Tour des Flandres : Julian Alaphilippe a-t-il le profil pour s'imposer dès sa première participation ?
En s’attaquant aux Tour des Flandres, Julian Alaphilippe se lance un défi de taille. Un défi qu’on jugerait impossible pour le commun des coureurs. Mais ces dernières années nous ont appris que rien ne résistait longtemps aux volontés du récent champion du monde. Ce défi, pour lui le spécialiste des Ardennaises, c’est de venir s’imposer sur une Flandrienne, un monument du cyclisme pour sa première participation. Le challenge est à la hauteur du talent du bonhomme : immense. Voyez un peu, sur les 103 éditions du Ronde van Vlaanderen (« Tour des Flandres » en Flamand), 19 coureurs l’ont gagné pour leur première participation dont quatre seulement depuis 1949. Voyez encore, personne n’a levé les bras sur le Tour des Flandres pour sa première participation depuis René Martens, 38 ans plus tôt.
Une connaissance du terrain essentielle que n'a pas Alaphilippe
Si aussi peu de cyclistes ont réussi à s'imposer dès leur première inscription sur le Ronde, c’est que la connaissance du terrain est plus importante ici que n’importe où ailleurs. "C’est un inconvénient pour Julian Alaphilippe de ne jamais l’avoir couru parce que la connaissance du terrain permet de faire l’effort au bon moment", explique notre consultant Yoann Offredo. "Ces courses-là se jouent énormément au placement, notamment sur des secteurs clés." "Le Tour des Flandres est fait de toutes petites routes avec des virages à gauche, des virages à droite", complète Jacky Durand, dernier vainqueur français en 1992. "On peut être très vite déboussolés." Pour Julian Alaphilippe, la clé réside dans le placement à l’approche des nombreux monts escaladés le long des 243 kilomètres où les routes étroites et extrêmement raides peuvent créer des écarts rédhibitoires. "C'est la première fois que je vais courir le Ronde. C'est déjà assez difficile pour les coureurs qui l'ont couru cinq ou six fois, minimisait "Alaph" dans le journal belge Het Nieuwsblad. C'est impossible pour moi de dire si j'ai les qualités physiques pour briller dans le final."
Voir le post sur Instagram
A regarder les anciens vainqueurs du Tour des Flandres de plus près, une donnée semble compromettre d’emblée les chances d’Alaphilippe : son poids. Les spécialistes des Flandriennes se situent très souvent aux alentours de 75 kilos, voire un peu plus, alors que le Français pèse tout juste 60 kilos. La différence est énorme. Mais pourquoi le poids est-il si important sur les courses de pavés ? "La météo. Quand on fait 80 kilos et qu’on a des ressources, on subit moins le froid", élucide Yoann Offredo, huit Tour des Flandres au compteur avec une 14e place en 2017. "Les coureurs taillés dans la masse, très grands, ont forcément un seuil de résistance plus élevé qu’un coureur avec un gabarit plus sec, plus affûté." Moins à l’aise avec des conditions météos difficiles, au contraire des Flandriens ou des Danois comme Mads Pedersen (2e en 2018) ou son coéquipier chez Deceuninck - Quick Step Kasper Asgreen (2e en 2019) qui s’en délectent. Que Julian Alaphilippe se rassure, l’Institut royal météorologique de Belgique prévoit seulement quelques faibles pluies au-dessus d’Oudernaarde, ville d’arrivée.
"Il faut souvent jouer des coudes"
Mis à part la météo, la question du gabarit est surtout essentielle pour… le placement. Encore et toujours. "Ce qui peut être un inconvénient de ne pas avoir le gabarit de certains autres, c’est sur le fait de frotter", glisse Yoann Offredo. "Il faut souvent jouer des coudes, et si on n’est pas placés dans les dix, quinze premiers à l’approche de certains monts, on a course perdue." Le risque est de se retrouver bloqué derrière un coureur lent ou qui met pied à terre dans le mur qui se dresse devant lui, notamment dans le Paterberg (0,4 km à 10,8%) qui sera grimpé à deux reprises ou surtout dans le Koppenberg (0,5 km à 10,8%) et sa pente maximale à 22%, grimpé à une seule reprise. Une défaillance ou un mauvais placement à l’approche de ces monts, et les écarts sont irrémédiables.
Pas adepte du froid et de la pluie, pas le gabarit pour frotter, c’est alors déjà course perdue pour Julian Alaphilippe ? Pas si vite. Le Français a deux énormes atouts pour contrebalancer ce qui peut lui faire défaut dans le Tour des Flandres. "Julian (Alaphilippe) peut compenser son manque de corpulence par le fait qu’il a une équipe et parce qu’il a un maillot de champion du monde", analyse Yoann Offredo. Son équipe, d’abord, est tout simplement la meilleure du World Tour sur les classiques. Ses coéquipiers et son staff chez Deceuninck - Quick Step, Patrick Lefevere en tête, connaissent chaque recoin, chaque virage, chaque pavé de ce Ronde van Vlaanderen. "Avec Dries Devenyns, il trouve à ses côtés quelqu'un qui connaît parfaitement le parcours et qui est également en pleine forme", observe dans le Het Nieuwsblad Peter Van Petegem, double vainqueur en 1999 et 2003. Son autre coéquipier Yves Lampaert réside même aux abords du parcours. "Il y a plein de coureurs qui sont toujours de potentiels vainqueurs dans cette équipe", admire Yoann Offredo.
Le 6e dans l'histoire à gagner le Tour des Flandres avec le maillot irisé ?
Son maillot maintenant. Le drapeau arc-en-ciel pourrait ajouter de la pression. Pour Julian Alaphilippe il semble pourtant être sa meilleure chance pour ce dimanche, lui permettant même quelques « laisser-passer ». "Un maillot de champion du Monde, ça se respecte", insiste Yoann Offredo. "Le champion du monde, on ne vient pas le frotter, on ne joue pas des coudes avec lui. Il y a une sorte de code non écrit dans le peloton." Cumulé à son adresse sur un vélo issue de son expérience du cyclo-cross, le maillot irisé de Julian Alaphilippe représente finalement un sérieux atout. Nul doute qu’il rêve de rejoindre le groupe très fermé des vainqueurs du Tour des Flandres flanqués du maillot arc-en-ciel. Les noms sont iconiques : Louison Bobet (1955), Rik Van Looy (1962), Eddy Merckx (1975), Tom Boonen (2006) et Peter Sagan (2016).
"Il a largement les capacités de s’exprimer sur le Tour des Flandres", assure Yoann Offredo. Julian Alaphilippe a la caisse pour tenir les 243 kilomètres et pourra compter sur son punch, son explosivité sans pareille dans le peloton pour s’extirper dès que les pentes vont se raidir. "Julian (Alaphilippe) n’a pas de référence sur cette course mais sa référence, c’est sa forme du moment et il est dans une forme incroyable, la forme de sa vie", conclut plein d’espoir Yoann Offredo. "S'il vous plaît, ne faites pas de moi un favori", suppliait-il au Het Nieuwsblad. "Je veux bien courir, aider mon équipe et donner le maximum." Mais on connaît trop bien Alaphilippe pour savoir qu'il ne faut pas le croire naïvement. Quoi qu’il se passe dimanche, l’Auvergnat aura forcément une seconde chance de s’imposer sur le Ronde avec son maillot arc-en-ciel au mois d’avril. Cette fois-ci, la méconnaissance du parcours ne sera plus un inconvénient pour Julian Alaphilippe.
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.