Tour de France : à l'instar de B&B Vital Concept, ces équipes invitées qui réussissent sur la Grande Boucle
Jeudi 17 septembre, 18e étape du Tour de France, l’équipe B&B Vital-Concept dicte le tempo en tête de peloton dans le Cornet de Roselend (19,3 km à 6%) pour réduire l’écart sur l’échappée afin d’y envoyer Pierre Rolland et Quentin Pacher. L’entreprise a échoué mais symbolise à merveille le Tour de l’équipe bretonne : audacieux.
Invitée dès le mois de janvier, tout comme Arkéa-Samsic, Total-Direct Energie et Cofidis, la jeune équipe - elle a été créée en 2018 - dirigée par Jérôme Pineau, s’est montrée tout au long des trois semaines de la Grande Boucle. Les chiffrent prouvent et confirment cette réussite. Avec onze top 10 sur les 20 étapes du Tour de France - avant celle sur les Champs-Elysées aujourd’hui, la B&B Vital Concept occupe tout simplement la quatrième place dans ce domaine, à égalité avec Bora-Hansgrohe, Ineos-Grenadiers, Mitchelton-Scott, Deceuninck-Quick Step et UAE Team Emirates. "Le nombre de top 10 donne un bon renseignement sur la capacité de cette équipe à tenir son rang, aussi bien au point de vue des sprints avec Bryan Coquard, mais aussi avec Pierre Rolland et Quentin Pacher", analyse notre consultant Yoann Offredo.
Bryan Coquard (6 fois), Quentin Pacher (3) et Pierre Rolland (2) ont cumulé à eux trois l’ensemble des top 10 de l’équipe B&B Vital Concept. Mais au bout de ce Tour très réussi, il restera le seul regret de ne pas avoir décroché de victoire. Pierre Rolland n’était pas loin à Sarran lors de la 12e étape en terminant deuxième, devant son coéquipier Quentin Pacher, quatrième ce jour-là. Coquard non plus, en prenant la quatrième place au sprint massif de Poitiers (11e étape). "On échangerait bien quatre, cinq top 10 contre une victoire, assure Jérôme Pineau, manager général de l’équipe morbihannaise. On a tourné autour ces derniers jours."
Pour Total-Direct Energie, ce n'est pas la même histoire
Réussir sur le Tour de France lorsqu’on est une équipe de deuxième division, obligatoirement invitée, donc, pour participer à la Grande Boucle, n’est pas chose aisée. Preuve en est sur cette édition 2020, l’équipe vendéenne Total-Direct Energie est passée complètement à côté avec seulement deux top 10 à son actif et même assez peu de présence dans les échappées depuis l’abandon de Lilian Calmejane à la 8e étape et l’arrivée hors délai de Jérôme Cousin sur la 16e étape.
Mais quelle est donc la recette pour réussir un Tour de France pour une petite équipe invitée ? Yoann Offredo, membre de l’équipe belge Wanty-Gobert sur les trois dernières éditions de la Grande Boucle, donne d’entrée quelques clés : "La recette, c’est de savoir pourquoi on est là et d’où on vient. On est invité sur l’événement cycliste le plus médiatisé, les yeux sont rivés sur nous. La motivation est décuplée, on a surtout envie de légitimer cette invitation." Dans son ancienne équipe, Yoann Offredo et ses coéquipiers avaient d’ailleurs parfaitement répondu aux attentes en multipliant, eux aussi, les places d’honneur en 2018 avec quatorze top 10, le record pour une équipe invitée sur les cinq dernières années.
Surtout, les petites équipes se sont hissées à un niveau supérieur par rapport aux années précédentes. Terminé les échappées publicitaires, les titulaires de wild-card jouent (presque) dans la cour des grands, que ce soit au sprint ou au général. "C’est ce qu’on avait clairement affiché comme ambition, de ne surtout pas faire d’échappées publicitaires, affirme Jérôme Pineau. On n’a pas été là pour faire de la figuration mais pour être acteur de la course."
