Tour de France 2021 : Mark Cavendish égale Eddy Merckx, la méthode Deceuninck-Quick Step décryptée
Mark Cavendish a égalé le nombre de victoires d’Eddy Merckx sur le Tour de France vendredi, notamment grâce à l'exceptionnel travail préparatoire des ses coéquipiers.
À l'arrivée à Valence mardi 6 juillet (11e étape), Wout van Aert, deuxième sur la ligne derrière Mark Cavendish, avait lancé cette phrase lucide, entre dépit et admiration : "J'étais là où tout le monde veut être sur ce Tour : dans le train de la Deceuninck-Quick Step." Lové dans la roue du Britannique jusque dans les derniers mètres, le Belge n'a pu que constater la supériorité du train (une file de coureurs qui emmène un sprinteur) de Deceuninck-Quick-Step.
Normalement dévouée à Sam Bennett, la formation belge a changé de satellite à mettre sur orbite pour cette édition, mais pas de méthode. Voici comment Mark Cavendish, auquel personne ne croyait au départ du Tour, est parvenu, grâce à son équipe, à égaler les 34 victoires d'Eddy Merckx sur le Tour de France après sa quatrième victoire sur cette Grande Boucle vendredi 9 juillet. Devant le natif de l'île de Man, le train de la Deceuninck-Quick Step compte quatre wagons, aux missions bien précises et très ordonnées.
Julian Alaphilippe : remonter le pack en tête de peloton
On peut être champion du monde et se mettre "à la planche" pour son sprinteur. Dans la stratégie de Deceuninck-Quick Step, Julian Alaphilippe est le premier étage de la fusée lorsqu'il est présent. Le Français a pour rôle de s'assurer que tous les wagons du train de la Deceuninck le suivent.
Une fois cela fait, il appuie sur l'accélérateur pour remonter le "Wolfpack" ("la meute", en anglais, surnom donné à l'équipe) en tête du peloton. S'il est absent, Mattia Cattaneo prend sa place, comme vendredi, alors qu'Alaphilippe avait beaucoup donné auparavant pour remplacer Tim Declercq, victime d'une chute.
Pourquoi lui et pas un autre ? Car Julian Alaphilippe est un acrobate du vélo, sans doute l'un des plus agiles du peloton actuel. Sa capacité à slalomer entre les coureurs, son habileté à rester sur le vélo et sa science de la course en font le coureur idéal pour ce travail préparatoire.
L'avis de Florian Sénéchal (coureur de Deceuninck-Quick Step) : "Julian va vite, même sur le plat. C’est l’un des plus grands coureurs au monde mais il se donne à fond pour les autres, c'est ce qui fait notre force."
Kasper Asgreen : maintenir le train en tête
Une fois Julian Alaphilippe écarté, c'est au tour de Kasper Asgreen de rentrer en scène lorsqu'il est présent. Le Danois a un rôle très simple et très compliqué à la fois : il doit maintenir le train en tête du peloton et empêcher quiconque de venir s'y insérer ou une autre équipe de le dépasser pour imposer son rythme. Un travail limpide dans son objectif mais difficile en pratique, car Asgreen doit maintenir une concentration maximale alliée à une puissance phénoménale, comme ce fut le cas vendredi.
Pourquoi lui et pas un autre ? Car il est le meilleur rouleur de cette équipe. Le Danois est triple champion national en titre du contre-la-montre et fait partie des meilleurs spécialistes au monde. Sa capacité à rouler fort, tout droit, pendant de longues minutes l'impose comme un candidat naturel à cette tâche.
L'avis de Florian Sénéchal : "Kasper, c’est un coureur très fort. Sur les classiques, il était le meilleur. C’est aussi un gros rouleur. Quand il se met à fond, tu sais que ça va aller très vite. Il est vraiment puissant."
Davide Ballerini : la clé de voûte
Sur ce Tour de France, il est l'élément le plus essentiel du dispositif. Si Davide Ballerini se rate, tout le train se désorganise à quelques centaines de mètres de l'arrivée. S'il remplit sa mission, alors Mark Cavendish aura toutes les chances de s'imposer.
