des attaquants, type Contador, ont fait défaut dans ce Tour...
R: "Contador, qui finit de purger sa peine, est un élément dynamiteur dans une course. Mais je pense pour l'année prochaine à un coureur tel que Nairo Quintana, qui est en train de ressusciter la légende des grimpeurs colombiens."
Qu'avez-vous aimé particulièrement dans ce Tour ?
R: "L'émergence d'une nouvelle génération. Voir les deux plus jeunes coureurs du Tour de France qui explosent au plus haut niveau, c'est du jamais vu ! On connaissait le punch de Sagan, on voit qu'il a de vraies capacités en montagne pour limiter les dégâts. Pour nous Français, il y a aussi l'éclosion de Thibaut Pinot. Formidable !"
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