: Reportage Tour de France 2021 : dans la folie de Mûr-de-Bretagne
Emprunté deux fois par le peloton avant de couper la ligne à son sommet, Mûr-de-Bretagne a une nouvelle fois livré un spectacle unique sur et au bord de la route.
Le temps d'une journée, les rôles se sont inversés. Souvent comparée à l'Alpe d'Huez pour sa ferveur plus que pour son sommet qui culmine à 293 mètres, l'ascension de Mûr-de-Bretagne a été plus qu'à la hauteur de ce surnom prestigieux. Des premières lueurs du jours à la victoire de Mathieu van der Poel en fin d'après-midi dimanche 27 juin, retour sur une journée qui a prouvé qu'il peut faire très, très chaud en Bretagne. Dans tous les sens du terme.
Pass-sanitaire, bières et patience
Comme dans un bon vieux western, ce dimanche, à Mûr-de-Bretagne, le monde, ou plutôt l'arrivée, se divisait en deux catégories. D'abord, la partie la plus raide de la pente, au début, ouverte à tous. Puis les 500 dernières mètres, plus faciles sportivement parlant - car plus plats -, mais limités à 5 000 personnes munies d'un pass sanitaire. Le prix à payer pour se placer au plus près de la ligne, juste à côté de laquelle ont réussi à se glisser Fabien et Clément, deux étudiants bretons.
"On est arrivés hier (samedi) soir, on a campé à quelques dizaines de mètres là, derrière, dans un champ. On suit toutes les étapes bretonnes comme ça pendant quatre jours, mais demain ma copine remplace Clément", sourit Fabien, bob Cochonou vissé sur la tête. "En attendant, on s'occupe comme on peut, on se relaie pour les pauses pipi, on discute, on boit un coup et ainsi de suite depuis qu'on s'est positionné à 10h30". Pas mal, mais pas de quoi impressionner David, 40 ans, venu de Rennes et assis à quelques mètres de là.
"On s'est levés à 5h, on est arrivés à 6h10 au parking, et à 7h10 on était en place ici. On était une dizaine à peine."
Davidà franceinfo
"Avec tout le matériel, on a mis une heure à monter le Mûr parce que même à pied, c'est dur", rappelle son épouse Valérie à ses côtés. Casquette, maillot et drapeau aux couleurs d'Arkea-Samsic, David possède toute la panoplie et rêve d'une victoire de Warren Barguil. En attendant, il faut bien s'occuper avant le passage de la caravane et des coureurs, prévu plusieurs heures après.
"Ni livre, ni magazine, ni quoi que ce soit : on a mangé, et on discute avec les voisins et les bénévoles. Parfois, on aide même à installer les barrières le matin", raconte David pendant que les marques partenaires du Tour, perchées sur de drôles de vélos, font monter la température en distribuant leurs goodies. Puis la nouvelle tombe : la caravane a pris du retard. Ni une ni deux, les partenaires se lancent dans un sprint décousu.
Florian, Quentin et leurs potes bretons ont décidé d'apporter leur pièce à l'édifice pour retrouver la spectatrice à l'origine de la chute lors de la 1ère étape. #TDF2021 pic.twitter.com/2wAxxeynUx
— Adrien Hémard (@AdrienHemard) June 27, 2021
Le retard de la caravane laisse le temps d'emprunter le Mûr dans le bon sens : en descente. En ce début d'après-midi, le soleil a définitivement chassé la pluie du matin dont les stigmates se font encore sentir sous les pieds. Les chutes sont nombreuses, et sans aucun lien avec les bouteilles qui se vident de part et d'autres. "Nous les Belges, on ne vient pas pour la bière, on vient avec", se marre Arnaud, rencontré dans les pourcentages les plus forts de la côte. Là encore rien à voir avec sa bonne descente.
Avec ses cinq amis, ils sont venus de Bastogne pour l'occasion. "On a fait la première étape, on sera aussi là demain et on repart mardi matin. Pour nous, pas de doute, Van Aert va gagner !". Loupé. "Mais tant qu'on bat le Portugal ce soir à l'Euro, on sera contents", rectifie le Belge qui a un autre problème : sa glacière est vide.
David Gaudu, chouchou du Mûr
Un peu plus haut, au niveau de la flamme rouge, Paul n'a pas ce souci. Et pour cause, aujourd'hui le Tour longe littéralement son champ, derrière lequel se trouve sa ferme. "C'est pratique, on gagne du temps et ça met une belle dynamique dans la commune", sourit l'agriculteur, qui revient vite à la réalité : "On est censé aller traire les vaches entre la caravane et les coureurs, mais tant pis !", abandonne-t-il en reprenant une gorgée houblonnée. Il est loin d'être le seul dans ce cas.
Un peu plus haut, après avoir discuté avec des vacanciers ch'tis tout heureux d'être au bon endroit au bon moment, après avoir semé un groupe d'amis venus de Lorient en vélo pour l'occasion, et un autre en train de jouer au palet breton, place à un duo de Belges, bien installés sous leur tonnelle.
"On est arrivé hier de Tournai, on y repart ce soir. Ca fait 7h de route, mais ça vaut le coup pour voir le Tour, et on fera toute la semaine dans les Pyrénées."
Pierreà franceinfo
En attendant, place à la caravane. Les panneaux publicitaires tremblent sous les coups du public déchaîné, les chars défilent, Vittel clôt la marche en arrosant les spectateurs. "Ça fait du bien, mais j'aurai aimé une bouteille d'eau", lâche Paul. Eh oui, la bière, ça assèche. Mais il faudra attendre :à une heure du premier passage des coureurs, pas question de quitter sa place.
Les chants de supporters de foot résonnent, on se chambre entre Guingampais et Rennais, mais aussi entre Normands et Bretons, au sujet de la paternité de David Gaudu notamment. Le coureur de la Groupama-FDJ est incontestablement le chouchou du public du Mûr, même si au jeu des pronostics, c'est Julian Alaphilippe qui est sur toutes les lèvres.
Les hélicoptères arrivent, ovationnés, et surtout annonciateurs du passage imminent des coureurs. Les haut-parleurs tiennent les spectateurs informés de la course, du moins ceux qui n'ont pas les yeux rivés sur leur téléphone. La foule acclame Mathieu van der Poel qui passe seul en tête lors de la première ascension. Puis de nouveau l'attente avant le second passage, décisif. On s'inquiète de voir Julian Alaphilippe aussi loin du Néerlandais, même si le bruit court que van der Poel a été repris.
La joie est de courte durée pour la foule bretonne, qui voit van der Poel attaquer de nouveau peu après la flamme rouge. La victoire est au bout. Pour la grande majorité des spectateurs, cette étape valait bien le coup de passer à côté des élections régionales : "Si on voulait une bonne place, il fallait arriver tôt. Donc avant la course, c'était trop tôt, et après ce sera trop tard", glissait Valentin dans une excuse reprise par beaucoup.
La course finie, le temps des embouteillages est venu dans la plus petite ville d'arrivée du Tour, qui vient toutefois de confirmer toute sa grandeur en terme d'ambiance et de suspense.
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