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Tour de France 2019 : Quels leaders tireront le plus de bénéfices des deux contre-la-montre ?

Si le tracé du Tour de France 2019 est probablement l'un des plus montagneux des dernières années, les favoris pour le classement général s'écharperont aussi sur un contre-la-montre par équipes et sur un chrono individuel. A coup sûr, des écarts seront créés entre eux et la victoire finale se jouera en partie sur ce terrain. Qui pourra contester la supériorité d'Ineos ? Quels leaders devraient perdre le moins de temps ? Pinot et Bardet réussiront-ils à rester dans l'équation ?
Article rédigé par Andréa La Perna
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié
Temps de lecture : 10min
 

Co-leaders du Team Ineos (ex-Sky), Geraint Thomas et Egan Bernal sont les deux favoris du Tour de France 2019. Au-delà de leur niveau individuel, ils sont au cœur d'une machine très bien calibrée, une machine qui a remporté les quatre dernières éditions de la Grande Boucle (6 des 7 dernières). Evidemment, sa toute puissance devrait être aperçue dans les cols. Mais la formation britannique est aussi la favorite de la deuxième étape, en l'occurrence le contre-la-montre par équipes de Bruxelles. Lors des deux dernières occurrences de cette épreuve, la Sky avait pris la deuxième place, derrière la BMC, qui n'existe plus - du moins, la CCC, qui a pris la suite, ne jouera vraisemblablement pas les premiers rôles dimanche.

Bernal et Thomas emmènent une armée

Sur le papier, Ineos fait peur. Il faut dire que Dave Brailsford a une armada de rouleurs à sa disposition. La densité est telle que Vasil Kiryenka, champion du monde du chrono 2015, est resté à la maison. Parmi les six équipiers qui entoureront Thomas et Bernal, Michal Kwiatkowski (4e des derniers Mondiaux, 3e des chronos du Pays-Basque et de Paris-Nice) fera figure d'équipier de luxe. Le quintuple champion d'Espagne de l'exercice Jonathan Castroviejo (et 6e des Mondiaux) est aussi présent. Ajoutez à cela, un Gianni Moscon capable de tout (6e des Mondiaux 2017), un Dylan van Baarle en progrès (champion des Pays-Bas et 5e sur un chrono de la Vuelta l'an passé) et Wout Poels en forme (vainqueur d'un chrono sur Paris-Nice en 2018). Luke Rowe, lui, n'a pas de vraies références, mais sa puissance de rouleur n'est plus à prouver.

Et comme ça ne suffit pas, les deux leaders sont également très à l'aise sur l'exercice chronométré. Geraint Thomas est même une référence. Le Gallois a remporté le contre-la-montre inaugural du Tour de France 2017 à Düsseldorf. L'année dernière, il était au même niveau que Chris Froome et Tom Dumoulin à Espelette. Et si son année 2019 a mal débuté, il n'a jamais fait pire qu'une 13e place sur ce type d'épreuve en quatre participations. Quant à Egan Bernal, il a très rapidement fait comprendre qu'il ne correspondait pas au stéréotype du pur grimpeur colombien. Vainqueur d'un chrono sur le Tour de Romandie l'an dernier (devant Primoz Roglic), il a récemment montré sur le Tour de Suisse qu'il pouvait limiter la casse face au champion du monde du contre-la-montre Rohan Dennis (seulement 17 secondes de concédées).

Qui pourra répondre à la puissance de frappe d'Ineos dans l'épreuve par équipes ?

Le contre-la-montre par équipes est un exercice spécial. Et cette année, la formation britannique n'a pas gagné au terme des deux joutes World Tour (5e sur Tirreno-Adriatico et 4e sur l'UAE Tour). Si l'effectif d'Ineos est sans conteste le mieux fourni, il n'y a pas de règne tyrannique sur ce type d'épreuve. Quatre équipes sont en mesure de jouer la gagne à Bruxelles dimanche, la Jumbo-Visma notamment. Déjà auréolée d'une victoire grâce à Mike Teunissen, la formation néerlandaise compte dans ses rangs Tony Martin, quadruple champion du monde et vainqueur de 48 chronos dans sa carrière. Son leader Steven Kruijswijk est à l'aise dans l'exercice solitaire, Wout van Aert a surpris en écrasant tout le monde à Roanne sur le Critérium du Dauphiné et le jeune Laurens de Plus s'est immiscé dans le Top 10 de ses deux derniers contre-la-montre en grand tour.

Quatre hommes forts, un maillot jaune à défendre, la Jumbo-Visma jouera le coup à fond, comme la Deceuninck-Quick Step de Julian Alaphilippe. Le maillot à pois du dernier Tour de France le répète depuis plusieurs jours : il rêve de porter le maillot jaune. Lui-même très bon dans l'exercice (quatre Top 7 cette saison), il pourra compter sur la valeur montante Kasper Asgreen (champion du Danemark, 2e et 5e sur les chronos du Tour de Suisse cette année) et sur l'expérience d'Yves Lampaert (vainqueur du dernier chrono en Suisse, quatre Top 6 cette saison). Le leader pour le classement général Enric Mas ne fera pas tache au milieu de ces trois hommes forts.

Joli quatuor aussi à la Bahrain-Merida. Reste à connaître les ambitions réelles de Vincenzo Nibali. Si l'équipe à la tunique rouge a du mal à être en symbiose sur le chrono par équipes (seulement 10e sur Tirreno-Adriatico), elle pourra compter sur la présence du champion du monde Rohan Dennis, de Jan Tratnik (vainqueur du prologue en Romandie) et du très régulier Dylan Teuns (dans le Top 20 de ses sept derniers chronos). Tombé dans la première étape, Damiano Caruso est normalement à l'aise sur ce type d'épreuve.

