Vers un cyclisme plus crédible ?
Ils partirent huit, ils arrivèrent le plus nombreux possibles. Et ils sont loin d'être venu à bout du dopage. Ecoeurées par la légèreté des certaines équipes du peloton, une poignée de formations a décidé en 2007 de créer une association respectant à la lettre le code éthique : AG2R Prévoyance, Agritubel, Bouygues Telecom, Cofidis, Crédit Agricole, Française des jeux, Gerolsteiner et T-Mobile (Rabobank a rejoint le mouvement plus tard, ndlr). Pendant cinq ans, le MPCC a essayé de convaincre en vain d'autres équipes et en a exclu une (Columbia) pour manquement à l'éthique. Depuis les révélations du système très sophistiqué de Lance Armstrong, septuple vainqueur déchu du Tour de France, le mouvement a pris un autre relief. Par ses règles et sa volonté, il tire le peloton vers le haut quand d'autres préfèrent les abîmes. "Le MPCC va quand même au-delà de ce que nous présentent les lois sportives ou les lois du pays, rappelle Vincent Lavenu, le manager d'AG2R-La Mondiale. Notre mouvement paraissait un peu anecdotique au début mais on se rend compte qu'on est pile dedans. Il faut absolument aller plus loin que ce que les règles nous proposent pour arrêter de s'autocensurer, pour s'entraider, pour ne pas engager de coureurs qui ont fauté pendant un certain nombre d'années. C'est une démarche volontariste de certains groupes. Et c'est en prenant ces mesures là qu'on pourra apporter notre pierre à l'édifice contre le dopage."
Prudhomme fait de la promo
Mercredi, l'association a reçu un soutien de poids avec le patron du Tour de France en personne. Lors de son introduction à la présentation de la 100e édition, Christian Prudhomme a venté la politique de fermeté des adhérents et prôné son extension à toutes les équipes professionnelles. "Ce que font les managers du MPCC nous va tout à fait, a-t-il indiqué. C'est clairement l'avenir. Les règles qu'ils s'imposent sont plus dures que les règles de l'UCI (Fédération internationale) mais aussi de l'AMA (Agence mondiale antidopage). La seule manière de changer la culture, c'est de s'appliquer des règles draconiennes." Ces règles n'ont pas de quoi faire sauter au plafond mais elles posent les bases d'un cyclisme serein et aussi clair que possible. Le MPCC obéit à trois grands principes. "Pour être crédible, on ne fait plus courir un coureur (ex : si un cycliste est malade et doit subir des infiltrations aux corticoïdes, il est mis en arrêt de travail pour quinze jours), on licencie tout coureur positif et on n'embauche pas de coureur suspendu pour dopage, détaille son président Roger Legeay, ancien manager du Crédit Agricole. On fait ça parce que c'est notre travail et ça n'a rien d'exceptionnel. On dit juste ce qu'on va faire et on le fait." Bizarrement, depuis un mois, le discours commence à passer au-delà de nos frontières et se faire entendre. "L'affaire Armstrong a un effet déclencheur, reprend Legeay. Elle a mis au jour un système pour passer derrière les contrôles, l'UCI, l'AMA." "Toutes les équipes n'y sont pas mais de plus en plus veulent nous rejoindre, constate Vincent Lavenu. La prise de conscience est forte."
Les managers dans le collimateur
Depuis mardi, le MPCC a connu une forte croissance. Ils sont désormais onze à rouler avec le même code éthique (Saur, Lotto-Belisol, NetApp, Orica Greenedge ont rejoint le mouvement). Réticente sur la crédibilité de l'association, la formation bretonne Sojasun a finalement pris sa cotisation. "On n'y était pas car le MPCC n'appliquait aucune sanction, explique le manager Stéphane Heulot. Garmin y était sans appliquer les règles de l'association (l'équipe avait recruté Thomas Dekker alors que celui-ci avait été suspendu pour dopage lourd pendant deux ans) et rien n'avait été fait contre cela. Je ne suis pas pour acheter un label. On a eu assez d'effets de manche dans le vélo. La parlotte, ça suffit. On a adhéré car le mot crédible a pris un autre relief dans le contexte actuel. L'écoute en face est meilleure mais on sera en veille permanente. Si un manquement existe dans le MPCC, Sojasun se retirera immédiatement et fera savoir pourquoi." Si tout le monde tire dans le même sens, il se pourrait que le peloton pratique la chasse aux sorcières. Selon Roger Legeay, les vrais coupables ne sont pas les cyclistes mais les managers des équipes. Eux seuls peuvent changer la donne. "Les managers ont une vraie responsabilité dans la lutte antidopage, assène-t-il. Dans chacune des dernières grosses affaires, Festina, Puerto, Padoue et Armstrong, derrière il y a un manager. C'est lui qui a le pouvoir de dire oui, d'embaucher Monsieur Armstrong, Monsieur Ferrari ou de ne pas les embaucher. Aujourd'hui, on a enfin le sentiment que les gros sont tombés. Il est temps de mettre en face les managers face à leurs responsabilités. S'ils le font, nous n'auront plus que de coureurs positifs de manière individuelle. Aujourd'hui, notre philosophie s'impose, la balle est dans leur camp."
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