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Reportage Tour de France 2021 : dans la roue de Pogacar et Vingegaard, lors de l'essayage de leur combinaison de chrono

Depuis 2014, les porteurs des maillots distinctifs du Tour ont le droit à une combinaison sur-mesure ajustée la veille par les couturières, à leur hôtel.

Article rédigé par Adrien Hémard Dohain, franceinfo: sport - De notre envoyé spécial
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 7min
Ewa Samson procède aux dernières retouches sur la combinaison de Jonas Vingegaard (Jumbo-Visma) à la veille du contre-la-montre entre Libourne et Saint-Emilion. (Adrien Hémard / franceinfo:sport)

Le soleil commence à se coucher sur la région bordelaise, mais une lueur jaune réchauffe le Novotel de Mérignac où les vacanciers profitent de la piscine en ce début de soirée. Encore en tenue, Tadej Pogacar apparait au travers d’une porte coulissante d’un van UAE Emirates. Le Slovène a honoré le protocole à l’arrivée à Libourne, et presque fini sa journée. Comme chaque soir, il lui reste les soins puis le repas, avant de décrocher. Mais en cette veille de contre-la-montre, un autre rendez-vous s’ajoute à son agenda déjà dense : une séance d’essayage et de retouche de sa combinaison de chrono de maillot jaune.

Une "combi" tirée à quatre épingles

Pour l’occasion, et comme à chaque veille de contre-la-montre, les équipes du Coq Sportif, équipementier officiel du Tour, ont fait le déplacement exprès depuis Romilly-sur-Seine, dans l’Aube. "Notre chauffeur est parti ce matin avec les trois machines à coudre dans un camion, il a roulé 7 heures, nous on a pris un train tôt ce matin à Troyes", raconte Ewa Samson, responsable développement textile pour la marque française. A ses côtés, trois prototypistes et une modéliste. "On ne fait pas la haute couture, donc on n’est pas couturières", précise Christhine. Arrivée en milieu de journée à Mérignac, l’équipe attend patiemment dans une salle de restauration dégagée pour l’occasion.

Derrière l'une des machines à coudre, Christhine, prototypiste, attend l'arrivée de Tadej Pogacar. (Adrien Hémard / franceinfo:sport)

"On s’installe toujours à l’hôtel du maillot jaune, mais les quatre porteurs de maillot distinctif peuvent venir retoucher leur tenue", assure Ewa. Dans les faits, les maillots vert et à pois viennent rarement soigner ces détails avant un contre-la-montre. Les combinaisons types fournies leurs conviennent. Mais quand se joue le classement général, quelques centimètres peuvent faire toute la différence sur un contre-la-montre, surtout lorsque l’on sait le soin apporté aux combinaisons par les équipementiers de chaque équipe. Or, porter un maillot distinctif, c’est enfiler une combinaison que l’on ne connaît pas. D’où l’importance de ce rendez-vous.

"L’organisation du Tour nous ramène les combinaisons originales. Puis le coureur vient sur un home-trainer, on prend les mesures et surtout on échange avec lui pour effectuer les retouches nécessaires", abonde Ewa. Déjà en blanc lors du contre-la-montre entre Changé et Laval, mais aussi sur l’édition 2020 à la Planche des Belles Filles, Tadej Pogacar est maintenant un habitué. Pour Jonas Vingegaard, c'est une première. "On propose ce service depuis 2014 aux coureurs. On a vu passer Froome, Thomas, Bernal, Alaphilippe… C’était lui le plus drôle d’ailleurs", sourit Christhine, une des trois prototypistes du jour.

Au second plan, les bobines de fil prêtes à en découdre avec la combinaison sur mesure du maillot jaune. (AH)

Au total, elles sont cinq à travailler sur ces combinaisons le reste de l’année, au siège de la marque. "C’est un travail continu, qui ne s’arrête jamais, parce que l’innovation nécessite d’être toujours à l’affût. Des coureurs essayent nos tenues dans l’année, on les sollicite avec notre partenaire au Portugal", justifie Ewa, qui ne révèlera pas la matière utilisée. Secret de fabrication. A Mérignac, trois machines les ont suivies, avec chacune une fonction précise : coudre, rabattre, piquer.

Une fois les mesures prises, il faut compter entre 1h et 2h de travail minimum, par maillot. Les prototypistes en ont donc pour la soirée : "On ne mangera qu’après, on est là pour les coureurs. Parfois ils arrivent très tôt, parfois ils prennent leur temps, ils mangent et ne viennent qu’après. Froome venait toujours tard", raconte Christhine. Minutieux, le Britannique venait avec ses maillots jaunes normaux, qu’il faisait également retoucher.

Collection été 2021

Cette année, la nouveauté est la fermeture éclair, placée dans le dos pour épouser la colonne vertébrale, et non pas sur le ventre. "J’en ai parlé avec Bernard Thévenet, c’est pour éviter les bosses sur le ventre. Les coureurs apprécient", justifie Ewa. Il faut dire que la marque française met les petits plats dans les grands pour séduire les leaders du Tour, parfois sceptiques ou réticents à abandonner leur tenue habituelle. Mais ce n’est pas le cas de Tadej Pogacar, désormais rompu à l’exercice. Un peu trop peut-être. Attendu sur la terrasse de l’hôtel derrière un paravent, le maillot jaune ne redescendra pas de sa chambre, après un passage aussi éclair dans le hall qu’une de ses attaques.

L'arrivée de Tadej Pogacar à son hôtel de Mérignac. (Adrien Hémard / franceinfo:sport)

Après bientôt trois semaines de Tour, dont presque deux en jaune, le champion est fatigué. Surtout, il a déjà essayé et porté ladite combinaison lors du contre-la-montre entre Changé et Laval, en début de Tour. Ajoutez à cela sa large avance au classement général, et Pogacar décide de faire confiance aux prototypistes qui ont, par chance, gardé la tenue sur laquelle avaient été prises les mensurations du Slovène à Changé.

"Il était en blanc, cette fois en jaune, il n’y a que la couleur qui change", relativise Ewa, après le coup de chaud. Déçues ne pas avoir vu le champion, les prototypistes passent à l’action sur ce tissu difficile à travailler. "On a fait réviser et régler les machines hier, pour éviter tout incident", glisse Christhine. "C’est une grosse responsabilité. En plus de la pression, il faut être rapide parce qu’après, il y a le flocage à faire dans le dos".

Au chaud dans sa chambre, Tadej Pogacar récupérera son maillot pour dormir avec, s’il le souhaite. En attendant, son dauphin au classement général et du meilleur jeune, le porteur du maillot blanc Jonas Vingegaard (Jumbo-Visma), a son rendez-vous sur les coups de 21h, après avoir reconnu le parcours de l'étape. Pour la première fois, le Danois doit passer entre les mains des techniciennes pour revêtir un maillot distinctif dans un chrono, avec sa deuxième place au général à défendre samedi. 

La veille de prendre le départ du contre-la-montre entre Libourne et Saint-Emilion, Jonas Vingegaard se fait ajuster sa combinaison.  (Adrien Hémard / franceinfo:sport)

21h20, Jonas Vingegaard et son encadrement arrivent. Après avoir enfilé sa tenue, le Danois se met en position sur son vélo de contre-la-montre. La prise de mesure commence : elle ne durera qu'une poignée de minutes. Une dizaine de centimètres sur les bras, un surplus sous les aisselles, et une légère retouche en haut du dos : les petites mains du Coq Sportif ont encore du travail avant de livrer la combinaison du Danois.

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