Au classement général, les équipes invitées arrivent désormais à intégrer les quinze, voire les dix premiers du classement général. Une belle performance étant donnée les moyens limités face aux cadors. "Le budget ne permet pas une préparation similaire aux équipes supérieures", explique Yoann Offredo. Mais les exemples, de l’année dernière notamment, sont rafraîchissants : Guillaume Martin (ex-Wanty-Gobert, 12e) et Warren Barguil (Arkéa-Samsic, 10e) en tête.
Coquard avec les costauds
Dans les sprints massifs aussi, les plus petites équipes arrivent à se mêler à la lutte à l’instar d’un Bryan Coquard loin d’être ridicule dans l’exercice sur ce Tour de France 2020 ou d’un Andrea Pasqualon en 2018 avec Wanty-Gobert. Au contraire, par exemple, du sprinteur attitré de Total-Direct Energie Niccolo Bonifazio, une triste 15e place comme meilleur résultat. Bryan Coquard pointe d’ailleurs à une belle quatrième place au classement par points derrière les trois intouchables Sam Bennett (Deceunick-Quick Step), Peter Sagan (Bora-Hasngrohe) et Matteo Trentin (CCC) mais devant la vedette Caleb Ewan (Lotto-Soudal). Un classement dans la course au maillot vert d’autant plus honorable que le vendéen traîne une gêne importante au genou depuis sa chute lors de la septième étape.
La lutte aux maillots distinctifs représente d’ailleurs une autre occasion idéale pour les équipes invitées de se montrer. "Tous les maillots distinctifs, tous les accessits qui soient permettent d’avoir une exposition", atteste Yoann Offredo. "Cela permet de rester dans la course tout le temps pour être en haut des classements", enchaîne Jérôme Pineau. A ce jeu, en plus de Coquard pour le maillot vert, Pierre Rolland s’est mêlé à la bataille pour le maillot à pois avant que les points doublés au sommet du Col de la Loze (21,4 km à 7,7%) ne consacrent Tadej Pogacar, puis Richard Carapaz depuis.
De plus, se placer dans les classement distinctifs permet inévitablement de cumuler des primes pas forcément inutiles dans des équipes au budget limité. "C’est une chose à prendre en compte, des budgets d’équipe peuvent être parfois moins importants que d’autres formations", admet Yoann Offredo. Mais c’est aussi une façon de jauger si l’équipe est sortie du lot sur son Tour de France. Yoann Offredo raconte : "Chez Wanty-Gobert, on partait du principe qu’il ne fallait pas figurer après le milieu du tableau dans le classement des primes. Pas forcément pour l’argent, mais ça voulait dire qu’on n’avait pas été acteur du Tour de France." De son côté, Jérôme Pineau, le manager général de B&B Vital Concept assure ne pas y prêter attention. "C’est une belle récompense pour le staff et l’équipe mais pas une motivation."
Les Champs comme triomphe final ?
Difficile d’expliquer le Tour de France de B&B Vital Concept par ce seul spectre, mais tous les observateurs s’accordent à dire que l’équipe bretonne a montré "une vraie identité" (Yoann Offredo). "J’ai retrouvé un groupe avec qui je prends énormément de plaisir", déclarait Pierre Rolland, vendredi, à l’issue de la 19e étape. "Cette équipe a une âme, c’est une bande de copains, une vraie famille, reprend notre consultant Yoann Offredo. Cela permet de se décupler, à l’image de Jans Debuscschere." Le belge était arrivé hors-délai au Col de la Loze pour éviter l’élimination à Bryan Coquard. Puisque le sprinteur vendéen reste la meilleure chance de B&B Vital Concept sur les Champs-Elysées cet après-midi pour décrocher la première victoire de son équipe sur le Tour 2020. "C’est le but de ce qu’on a fait hier (mercredi) pour sacrifier Jans (Debusschere), aller jusqu’à Paris pour un sprint victorieux sur les Champs, avoue Jérôme Pineau. Quand un sprinteur retrouve le paradis des sprinteurs, il retrouve toujours de la vivacité." Voir Le Coq lever les bras sur la plus belle avenue du monde transformerait définitivement le bon Tour de France de l’équipe bretonne en un Tour exceptionnel.
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