Tour de France : "Comme à l'entraînement sauf que ça va plus vite", la montée du Grand-Colombier au son des dérailleurs
Terminus Culoz. Pour les spectateurs de la 15e étape du Tour de France, le spectacle s’est arrêté à 15,8 km de l’arrivée au sommet du col du Grand-Colombier. Rideau baissé au panneau indiquant la sortie de la commune de l’Ain, rampe de lancement vers l’apothéose supposée de la deuxième semaine de course. Après cette frontière invisible, plus aucun spectateur n’était autorisé à se placer au bord de la route. Huis clos complet, comme dans le col de la Biche, l’avant-dernière difficulté de la journée. "On aurait bien aimé pousser un peu plus loin", explique Thierry, parmi les derniers spectateurs à apercevoir les coureurs aujourd’hui. A part quelques randonneurs plus malins que les autres aperçus ici ou là dans La Biche, les cols sont restés hermétiques. Les forces de l’ordre avait lancé la chasse aux spectateurs les plus téméraires depuis la veille. "Ici c’est l’Ain", pouvait-on lire sur des milliers de drapeaux distribués sur les routes. L’Ain oui mais sans les autres.
"On a l’impression d’être à l’entraînement sauf que ça va plus vite"
Frustrant pour les fans, ce huis clos l’était tout autant pour les coureurs de la Grande Boucle. Boostés une dernière fois dans Culoz, les acteurs ont plongé en une fraction de seconde dans le monde du quasi silence. A part le bruit des dérailleurs et les souffles courts, il n’y avait pas un son plus haut que l’autre dans le Grand-Colombier. "On avait l’impression d’être à l’entraînement sauf que ça va plus vite", racontait Kenny Elissonde, le grimpeur français de Trek-Segafredo. "C’est aussi dur", lâchait de son côté Cyril Gautier, "mais ça fait bizarre. C’est pas l’ambiance du Tour qu’on aime et qu’on aurait souhaité. Après les règles sanitaires aujourd'hui imposent que ça soit plus strict, on le comprend."
Parmi les plus frustrés de ne pas pouvoir s’appuyer sur le public, Pierre Rolland. Le grimpeur de B&B Hôtels - Vital Concept en aurait bien eu besoin en abordant le pied du Grand-Colombier avec une poignée de secondes d’avance sur le train des Jumbo-Visma. Ça n’aurait sûrement rien changé pour le Français mais le combat était trop déséquilibré sans ce surplus de motivation… "J’étais un peu déçu car il n’y avait pas de public dans le Grand-Colombier", regrettait-il après l’arrivée. "C’est comme ça. Heureusement, dans les autres cols il y avait du monde. Les gens m’ont encouragé et c’est ces moments-là que j’adore. "
Dans ces conditions sonores particulières, c’est à l’avant de la course que le manque est le plus palpable. "L’ascension peut paraître plus longue sans supporter. Quand tu es devant pour jouer la gagne, acteur de la course, tu es poussé par le public", explique Gautier. "Ça peut aider à aller plus loin dans l’effort. Après la course est la même." En revanche, l’effet est moindre si on aspire juste à relier la ligne d’arrivée dans les délais imposés par la direction de course. "Moi j’étais avec mes coéquipiers", raconte Julian Alaphilippe. "On a fait un tempo pour rallier l'arrivée donc ça n’a pas changé grand chose. A l’avant, pour ceux qui doivent repousser leurs limites, ça change la donne."
Le dernier kilomètre a ressemblé à celui d’hier sur le quai Jean Moulin à Lyon. Comme Soren Kragh Andersen, Tadej Pogacar a levé les bras devant… les assistants des équipes et quelques personnes accréditées alors que la grande explication avec Egan Bernal avait déjà eu lieu en catimini quelques kilomètres plus tôt. Sur le podium, les Slovènes Pogacar et Roglic avaient beau sourire et faire des saluts, ils faisaient face à un public fantôme. Un tour de passe-passe avec les fans. Un Tour de cache-cache qui continue avec le virus.
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