Tour de France : Avant les coureurs, la caravane continue de chauffer les foules
« Désolé maîtresse, y’avait Tour de France ». Le mot d’absence fera partie des collectors du cahier de correspondance, peut-être même de toute la scolarité. Dans la mémoire collective, le Tour est un jour de vacances. Alors quand il tombe en septembre, c’est un jour à faire l’école buissonnière, surtout quand la Grande Boucle déroule son tapis de jeu sur le toboggan du Limousin. Dans la mémoire des enfants, ce jour en classe transplantée au bord de la route du Tour restera certainement gravé à jamais. Entre Chauvigny et Sarran, de nombreuses écoles de village avaient de toute façon donné un bon de sortie aux élèves et enseignants pour saluer le passage de la caravane puis des coureurs.
Que deux Limousines dans le monde
En 2013, 47 % des spectateurs affirmaient venir sur le Tour pour la caravane publicitaire. Cette kermesse d’avant course, une institution du Tour depuis 1930, et largement décriée ces dernières années pour son orgie de goodies et son abondance de véhicules, pourrait ressembler à un critérium cycliste. Ça tourne les roues, ça frotte gentiment, ça rigole, et à la fin c’est toujours le maillot jaune qui passe la ligne en premier. Bien calé au milieu du peloton des 110 véhicules de la caravane, mon carrosse : une 2cv construite en seulement deux exemplaires par Citroën, la fameuse « Limousine » de Cochonou. L’idylle commence généralement sur un parking, un lieu pas très glamour pour un premier rendez-vous, où la caravane prépare son roadtrip. Mais la « chouchoute » du public a des atouts incontournables pour rendre une journée à son bord inoubliable… Et ça n’a rien à voir avec le port d’un bob vichy.
Sous les gestes assurés de Damien Conseil, 16 Tours au compteur, la « Limo » prend son envol environ deux heures avant le départ de l’étape. Le timing est serré pour tous les caravaniers alors il vaut mieux prendre ses précautions, d’autant qu’une seule pause est autorisée sur le parcours. Dans la « Deuche », tout est d’origine, les options des années 70 et la bonne humeur. Et puis 218 km à boucler, ça laisse le temps de sympathiser avec Damien et son acolyte Camille, le responsable digital, et de se faire aux moeurs de la caravane. Harnaché comme les hôtesses des deux berlines, j’ai tout loisir de distribuer les paquets de saucisson, au sol bien entendu et seulement sur les bas-côtés. Et dans les zones "natura 2000" (site naturel protégé), on rentre les bobs et les saucissons. « Les gens ne sont pas au courant qu’on ne jette rien et sont parfois un peu agressifs », me prévient Camille.
Derrière son volant, le pilote en a vu défiler des kilomètres. Sur un Tour, ça monte à plus de 7000. Covid-19 oblige, ce cru 2020 est forcément différent. « Il y a moins de monde, note Damien, mais le succès du Tour ne se dément pas. 90 % du public est français. On sent que ça fait du bien aux gens de passer ce moment-là. » Entre Chauvigny et Sarran, on en a vu d’autres des Limousines, tranquillement posées dans les prairies, sourdes au barnum de la Grande Boucle où jadis ont officié Joséphine Baker, Yvette Horner, Annie Cordy, Tino Rossi et même Charles Trenet. Les stars d'aujourd'hui, ce sont les voitures, pas encore décarbonées, et leurs millions de « goodies ».
Bloqué dans le Suc-au-May
Dans cette journée boîte à souvenirs, le Tour a honoré Raymond Poulidor, décédé en novembre dernier, en passant à Saint-Léonard-de-Noblat, son village de toujours. Un hommage des siens et des suiveurs dont certains arboraient une plaque minéralogique « Merci Poupou ». Qu’il aurait aimé cette étape casse-pattes et son Suc-au-May. Mais revenons à nos saucissons et l’hystérie que continue de générer les offrandes de la caravane. « Au bord de la route, les gens perdent la raison », reconnait Damien qui en a vu se mettre à genoux pour obtenir les derniers bobs collectors. Sur la route, la côte d’amour ne faiblit pas et parfois ça peut servir. Embouteillage dans le Suc-au-May, les « Deudeuches » sont à l’arrêt complet. Dans une pente aussi raide, impossible de repartir sans une aide extérieure. Cette fois, c’est le public qui a donné de sa personne pour nous permettre de rentrer à bon port. Un juste retour des choses.
Lancez la conversation
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour commenter.