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Tokyo 2020 - Sandie Clair : "Nous ne sommes pas des machines"

Après avoir disputé deux Jeux olympiques, Sandie Clair vient d'apprendre qu'elle ne participerait pas aux prochains JO de Tokyo (du 24 juillet au 9 août 2020). Dans un message diffusé sur les réseaux sociaux, la pistarde ne cachait pas son incompréhension devant une telle décision. La vice-championne du monde du 500 mètres en 2011 s'en explique dans un entretien qu'elle a bien voulu accorder à France tv sport.
Article rédigé par Romain Bonte
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié
Temps de lecture : 9min
 

Comment expliquez-vous la décision de la FFC d'arrêter la vitesse par équipe, sachant que vous êtes qualifiées pour le moment ?
Sandie Clair : "La fédération estime à 10% les chances de médailles et considère que ce n’est pas suffisant pour continuer cette épreuve. Simplement, je trouve ça regrettable car pour moi, notre équipe a un potentiel qui n’est pas exploité."

La course aux médailles est-elle la seule motivation qui a poussé la FFC à prendre cette décision ?
S. C. : "Je ne sais pas mais c'est le seul argument qui m’a été donné."

Comment vous a-t-on informée de cette décision ?
S. C. : "J’ai eu un entretien par Skype avec les entraîneurs nationaux pour, à la base, planifier la saison prochaine. C’est lors de cet entretien qu’ils m’ont fait savoir que les Elus ne voulaient plus de la vitesse par équipe dame et qu’ils s’étaient battus pour avoir une dernière chance pour faire un bon chrono lors des Jeux Européens. J’ai appris par la suite que cette décision avait été prise d’un commun accord entre la direction technique nationale et les entraîneurs nationaux."

La décision fait-elle suite à des contre-performances ?
S. C. : "Notre chrono des Jeux Européen n’a pas été à la hauteur de leur attentes. Il aurait fallu battre notre record de 3 dixièmes et sans préparation spécifique et sans la travailler réellement, cela s’annonçait compliqué… Lorsque j’ai vu notre temps s’afficher, j’ai compris que c’était fini.
A la fin des Jeux Européens, on m’a confirmé l’arrêt de la vitesse par équipe et dit qu’il y avait peut être un espoir sur le keirin, peut être dû à mes bons résultats sur de cette épreuve lors de cette compétition. Dix jours plus tard, la décision était prise, la fédération ne compterait pas sur moi pour le keirin non plus, donc pas de JO."

Vous y attendiez-vous ?
S. C. : "Je ne m’attendais pas à l’annonce lors de l'appel vidéo. Avec mon frère Cédric (aussi mon coach) on s’est même dit que c’était pas possible, ils ne pouvaient pas faire ça à un an des Jeux alors qu’on est dans les quotas ! Mais pour la suite oui, je m’y étais préparée, je savais que les Jeux Européens seraient certainement ma dernière course et je finis sur une bonne note en faisant de beaux résultats !"

Quelle a été votre réaction ?
S. C. : "Après le rendez-vous (en appel-vidéo), j’étais très en colère. J’ai eu beaucoup de mal à dormir jusqu’au jour J d’ailleurs. Depuis, je m’étais préparée à toutes éventualités et lors de l’annonce officielle de la fédération me disant qu’il n’y aurait pas de JO pour moi, j’ai assez bien géré la chose. De la déception forcément mais du soulagement aussi. Je n’étais plus dans le flou, je pouvais mettre en place des choses pour avancer. Le travail avec ma psy Meriem Salmi a beaucoup joué dans cette réaction positive."

Cela faisait combien de temps que vous vous entraîniez pour les JO ?
S. C. : Trois ans. Quand j’ai repris l’entraînement après Rio c’était pour aller jusqu’à Tokyo, sinon je ne serais certainement pas repartie."

Que représentent les JO pour vous ?
S. C. : "Même si je les ai déjà faits deux fois, ça reste un rêve ! Un rêve que l'on veut réaliser tous les quatre ans ! Chaque Jeux Olympiques sont différents et ça reste quelque chose de magique, que l'on a envie de revivre à chaque fois !"

