Tour de France 2021 : Vierzon-Le Creusot, le jour le plus long
Avec 249 kilomètres au menu, la 7e étape de vendredi est la plus longue depuis 21 ans. Et ce, à la veille de l’arrivée dans les Alpes. Tout un programme.
À l’heure de mobiliser les troupes vendredi 2 juillet au matin, à Vierzon, les directeurs sportifs ont dû trouver les mots justes. Et pas seulement à destination des coureurs, qui ne seront pas les seuls en première ligne pour ce D-Day attendu et préparé depuis plusieurs semaines par tous les corps de métier des équipes de ce Tour de France 2021.
Le front du jour s'étale sur 249 kilomètres, ce qui fait de cette 7e étape la plus longue depuis 21 ans et une virée de 254 km entre Belfort et Troyes. Avec 3 000 m de dénivelé (dont 2 000 dans les 100 derniers km), il s’agit aussi d’une des plus escarpées de cette édition, ce qui promet un combat de tous les instants, préparé minutieusement.
"Il y en a quelques uns qui vont râler ce matin, surtout que cette étape arrive après pas mal de baston. C’est un profil idéal pour déjouer les plans des grosses formations, ça va se jouer dans les têtes plus que sur les pédales."
Thomas Vœcklerà franceinfo
Commandant en chef de la Grande Boucle, Christian Prudhomme explique la stratégie : "Cette étape répond à celle d’hier (jeudi). On a fait en sorte de raccourcir les étapes dédiées aux sprinteurs, comme hier, et le lendemain de placer des étapes longues. Aujourd'hui, on a en plus un final très dur, type Liège-Bastogne-Liège". Ce plan, c’est Thierry Gouvenou, directeur technique du Tour, qui lui a donné vie en traçant cette étape comme on dessine une Classique, et en pensant aux puncheurs que sont Van Aert, Van der Poel ou Alaphilippe.
"On ne peut pas faire que du court. La distance fait partie du vélo, ça touche l’imaginaire des gens. Tout comme va le faire le Signal d’Uchon, qu’on montera pour la première fois, avec son dernier kilomètre aussi dur que le mur de Huy"
Thierry Gouvenouà franceinfo
T’as voulu boire Vierzon
Un tel programme ne sera pas sans conséquences. Pour le commandement du Tour, cela signifie plus de zones de collecte et plus d’heures passées en voiture. Pour les coureurs et pour ceux qui les entourent, cela nécessite de l'anticipation pour éviter la boucherie. "Il faut ménager sa monture, bien se préparer en terme d’hydratation, d’alimentation, parce que ça va taper dans les réserves. Il faudra bien manger dans les 100 premiers kilomètres et garder des pensées positives". C'est Thomas Vœckler, ex-baroudeur en chef, qui le dit.
Depuis des semaines, les équipes préparent donc ce rendez-vous particulier. "Avec les journées en montagne, elle fait partie des étapes qui ont tout de suite attiré notre attention, de part sa longueur et son placement en fin de première semaine, et à la veille des Alpes", confirme le médecin de l’équipe B&B Hotels p/b KTM, Samuel Maraffi. Car la première journée de repos, lundi après un week-end alpin, est encore loin.
"Cela fait des semaines qu’on axe la préparation physique, les soins pour ce genre d’enchaînement. C’est un travail de longue haleine, chaque jour tous les éléments de récupération sont optimisés. La récupération, c’est le plus important sur le Tour."
Samuel Maraffià franceinfo
L’élément central de la gestion de ce type de course, c’est la nutrition, personnalisée pour chaque coureur selon les habitudes et carences de chacun. Au départ de Vierzon, ce sera la meilleure arme des staffs techniques. "Le but est de préserver les réserves énergétiques pour la fin de course", glisse le diététicien d’Arkéa-Samsic, Corentin Cherhal.
Pour cela, plusieurs stratégies sont possibles. Corentin Cherhal a décidé de "refaire les réserves énergétiques dès le dîner d’hier avant d’apporter un maximum de féculents ce matin, en misant sur les glucides et lipides". Tout en surveillant l'hydratation.
Légumes de saison, riz, pâtes, viande : à la cantine vendredi matin, rien de nouveau. Dans les musettes, en revanche, on s’adapte parce qu'aujourd’hui, c’est surtout sur le vélo que les coureurs vont passer à table. "L’idéal, c’est de s’alimenter dès la première heure de course via les aliments solides, puis de passer aux boissons spécifiques riches en glucose. Il vaut mieux faire quatre repas toutes les 30 minutes plutôt qu’un gros", détaille Corentin Cherhal. Aux traditionnelles barres énergétiques, on ajoute pour l'occasion des sandwichs, des petites quiches, des pains au lait ou encore des rice cakes.
Deux mots d'ordre : ravitaillement et soins
Chez Arkéa-Samsic, c’est Sébastien Laroche, ancien coureur pro, qui est chargé de faire tenir tout ça dans les musettes et de gérer les différents points de ravitaillement. "Sur huit heures de courses, on va distribuer huit bidons à chacun de nos huit coureurs. On ne va pas chômer", prédit-il. Cela en fera donc dix dans la journée, puisque les coureurs en emportent deux au départ.
Accompagné de cinq autres assistants, Sébastien Laroche a tout préparé la veille au soir, avant de se pencher sur la carte précise de l’étape : "Le plus dur sur le Tour, c’est qu’on ne peut pas couper l'itinéraire où l'on veut. Il faut faire preuve de diplomatie avec les gendarmes et jouer des coudes sur les zones de ravitaillement. Je suis de Nevers, donc aujourd'hui, ça va, je connais bien le coin."
Ce qui n’est pas à sous-estimer, car entre Vierzon et le Creusot, les bidons seront tous sauf anecdotiques, précise l'ancien pro : "Manquer un bidon, ça peut te couper les jambes à ce niveau, quand tu as la gorge sèche. Sur une étape aussi longue, on a moins le droit à l’erreur". Au total, c’est près de douze ravitaillements que vont assurer Sébastien et ses troupes. "Il faudra jouer les Sébastien Loeb avec la carte dans une main, le volant dans l’autre, pour arriver à l’heure", se marre-t-il, avouant préparer cette étape depuis le départ du Tour. "C’est rare."
À leurs côtés, les mécaniciens vivront une journée plus tranquille, puisque les étapes les plus longues sont souvent les moins nerveuses. Le dernier défi sera de faire récupérer les coureurs au mieux, à la veille de l’arrivée dans les Alpes. "Paradoxalement, cette étape longue sera moins violente pour le corps que celle de demain, en montagne, avec un effort plus progressif. Mais après autant d’heures sur le vélo, on aura des tensions musculaires à travailler, notamment sur les lombaires et les cervicales", anticipe le kiné de la Groupama- FDJ, Olivier Le Verge.
Pour le reste, ça passera à nouveau par l’alimentation et la réhydratation afin de faire récupérer les troupes avant le débarquement dans les Alpes demain, où l’on verra peut-être une attaque de Pierre Rolland, qui résume : "Pour se remettre de cette journée, il faut bien se faire masser, se nourrir correctement pendant et après l’étape, et surtout bien dormir." Avec 250 km dans les jambes, le sommeil devrait être facile à trouver. Ce sera peut-être la nuit la plus longue aussi.
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