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Tour de France 2018 : Sky, une domination qui dure

Avec la victoire de Geraint Thomas sur ce Tour de France 2018, le Team Sky a glané une sixième Grande Boucle en sept ans. Une domination presque discontinue depuis 2012, marquée par trois vainqueurs différents, signe d'un réservoir et d'une puissance sans égaux dans le peloton. Pour les autres équipes, la question revient sans cesse : comment résister à la machine à gagner Sky ?
Article rédigé par franceinfo
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C'est un ogre insatiable. Un bulldozer qui ne laisse que des miettes à ses concurrents depuis 2012. Bradley Wiggins une fois (2012), Chris Froome quatre fois (2013, 2015, 2016 et 2017) et désormais Geraint Thomas. L'équipe Sky écrase le Tour de France depuis six ans. 

La seule éclaircie dans le ciel noir et bleu (les couleurs de Sky à l'époque) est intervenue en 2014, avec la victoire de Vincenzo Nibali. Mais que ce serait-il passé si Chris Froome, alors grand favori, n'avait pas chuté sur les pavés lors de la 5e étape ? Nul ne le sait.


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Toujours est-il que cette édition 2014 apparaît comme un simple accident de parcours dans la domination programmée des Sky. La victoire de Geraint Thomas quatre ans plus tard est là pour le confirmer. Chris Froome visiblement fatigué par son Giro (qu'il a remporté), le Team du manager Dave Brailsford avait tout imaginé : Geraint Thomas prendrait le relais.

Troisième du Tirreno-Adriatico et vainqueur du Critérium du Dauphiné juste avant le Tour, le Gallois n'a pas tremblé. Jamais vraiment inquiété, il a régné en maître sur ce Tour. Double vainqueur d'étape dans les Alpes, il a semblé aérien et facile face à ses concurrents.

Grâce à son talent et sa préparation, sans aucun doute. Mais pas seulement. L'équipe Sky est une véritable machine à tuer tout suspense : polyvalente, dévouée et hiérarchisée, elle a évanoui une à une toutes les velléités de rébellion. Rowe et Castroviejo sur la plaine, Kwiatkowski et Moscon sur les pavés, Poels et Bernal en montagne. Choisissez votre bourreau.

Un budget 3 fois supérieur à AG2R La Mondiale

Avec un budget proche des 35 M d'euros, alors que celui d'AG2R La mondiale avoisine les 12 M, le Team Sky recrute qui il souhaite à prix d'or, et chipe les futurs espoirs (Egan Bernal et Pavel Sivakov) sans difficulté.

"Ils ont un budget qui est au moins le double du deuxième plus gros budget du peloton. Tant que ce sera le cas, personne ne pourra jouer contre eux. C’est juste mathématique.", désespère Philippe Mauduit, directeur sportif chez UAE Emirates. "Quand tu peux te permettre d’acheter les meilleurs coureurs des équipes avec qui tu es en concurrence, et que ces leaders tu les fais rouler pour un leader unique, les autres équipes ne peuvent plus jouer. Les dés sont pipés d’entrée."

Essorés par le "train Sky" des coureurs à la bande noire, les autres équipes n'ont que peu de choix : s'accrocher pour perdre le moins de temps, ou placer une banderille et prendre le risque d'exploser. Questionnée sur la puissance de son équipe, le staff Sky a souvent eu la même réponse : les gains marginaux, qui permettent de faire la différence entre les meilleurs. Pas de quoi convaincre Philippe Mauduit.

"Là où Sky exagère, c’est quand ils nous font croire qu’ils font des choses exceptionnelles et différentes des autres, ce qui n’est pas le cas. On travaille peut-être même plus car on n’a pas les moyens d’avoir autant de personnel.", constate le directeur sportif.

Alors que faire ? Face à un public parfois hostile, une foule moins nombreuse et un suspense tout relatif, comment redonner du challenge à une course verrouillée par une seule équipe ? Le passage de 9 à 8 coureurs cette année allait en ce sens. Le changement n'a rien donné. 

AG2R La Mondiale, réduite à 5 après les abandons d'Axel Domont, Alexis Vuillermoz et Tony Gallopin, n'a pu que constater l'inamovibilité de la situation. "On est face au bloc le plus fort du monde. Cette année, ils avaient le bloc le plus fort depuis dix ans. Ils dégageaient une force collective et mentale comme j’en ai rarement vu. Les bousculer à 8 c’était compliqué alors à 5…", peste Julien Jurdie, directeur sportif de l'équipe française.

Enlever les oreillettes est une piste évoquée. Plafonner les salaires est une solution dépendante des décisions de l'UCI (Union Cycliste Internationale). Christian Prudhomme, patron du Tour de France, préconise lui de retirer les capteurs de puissance, souvent utilisés par les Sky, en course. "Ils sont fait pour l'entraînement et devraient être interdits en compétition. Ca pourrait peut-être changer des choses. Pour que le bluff puisse à nouveau exister."

Trop riche, trop puissante, la Sky sait qu'elle n'a pas gagné les cœurs, mais elle a bien gagné le Tour de France, une nouvelle fois. Et il faudra sans doute plus qu'un changement du nombre de coureurs pour empêcher l'ogre britannique de dominer à nouveau la Grande Boucle dans les prochaines années.

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