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Tour de France : Public éparpillé, journée en demi-teinte et vautours, la drôle d'ambiance du Port de Balès

Comme le peloton du Tour de France, le public du Port de Balès s'est retrouvé éparpillé sur le bord de la route. Retour sur une journée en demi-teinte avec les spectateurs du col pyrénéen.
Article rédigé par Xavier Richard
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 7min
Les spectateurs du Port de Balès sur le Tour de France, le 5 septembre 2020

Cette année, les ours du Port de Balès peuvent dormir tranquille. « Avant, chaque centimètre carré de montagne était pris, raconte Josette, habitante de Sarp, une commune voisine, sur son vélo électrique, le pique-nique dans le panier. Là on respire. C’est plus tranquille. » Depuis le 31 août, le col pyrénéen, le premier Hors Catégorie de ce 106e Tour de France, fait l’objet d’un arrêté préfectoral. Le stationnement y était interdit avant de voir sa circulation fermée près 24 heures avant le passage des coureurs. De nombreux camping-caristes ont dû remballer les tables et les glacières dans la nuit sous les ordres de la gendarmerie qui a déployé des moyens importants pour faire respecter les contraintes de la préfecture des Hautes-Pyrénées. 

Les révoltés du camping-car

Venu du bassin d’Arcachon avec sa femme, sa petite-fille et ses drapeaux de la caravane publicitaire, Alain a dû décamper à la surprise générale. « On était bien garé mais les gendarmes sont arrivés comme des gangsters avec le gyrophare. On vit quelque chose d’exceptionnel avec ce virus. Du coup on va rester en bas pour voir passer les coureurs. On est déjà prêt à partir pour retenter notre chance demain vers Laruns. » Même punition pour Claude, stationné à la sortie des Chalets Saint-Nérée. « On est arrivé il y a trois jours et on nous a fait redescendre, peste Claude. Il y a beaucoup de camping-caristes qui en ont marre. Ils sont à deux doigts de bloquer la route du Tour. »

Navette ou vélo, deux façons de monter au sommet du Port de Balès

A pied ou à vélo

Sur le parking de Mauléon-Barousse, face à la station essence, Alain se retrouve aux premières loges pour suivre le balais organisé des navettes qui acheminent les spectateurs au sommet de l’un des écorchés vifs des Pyrénées. Dès 8h00, les onze minibus de 9 personnes affrétés par le département ont fait le plein. Ils feront l’ascenseur toute la matinée. Dans la file des lève-tôt, Sébastien et Maryline font partie de la deuxième fournée. « On savait que la route était fermée alors on est venu ici pour prendre la navette, explique Sébastien qui a pris ses précautions pour ne pas rester en bas. On va essayer de monter un peu. On espère qu’il y aura du monde car au début du Tour, c’était triste. » 

Plein d’enthousiasme, les piétons les plus courageux se sont lancés dans l’ascension. C’était avant de tomber sur le 4e kilomètre et ses 10,1 % de moyenne. Cette barre fatidique a coupé les pattes des plus téméraires façon Jumbo-Visma en tête du peloton. Même à pied, le Port de Balès force le respect. Pour les cyclistes qui avaient choisi de monter à la force des jambes, la calvaire dure officiellement 11,7 kilomètres (7,7 % de moyenne) mais la montée démarre bien avant. Depuis l’aube, un flot ininterrompu de cyclos de tout âge s’est approprié le bitume. On les comprend. Une route de montagne fermée aux voitures, quel pied !

Chacun son rythme dans la montée du Port de Balès

Pas la folie des grands Tours

A 5 km du sommet, le père de Maxime Chevalier (B&B Hôtels-Vital Concept), plus jeune coureur du Tour 2020, stoppe son VTT électrique, souffle court et batterie dans le rouge. « Je suis mon fils depuis le départ de Nice. Comme je ne peux pas le voir à son hôtel ou aux bus, je me positionne sur le parcours avec un ami pour l’apercevoir. On repère le parcours la veille et je lui indique par SMS où on se trouvera. Je l’ai vu à chaque fois mais lui nous a ratés à deux reprises. » Avec ses derniers watts, il n’est pas certain d’être au rendez-vous au sommet du Port de Balès. En contrebas, il lui faudra crier fort pour détourner l’attention du fiston, la lucidité amoindrie par l’acide lactique.

Au sommet de ce premier « HC », ce n’est pas la folie des grands Tours. Sur le dernier kilomètre, les spectateurs forment bien une chaîne humaine mais avec quelques pignons en moins et sans cette densité qui donne l’impression de voir les coureurs fendre littéralement la foule. « C’est triste comme ambiance », regrette un groupe d’amis brivistes. « On est venu à pied depuis l’autre vallée et on pensait tomber sur du monde mais c’est pas la fête. Même la caravane est au ralenti. » Réduite d’une partie de sa flotte, elle aussi semblait avoir perdu une partie de sa magie. Les spectateurs ont toutefois pu repartir avec leur lot de goodies sans avoir bataillé avec le voisin. C’est déjà ça.

La caravane se sent seule dans le Port de Balès

Composé d’une très large majorité de cyclistes, vélo posé à flanc de montagne, le public a reçu une douche froide avant même l’arrivée des coureurs. Les vautours tournoyants au-dessus du Port de Balès n’annonçaient rien de bon. En bons rapaces, ils avaient la carcasse cabossée de Thibaut Pinot dans le viseur. Sans réseau téléphonique, la mauvaise nouvelle s’est propagée comme une trainée de poudre autour du seul poste radio disponible. Oreille collé au transistor au moment du craquage, Christophe, supporter du Franc-Comtois, avait déjà la larme à l’oeil et le nez dans le rosé sous le regard mi-amusé, mi-triste d’un groupe de Gersois déjantés.

Très élégants dans leur robe rose bonbon, ils auraient pu largement concourir au titre de miss cassoulet. Sérieux géomètre en dehors de la route du Tour, Olivier s’est senti investi d’une mission d’animateur. « On est venu mettre l’ambiance », rigole-t-il tout en espérant que sa femme ne le reconnaisse pas à la télé. Les caméras avaient beaucoup trop à faire aujourd’hui, à tous les échelons de la course, pour s’attarder au-dessus de nos têtes. Et même si la fête n’est pas aussi belle à cause du virus, les coureurs ne trichent pas. Qu’ils gagnent ou qu’ils perdent.

 

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