Julian Alaphilippe, le nouvel ogre
Chaque année cycliste a son ogre. Celui dont la vue du dossard sur la ligne de départ fait frémir les concurrents, et dont la seule présence suffit à en faire LE favori naturel à la victoire, peu importe le parcours. Peter Sagan l'était en 2016 (14 victoires), Chris Froome en 2017 (deux Grands Tours), Alejandro Valverde en 2018 (13 victoires).
En 2019, l'ogre est français. Il n'est ni sprinteur, ni grimpeur, ni même un simple puncheur tant sa panoplie s’agrandit mois après mois. En remportant Milan-San Remo samedi, Julian Alaphilippe a entériné un nouveau statut initié la saison dernière et consolidé depuis janvier : celui de meilleur coureur du monde. Et donc celui de nouvel ogre du circuit, insatiable de victoires - sept déjà cette saison - et dopé à l'adrénaline des fins de courses entre costauds.
Surtout, deux choses ont changé en 2019. L'impression visuelle d'abord. Elle est saisissante. On sait qu'Alaphilippe est fort, qu'il peut régler les meilleurs sur n'importe quel final en faux-plat voire carrément en montée grâce à la puissance de sa cuisse.
Mais que ce soit sur le Tour de Colombie, les Strade Bianche, Tirreno-Adriatico et donc la Classicissima, la sensation d'explosivité dégagée le rend désormais irrésistible. La manière dont il a déposé Simon Clarke dans le Poggio samedi est édifiante. Sa giclette pour calmer Jakob Fuglsang dans les rues de Sienne pour sa première participation aux Strade Bianche l'était tout autant.
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Intouchable en montée, surprenant sur le plat
A vrai dire, cela n'aurait rien de surprenant si cela arrivait sporadiquement lors de cette délicieuse période des classiques de printemps. Mais avec Alaphilippe, la méthode implacable se répète à chaque course cette année.
La deuxième chose tient plus à son profil. Classé comme un pur puncheur, adepte de montées abruptes comme le Mur de Huy servant à merveille sa résistance au lactique, Alaphilippe peut désormais s'imposer sur un autre terrain : le plat. Sa victoire sur la sixième étape de Tirreno-Adriatico a surpris le peloton.
Dévolu lanceur d'Elia Viviani, le Français voit l'Italien préférer la roue de Peter Sagan dans les rues de Jesi. Peu lui importe. A quelques centaines de mètres de l'arrivée, autant sprinter. Et personne ne va le rattraper : Sagan, Viviani, Cimolai, van Avermaet, tous sprinteurs, tous derrière.
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L'exception est en passe de devenir un attribut : sur la via Roma, il a fait main basse sur son premier Monument devant Kwiatkowski, Sagan, Trentin ou même Valverde, normalement supérieurs sur un sprint plat. Une nouvelle corde à une polyvalence qui s'était déjà enrichie d'un statut de baroudeur après son maillot à pois sur le dernier Tour de France. Et le signe d'un potentiel maximum encore loin d'être atteint.
Sur les Ardennaises, et forcément Liège-Bastogne-Liège - le Monument qu'il convoite le plus -, Alaphilippe sera désormais l'homme à battre, la roue à prendre, l'accélération à suivre. La pancarte dans son dos sera immense. Mais il a pourtant su la gérer avec brio jusqu'à présent. C'est aussi ça le propre des ogres : savoir continuer à gagner en étant le plus attendu.
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