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Reportage Tour de France 2021 : à la rencontre des vacanciers du Tour, dans le col de Romme

Chaque année, ils sont des centaines voire des milliers à passer leurs vacances sur le Tour de France. Franceinfo : sport est parti à leur rencontre, au col de Romme.

Article rédigé par Adrien Hémard Dohain, franceinfo: sport - De notre envoyé spécial
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 7min
Les campings-car fidèles au poste, en haut du col de Romme avant le passage du Tour de France, le 3 juillet 2021. (AH)

Au plus fort de la pente pour les coureurs comme au bord de la route lorsque l'on est spectateur, c'est en montagne que le Tour de France prend toute sa splendeur. La preuve au col de Romme où, le temps d’une soirée, la population de la petite station de ski a doublé. Perché à 1 300 mètres d’altitude, le village savoyard, ses quelques chalets et ses trois remontées mécaniques ont accueilli une cinquantaine de camping-cars, venus de toute l’Europe. "C’est la troisième fois que le Tour passe ici, on sait y faire maintenant", prévenait Christian Hénon, 1er adjoint de la commune, en début de soirée. Il n'a pas menti.

Un col fermé, une fête presque gâchée

A la vue des quelques rues parfaitement décorées, de la buvette soigneusement dressée, et des champs fauchés pour accueillir les véhicules en tout genre, difficile de donner tort à l’élu. La Grande Boucle ne passe que samedi à Romme, mais cela fait quelques jours que tout le village est prêt, et les vacanciers du Tour aussi.

Cela fait trois mois que les habitants de Romme préparent le passage du Tour. (AH)

"On est arrivés dès ce matin, le temps de bien s’installer. Cela fait des années qu’on se retrouve tous sur le Tour un week-end au moins, donc on a toute une logistique bien rodée", explique Kevin, analyste logistique de 40 ans, venu d’Isère avec son frère et ses amis d’enfance. La bande a tout prévu : tonnelle, tireuse à bière, groupe électrogène, enceinte, télévision, plancha, friteuse, canapé et même une batterie et deux guitares. "Les instruments, c’est hyper important. C’est notre petite signature pour mettre l’ambiance", sourit Vincent, qui ne lâchera pas sa trompette de la soirée. En dehors de ses talents de musicien, l’ingénieur est aussi le guide du groupe.

"Quand le parcours sort, Vincent fait toutes les étapes sur Google Maps. Il repère des endroits où il y a des champs pour nous accueillir, puis il regarde des vidéos du Tour pour savoir où il y aura le plus de monde, et d’ambiance."

Kévin

à franceinfo

C’est ainsi que les sept amis ont choisi le col de Romme, après avoir ambiancé le Ventoux, l’Iseran et la Planche des Belles Filles ces dernières années. "On a fait la reconnaissance du col en vélo ce matin, il est costaud. Les premières rampes vont faire très mal aux coureurs", prévient Kevin, qui poursuit : "Puis après on a tout installé, on a mangé et commencé l’apéro". Inventeurs autoproclamés du "cyclisme guinguette", et de la première "classique pour les cyclistes du dimanche, la Pilat Guinguette Race dans l’Isère", la bande d’amis enchaîne les reprises musicales, de Dire Straits à Johnny, en passant par Pink Floyd et Michel Delpech.

Batterie, trompette, guitares... Vincent et ses amis ont tout prévu pour assurer le spectacle pendant la longue attente avant le passage des coureurs, prévu que le lendemain. (AH)

Pendant ce temps, quelques camping-cars et tentes investissent timidement le pré. Trop timidement. Et pour cause : depuis le matin, la route du col est fermée à la circulation, un jour plus tôt que prévu.

"Ca fait trois mois qu’on se prépare, on attendait 500 camping-cars et résultat on en a 50 à cause de cet arrêté préfectoral insensé. C'est navrant."