Et si le prétendant le plus sérieux n'était pas la Mitchelton-Scott ? Pour rappel, la formation australienne a remporté le contre-la-montre par équipes de Tirreno-Adriatico. Quatre des membres de l'équipe gagnante sont présents sur le Tour : Michael Hepburn, Luke Durbridge, Christopher Juul-Jensen et le leader Adam Yates. Ils seront accompagnés de Simon Yates, en progrès dans l'exercice solitaire, et du bon rouleur qu'est Daryl Impey. Derrière, les autres formations devraient chercher à limiter la casse. 

Les favoris du chrono par équipes (le temps est pris sur le 4e coureur) :

★★★★ Ineos
★★★ Mitchelton-Scott, Deceuninck-Quick Step, Jumbo Visma
★★ Bahrain-Merida, Education First
★ Astana, Bora-Hansgrohe, Trek-Segafredo, Sunweb

Quels leaders sont avantagés par les chronos ?

Comme à chaque édition, le contre-la-montre individuel va créer des écarts entre les favoris. Sur le tracé pas complètement plat de Pau (27.2km), les leaders les plus attendus seront Geraint Thomas et Egan Bernal. Comme expliqué plus haut, le premier est une référence et le second est en progrès constant dans l’exercice. Derrière, la hiérarchie est plus floue. Les différences devraient se faire à l’état de forme.

La 4e étape du Critérium du Dauphiné, à Roanne, fait figure de dernier baromètre. Steven Kruijswijk (Jumbo-Visma) avait établi la meilleure marque en terminant 4e, juste devant Emanuel Buchmann (5e, Bora-Hansgrohe) et Adam Yates (6e, Mitchelton-Scott). Ces trois-là ont rassuré. Derrière ce premier groupe, performances très correctes pour Jakob Fuglsang (9e, Jumbo-Visma), Richie Porte (11e, Trek-Segafredo) et Thibaut Pinot (12e, Groupama-FDJ). Plus loin, trois hommes ont moins rassuré ; parmi eux Nairo Quintana (18e, Movistar), Dan Martin (20e, Team Emirates) et Romain Bardet (27e, AG2R La Mondiale). Ces performances en retrait n’ont rien d’anormal puisque ces coureurs ne sont pas à l’aise en contre-la-montre.

Ils n’étaient pas présents sur le Dauphiné, mais Vincenzo Nibali (Bahrain-Merida) sait limiter la casse en chrono (reste à savoir s’il jouera le général sur le Tour) et même chose pour Rigoberto Uran (Education First) mais ses références commencent à dater. Attention à ne pas oublier Enric Mas (Deceuninck-Quick Step) dans l’équation. L’Espagnol a terminé sur le podium de la dernière Vuelta alors qu’il n’était pas attendu à un tel niveau. Il avait battu tous les leaders sur le chrono de Torrelavega, excepté Steven Kruijswijk.

★★★★ Thomas
★★★ Bernal, Kruijswijk, Fuglsang, Mas, Porte
★★ Buchmann, Zakarin, Pinot, Uran, A. Yates, Nibali
★ Quintana, Bardet, D. Martin

Qui s'en tirera le mieux : Pinot ou Bardet ?

Si les leaders français ne figurent jamais parmi les grands favoris sur les grands tours, c’est en grande partie lié à leurs performances sur l’exercice chronométré. Les deux chefs de file que sont Thibaut Pinot et Romain Bardet en sont les exemples criants. Lorsque Bardet termine troisième du Tour en 2017 à 2’20 de Chris Froome, il faut savoir qu’il avait perdu 2’34 sur le Britannique en deux contre-la-montre individuels (il avait aussi perdu 1’15 sur Uran).

Et les années se suivent et se ressemblent. Le grimpeur d’AG2R La Mondiale n’arrive pas à réduire l’écart le séparant des tout meilleurs. 22e et relégué à 1’56 de Tom Dumoulin sur le chrono d’Espelette l’an dernier, il n’a pas vraiment rassuré cette saison. A 28 ans, il plafonne, en témoignent ses deux sorties chronométrées en 2019. 28e sur Paris-Nice, il a cédé 22 secondes à un coureur comme Quintana (loin d’être un spécialiste) et une minute à Egan Bernal. Même chose sur le Dauphiné, il y a seulement un mois : une 27e place avec le plus mauvais temps des favoris, à plus d’une minute de Kruijswijk et Buchmann.

Le bilan est plus satisfaisant côté Thibaut Pinot. "Je sentais des douleurs dans la cuisse et dans le fessier droits, des retours veineux dans la jambe qui m'empêchaient de développer ma puissance (...) Il fallait changer quelque chose", expliquait le Franc-Comtois à L'Équipe en février. Un changement de posture à l’intersaison a montré quelques progrès. Sur le Dauphiné, il a signé une très correcte 12e place dans le temps de Richie Porte et battu tous ses futurs concurrents du Tour de France sur le chrono final de Tirreno-Adriatico. Avec le 21e temps, il avait devancé Jakob Fuglsang de 9 secondes et Adam Yates de 15 secondes. 

Avantage Pinot donc sur l’épreuve individuelle, si l’on prend en compte les résultats de la saison. Mais avantage Pinot également sur les confrontations directes. Le coureur de la Groupama-FDJ a terminé neuf fois devant Bardet en dix confrontations sur contre-la-montre individuel (prologues non compris). La seule fois où Pinot a terminé derrière, c'était sur un chrono en bosse du Tour de Romandie 2015. Toujours avantage au Franc-Comtois sur l’épreuve par équipes. Car si Romain Bardet a perdu son atout numéro 1, Pierre Latour, la Groupama-FDJ a recruté Stefan Küng, un des meilleurs rouleurs du peloton et spécialiste de l’exercice.

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