Pensez-vous que la Fédération ne laisse pas assez de chances à ses athlètes ?
S. C. : "Je pense surtout qu’elle est beaucoup focalisée sur Paris 2024 et en oublie parfois que Tokyo reste des JO."

Vous parlez dans votre message de "certaines personnes qui vous ont usé moralement", ce sont des personnes de la direction ?
S. C. : "Non pas du tout, d’ailleurs le DTN a toujours été disponible et honnête avec moi."

Quand vous vous dites "usée moralement" est-ce que l'on peut parler de harcèlement moral ? En quoi ça consistait ?
S. C. : "Je ne sais pas comment on peut le qualifier, mais c’était sous forme de “on te veut, on te veut plus, on te re-veut, puis en fait non”. Par exemple, on m’a demandé toute la saison de démarrer moins vite et ensuite on vient me le reprocher…"

Quels impacts ce contexte a-t-il eu sur vous ?
S. C. : "Cela fait trois ans que je ne suis pas sereine dans mes entraînements. Cela a commencé après Rio avec l’ancienne direction technique nationale qui m’a écartée du Pôle France avec interdiction de rouler sur la piste de Saint Quentin et vélo confisqué ! Après la mise en place de la nouvelle direction technique nationale, on est revenu me chercher pour la vitesse par équipe. Quelques mois plus tard, ultimatum ! Je le réussis, je me refais une santé moral et aujourd'hui on m’annonce qu’on ne veut plus de vitesse par équipe…"

Vous pensez- que c'était fait dans quel but ?
S. C. "
Je pense qu’ils veulent des athlètes performants et au meilleur niveau toute l’année mais nous ne sommes pas des machines… Je suis tout à fait d’accord avec le fait qu’il faut de la performance, les médailles ne se gagnent pas toutes seules mais j’ai du ma avec leur façon de gérer les choses."

Quel est votre quotidien aujourd'hui ?
S. C. : "Aujourd’hui, je prépare des tests d’entrée pour faire un BPJEPS afin de devenir coach sportif et finir de mettre en place mon projet qui est de faire du relooking et de la remise en forme. Je continue donc à faire du sport, je ne peux pas m’en passer de toute façon !"

Vous avez reçu de nombreux soutiens, est-ce que cela vous console un peu ?
S. C. : "Oui bien sûr ! C’est incroyable de voir tout le monde qui me soutient ! J’essaie de répondre à chacun car je suis très touchée par chaque message ! Dans un moment comme ça, il n’y a pas meilleur remède !"

Qu'en pensent les autres athlètes de cette situation ?
S. C. : "J’ai eu pas mal de messages d’autres athlètes, qu'ils soient français, étrangers ou même d’autres sports. Beaucoup ne comprennent pas la décision de la fédération et sont peinés pour moi que ça se finisse de cette façon."

Qu'est-ce qui va vous manquer le plus ?
S. C. : "Plein de choses je crois ! Les voyages, les amis étrangers, les sensations de vitesse, ce stress de compétition, l’adrénaline, la rage sur le départ, les émotions… un peu tout en fait !"

Avez-vous un message à adresser à la fédération ?
S. C. : "Comme je l’ai dit, il ne faut pas mettre tout le monde dans le même panier et même si j’en veux à certaines personnes, ce n’est pas toute la fédération mais une minorité ! La fédération m’a accompagnée durant près de 15 ans, fait voyager, fait vivre des expériences et des émotions incroyables ! Aujourd’hui elle m’accompagne dans mon projet de reconversion alors je la remercie pour tout ça."<

Avez-vous un message à adresser aux jeunes athlètes qui rêvent de disputer un jour les JO ?
S. C. : "Les JO sont vraiment quelque chose d’extraordinaire ! Croyez en vos rêves, travaillez dur pour ça, mettez tout en oeuvre pour y arriver et surtout prenez du plaisir car c’est le secret de la réussite !"

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