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Tour de France : À quoi sert le chlorure de sodium retrouvé dans le cadre de l'enquête pour suspicion de dopage chez Arkéa-Samsic

Selon nos informations, du chlorure de sodium aurait été retrouvé dans certaines affaires personnelles dans le cadre de la perquisition menée contre "une partie" de l'équipe Arkéa-Samsic. Si le chlorure de sodium n'est pas un produit dopant, quelle est donc son utilité ?
Article rédigé par Vincent Daheron
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié
Temps de lecture : 3 min
  (JEAN-FRAN?OIS FREY / MAXPPP)

L'enquête ouverte par le parquet de Marseille pour suspicion de dopage à l'encontre d'une partie de l'équipe Arkéa-Samsic a jeté une ombre sur la fin du Tour de France 2020. Mercredi 16 septembre, une perquisition a eu lieu aux Allues (Savoie), près de Méribel, dans l'hôtel et certains véhicules de l'entourage proche de Nairo Quintana.

Selon nos informations, lors de cette perquisition, les gendarmes de l'Office centrale de lutte contre les atteintes à l'environnement et à la santé publique (OCLAESP) ont retrouvé du chlorure de sodium. Sa présence n'est évidemment en rien une preuve de dopage, puisque ce n'est pas un produit dopant. Il peut être utilisé en produit de récupération avec du glucose. Mais Samuel Maraffi, médecin de l'équipe B&B Vital Concept depuis deux ans, prévient : "Sa présence fait que la question se pose." Pourquoi ?

Le chlorure de sodium, un produit dopant ?

Le chlorure de sodium n'améliore pas les performances d'un sportif et ne figure pas, à ce titre, dans la liste des interdictions promulguée par l'Agence mondiale antidopage (AMA). Quelle est donc l'utilité d'un tel produit si celui-ci n'améliore pas les performances sportives ?

"Des réponses simplistes seront données par les intéressés, pour nettoyer les plaies, les yeux, des indications médicales de base quand c'est sous forme de sérum physiologique", explique Roger Rua, ancien médecin du sport. Mais la présence de chlorure de sodium en poches avec du matériel d'injection n'a pas la même utilisation. "On peut l’utiliser en perfusion pour faire passer d’autres produits, on peut mettre ça avec des tas de choses", ajoute Roger Rua. Derrière l'expression "faire passer d'autres produits", entendez que certains produits, par exemple lors d'une perfusion à l'hôpital pour un patient lambda, nécessitent d'être dilués avant leur injection dans le sang.

Le chlorure de sodium dilue le sang

Samuel Maraffi, de l'équipe B&B Vital Concept, confirme : "Le chlorure de sodium a plein d’utilités mais il existe une suspicion envers deux choses : il peut servir soit à passer des médicaments, soit à diluer le sang pour masquer quelque chose." "Certains peuvent utiliser des poches de sérum physiologiques pour des diurèses rapides donc pour masquer des produits dopants", insiste Roger Rua. Le diurèse, c'est-à-dire la production d'urine, est ainsi accélérée pour permettre d'éliminer rapidement, par l'urine, les substances interdites.

Le chlorure de sodium permet ainsi de diluer le sang et donc de réduire le volume d'un produit ou d'un taux. Prenons l'exemple de l'hématocrite, c'est-à-dire le volume de globules rouges dans le sang. L'hématocrite est une donnée importante pour les sportifs puisque les globules rouges sont chargés de transporter l'oxygène dans le sang. Plus l'hématocrite est élevé, plus les performances sont intéressantes pour le sportif. Par exemple, l'érythropoïétine, plus connue sous le nom d'EPO, est une hormone dont le rôle principal est d'augmenter la production de globules rouges. Pour réguler l'hématocrite, l'UCI a défini un seuil au-dessus duquel un ou une cycliste ne peut participer à une compétition : 50% pour les hommes, 47% pour les femmes.

L'objectif du chlorure de sodium : réduire l'hématocrite ?

La prise de chlorure de sodium pourrait donc avoir comme objectif de diminuer l'hématocrite pour se situer en-dessous du taux maximal autorisé. "Une perfusion fait chuter l’hématocrite", analyse Samuel Maraffi. "Si l’hématocrite redescend, on se doute moins d’une pratique dopante", complète Roger Rua. Samuel Maraffi vulgarise le phénomène de dilution au chlorure de sodium : "Quand on vous perfuse du chlorure de sodium, on dilue le sang. L’hématocrite est une concentration, si on augmente le volume sanguin, la concentration diminue." Limpide.

La dernière interrogation concernant les poches de chlorure de sodium et le matériel d'injection retrouvés réside dans la méthode. Sur le site de l'Agence mondiale antidopage (AMA), les produits diurétiques et masquants sont d'ailleurs interdits en permanence, soit en compétition mais aussi en dehors, tout comme "les perfusions intraveineuses et/ou injections d’un total de plus de 100 ml par période de 12 heures, sauf celles reçues légitimement dans le cadre de traitements hospitaliers, de procédures chirurgicales ou lors d’examens diagnostiques cliniques."

Le règlement médical de l'UCI est encore plus spécifique. Il interdit "l'injection de toute substance sur une partie quelconque du corps d'un coureur"  sauf si celle-ci "est justifiée d’après les meilleures pratiques médicales professionnelles (...) après l'examen d'un médecin agréé." De plus, l'injection nécessite obligatoirement d'être "signalée immédiatement, et par écrit dans les 24 heures, au médecin de l'UCI".

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