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Ça s'est passé le 8 avril 2012 : Tom Boonen remporte son quatrième et dernier Paris-Roubaix

C’est une image devenue courante : celle d’un coureur belge, vêtu d’un maillot "Quick Step" franchissant seul la ligne d’arrivée du Vélodrome de Roubaix. Bien avant Philippe Gilbert en 2019, c’est son illustre compatriote Tom Boonen qui a popularisé cette scène. Et pour cause : le coureur flamand a remporté 4 Paris-Roubaix, et co-détient le record de victoires avec Roger De Vlaeminck. Sa dernière, c’était le 8 avril 2012. Et certainement la plus belle.
Article rédigé par Adrien Hémard Dohain
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié
Temps de lecture : 4 min
 

On ne devient pas "Monsieur Paris-Roubaix" par hasard. D’ailleurs, on ne dompte pas l’Enfer du Nord par hasard. Alors, le faire quatre fois, cela relève du prodige. Cet exploit, Tom Boonen est le seul à l’avoir fait, avec Roger De Vlæminck (entre 1972 et 1977). En quinze ans de carrière, le Belge a participé à quatorze Paris-Roubaix, terminé à douze reprises dans le top 10, dont 7 podiums pour 4 victoires. C'est bien connu : les chiffres ne mentent pas. Et ceux-ci sont plus que parlant. Sur les pavés du Nord, Tom Boonen était chez lui.

Risquer de perdre pour gagner

En ce 8 avril 2012, le coureur de la Quick-Step n’a plus rien a prouver. Déjà triple-vainqueur de Paris-Roubaix, il s’est offert son troisième Tour des Flandres la semaine précédente, continuant ainsi de garnir une salle de trophées déjà bien pleine (champion du monde 2005, maillot vert du Tour de France 2007, champion de Belgique 2009 et 2012…). Après ses deux suspensions pour contrôle positif à la cocaïne, Boonen, qui a confessé son alcoolisme, prend le départ de l’Enfer du Nord avec le couteau entre les dents : l’année passée il n’a, pour la seule fois de sa carrière, pas terminé la course, suite à un problème mécanique dans la trouée d’Arenberg.

Au départ de Compiègne, Tom Boonen est grandissime favori suite au forfait de Fabian Cancellara, victime d’une quadruple fracture de la clavicule droite. D’autant plus que le Belge sort de trois victoires au Grand Prix E3, à Gand Wevelgem puis sur le Tour des Flandres. Seuls les Italiens Ballan et Pozzato, ainsi que le Belge Devolder semblent en mesure de l’inquiéter. Mais Boonen connaît chaque pavé des 27 secteurs empruntés en 257,5 km. Le peloton s’élance. Une échappée se forme, avant d’être rattrapée après deux cents kilomètres. 

Rusé, Tom Boonen prépare son coup. Après avoir gagné deux fois Paris-Roubaix au sprint, et une troisième fois sur une attaque tardive, "Tornado Tom" innove. "Tout le monde attend le Carrefour de l’Arbre. La meilleure façon d’être battu, c’est d’être prévisible. Parfois tu dois risquer de perdre la course pour la gagner. Je pense que beaucoup de coureurs préfèrent perdre sans attaquer plutôt que d’attaquer et de se faire lâcher. Ce n’est pas ma conception du sport", se souviendra-t-il ensuite.

Une ode au cyclisme

Sa prise de risque ? Attaquer tôt. Très tôt. Boonen profite de la jonction avec l’échappée pour sortir du peloton, suivi par son coéquipier Niki Terpstra, Filippo Pozzato, Alessandro Ballan et Sébastien Turgot. Mais très vite, ces trois derniers stoppent leur effort, et laissent partir les deux Quick-Step. En quelques minutes, Terpstra jette l’éponge et voit son leader filer. Il reste 50 km à parcourir sur les pavés, le pari de Boonen paraît insensé. Quelques années après, il explique : "Quelquefois, tu as juste besoin d’avoir les couilles pour tenter quelque chose comme ça. (…) Je me sentais incroyablement fort ce jour-là. Inarrêtable. Je faisais ce que je voulais" .

Et ce jour-là, Boonen est bien inarrêtable. Au terme d’une échappée solitaire homérique, du rang de celles qui font la grandeur du cyclisme, il s’offre son quatrième Paris-Roubaix avec une minute et trente-neuf secondes d’avance. Il égale ainsi le record de De Vlæminck, daté de 1977. Mieux, Boonen devient le seul coureur à avoir réalisé le doublé Tour des Flandres - Paris-Roubaix deux fois, après celui de 2005. Encore mieux : il réalise le grand chelem des classiques flandriennes 2012, après avoir remporté le Grand Prix E3, Gand-Wevelgem et le Tour des flandres. Immense. "Tornado Tom" ne le sait pas encore, mais c’est sa dernière victoire dans l’Enfer du Nord.


Un dernier tour de piste ?


En 2016, il passe tout près d’un cinquième titre historique, qui en aurait fait le champion incontesté de Roubaix. Mais l’inconnu Mathew Hayman le coiffe au sprint, à la surprise générale. "On y croyait tous, on voulait qu’il ait ce titre", avoue François Doulcier, président des Amis de Paris Roubaix. Il poursuit : "On lui avait déjà préparé un trophée avec cinq pavés". Car s’il a su dompter l’Enfer du Nord, Boonen a aussi séduit ses amoureux : "Il a une côte d’amour incroyable. Peu ont été aussi appréciés sur Paris-Roubaix", assure François Doulcier. Il précise : "Au delà de ses victoires, c’est un coureur qui faisait vraiment la course. Il ne se cachait pas. Et il ne cachait pas non plus son amour de Paris-Roubaix".

Légende incontestée des pavés, le Flamand a pris sa retraite en 2017, après un dernier Paris-Roubaix, mais sans être sacré une cinquième fois. "Sur le trophée spécial qu’on avait préparé, on a remplacé la cinquième date par un cœur" sourit François Doulcier. Pourtant, ce Paris-Roubaix gagné le 8 avril 2012, n’est peut-être pas le dernier de Tom Boonen. Avant le report de l’édition 2020, il avait laissé entendre début mars, sur une radio bruxelloise, qu’il pourrait renfourcher son vélo pour un dernier Enfer du Nord. "C’est sa course. Il mérite ce record", implore François Doulcier. Alors, si ça s’est passé un 8 avril 2012, cela peut-il se reproduire un 11 avril 2021 ?

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