Christian Hénon

à franceinfo 

 

Le premier adjoint à la mairie, Christian Hénon, ne décolère pas à cause d'un arrêté préfectoral qui a avancé d’une journée la fermeture du col à la circulation : "Pour notre commune de 460 habitants, c’était une respiration après l’année de Covid. Tout le monde s’est investi. Résultat : tout ce qu’on a mis en place ne sert à rien. C’est navrant. Le Tour est supposé être un événement populaire, et au final on interdit aux gens de venir. La fête est gâchée".

Les prés fauchés en avance par les fermiers peinent en effet à se remplir, on est loin de l’affluence attendue, même si la buvette et le foodtruck tournent déjà à plein régime.

Kévin et ses 4 fantastiques ont tout prévu, même le canapé. (AH)

"Allez les copains, on va aller boire le verre de l’amitié quand même, ils ont besoin de nous", lance Kevin à ses troupes, qui ont pourtant de quoi faire. Il est 20h40, la bande de potes ne retrouvera son campement cinq étoiles qu’au petit matin. Autour de la buvette, la soirée tourne à la fête pour les privilégiés qui ont réussi à monter, et qui font honneur au col de Romme.

Fausses réservations et fête au village

Mais pour cela, il a fallu rivaliser d’ingéniosité. Kevin raconte : "A 10h30, les gendarmes nous ont barré la route, sans ménagement. On a d’abord essayé de passer par l’autre côté du col". En vain. Après une réunion de crise sur un parking, les amis ont alors eu l’idée du siècle : faire une réservation dans un gîte en guise de laisser-passer. Bingo.

Toute la journée, les fausses réservations en question ont tourné d’un téléphone à l’autre. "C’est quand même dommage d’en arriver là pour voir le Tour", regrette Vincent. Ce contre-temps a fait perdre trois bonnes heures à la bande, qui semble décidée à les rattraper. Les heures passent, les quelques Belges présents se font chambrer après la défaite face à l’Italie, tandis que résonnent les classiques de fête de village, des Corons à la Pena Baiona. Danois, Luxembourgeois, Néerlandais et Flamands se fondent dans la masse, avec un français tout aussi approximatif que l’anglais des locaux. Le visage de Christian Hénon se déride : pas aussi grande que prévue, la fête reste toutefois belle.

La fête s'est prolongée tard dans la nuit au col de Romme, la veille du passage des coureurs. (AH)

Au petit matin, les visages sont bien plus tirés. Le fracas de la nuit a laissé place au réveil difficile, les boîtes de Doliprane circulent d’une main à l’autre. "C’est aussi ça, la magie du Tour", se marre Kevin tout en préparant une banderole destinée à une amie dans la caravane. Il est 9h, les vacanciers émergent tout doucement. Le café a remplacé la bière, et c’est le début d’une longue attente : la caravane n’est prévue que sur les coups de 15h, et les coureurs à 16h30. Assis dans leur canapé au milieu du champ, les vacanciers du Tour reviennent au vélo et se penchent sur l’étape du jour. Deux noms reviennent avec insistance : David Gaudu et Julian Alaphilippe.

Tadej Pogacar dans les derniers mètres du col de Romme, le 3 juillet 2021. (AH)

A peine le temps de débattre que la caravane pointe le bout de son nez. Les trottoirs se remplissent, puis se vident aussi vite. En cause : la pluie qui s'abat soudainement sur le col de Romme. Partout, on se réfugie sous un bout de toit, dans une tente, sous une tonnelle ou dans les voitures. Le village prend des allures de ville fantôme, jusqu'à l'arrivée des coureurs. D'un coup, d'un seul, la foule jaillit de toute part et descend dans le col.

Les coureurs arrivent : Woods en tête, mais surtout Tadej Pogacar, impressionnant et déjà loin devant ses adversaires. Le passage du peloton s'étale sur une bonne demi-heure, puis la foule disparaît de nouveau. Pas pour longtemps, car demain, l'étape 9 part de Cluses, juste en bas dans la vallée, où les nuages ont enfin disparu. 

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