Troisième étage des cinq de la fusée, Ballerini doit faire basculer en tête son équipe après les ultimes difficultés du parcours : un dernier virage, un rond-point dangereux ou un dos-d'âne traître. Puis, si tout se passe bien, il se lève de sa selle pour donner l'aspiration à Michael Morkov, comme il l'a parfaitement réalisé lors de la 10e étape. "Ballerini a fait un travail exceptionnel sur cette étape. Il a tenu une vitesse fantastique à 750 mètres de l'arrivée. Il a parfaitement manoeuvré les deux derniers virages et a pu réaccélérer dans la ligne droite finale", analyse Mark Renshaw, ancien poisson-pilote de Cavendish.
Pourquoi lui et pas un autre ? Car il est lui-même un sprinteur. Ballerini doit lancer son sprint pour donner de l'impulsion à Morkov et Cavendish. Il faut donc pour ce rôle une grosse capacité d'accélération.
L'avis de Florian Sénéchal : "Il est très rapide, il est capable d’avaler un kilomètre à une grande vitesse. Il peut aussi avoir un punch sur 100 mètres. C’est vraiment lui qui est la clé. Quand tu vois le travail que fait Ballerini, Morkov n’a presque plus grand chose à faire."
Michael Mørkøv : le maitre tacticien
C'est de lui dont dépend le temps que Mark Cavendish, 36 bougies au compteur, va sprinter. Si Michael Mørkøv peut aller au bout de son effort, alors le bolide de l'île de Man n'aura que 200 mètres à effectuer en tête de peloton pour lever les bras, comme à Valence ou à Carcassonne. Si Mørkøv doit s'écarter plus tôt, alors il oblige le trentenaire à prolonger son effort, et ouvre la porte à tous les concurrents, parfois plus rapides mais aussi plus esseulés. Son placement est aussi primordial : emmener Cavendish proche des barrières ne laisse par exemple qu'un côté libre pour le dépasser.
Pourquoi lui et pas un autre ? Parce qu'il est considéré comme le meilleur au monde dans ce rôle. Mark Cavendish a eu Mark Renshaw en poisson-pilote lors de ses années HTC-Columbia, il a désormais Michael Mørkøv. À 36 ans, le Danois, ancien bon sprinteur (une victoire sur le Vuelta en 2013), s'épanouit dans ce rôle. Sa deuxième place à Carcassonne vendredi sans vraiment sprinter parle d'elle-même.
L'avis de Florian Sénéchal : "Tactiquement, il ne fait jamais d’erreurs. Il se place très bien, il fait les bons mouvements. Au niveau de la stratégie, c’est le meilleur."
Mark Cavendish : Cav' is back
Une fois tout ce travail effectué, c'est au sprinteur maison de conclure, en l'occurrence Mark Cavendish sur ce Tour de France. Lorsqu'il est emmené sur un plateau, il lance son sprint en tête de peloton, avec l'aspiration de Morkov. Lancé à pleine vitesse, il est presque impossible de le remonter sur une distance aussi courte, soit 150-200 mètres. Et s'il doit se débrouiller seul, il fait parler sa ruse, comme lors de sa victoire à Châteauroux (6e étape). "Il a fait une très légère vague, juste pour empêcher Philipsen et Merlier de pédaler pendant une demi-seconde, c'était suffisant pour gagner. Il a fait parler son expérience", observe Mark Renshaw.
Pourquoi lui et pas un autre ? Parce qu'il est le meilleur sprinteur de l'histoire du Tour de France. Personne ne prenait au sérieux le Britannique pour viser une victoire d'étape au début du Tour, après plusieurs années passées loin des sommets. On aurait pu penser que la comparaison avec Sam Bennett, maillot vert et deux fois vainqueur l'année dernière sur la Grande Boucle, serait difficile. Venu remplacer l'Irlandais au dernier moment, il a déjà fait mieux en glanant quatre bouquets. Presque inimaginable à 36 ans passés.
L'avis de Florian Sénéchal : "Il m’a surpris. Je savais qu’il allait gagner des courses, mais de-là à être aussi écrasant sur le Tour, non. Il est au top de sa condition et il a repris confiance en lui, c’est incroyable."
More than a team, a family#TDF2021 pic.twitter.com/WNaZYn4Ezd
— Deceuninck-QuickStep (@deceuninck_qst) July 6, 2021
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