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Vincent Lavenu, 20 ans de bonheur !

De Chazal à AG2R La Mondiale en passant par les années Casino, Vincent Lavenu a vécu deux décennies intenses. Pour nous, il revient sur les grandes heures de son équipe, son coureur fétiche et l'évolution du cyclisme.
Article rédigé par Xavier Richard
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 5min
 

Mes débuts : L'aventure Chazal

"Diriger des coureurs, j'y pensais depuis longtemps. Lors de mes deux premiers hivers en tant que professionnels (1985-1986), j'ai passé mes brevets d'Etat. Je partais tous les lundis matins à 4h00 pour Montry et je rentrais le vendredi soir un à 1h du matin. J'ai obtenu le BE1 et le BE2. J'avais déjà envie de manager à quelque niveau que ce soit. Après c'est la rencontre avec les hommes qui m'a permis de développer cette idée et surtout avec Alain Chazal. Un jour je suis allé le voir pour lui proposer de monter une équipe. Il m'a dit :"Ecoute, ce n'est pas fermé. Met ton projet sur un papier et on en parlera." Et il m'a suivi. L'aventure a commencé là. Il y a eu des hauts et des bas. Le contexte était toutefois plus facile par le passé. Aujourd'hui, avec la mondialisation du cyclisme, c'est plus difficile même si quelques structures comme La Pomme-Marseille osent se lancer. On s'est construit aussi dans ce modèle-là avec des ambitions modestes et une montée en puissance année après année. On est parti avec une équipe de jeunes et on a gravit les échelons. Aujourd'hui, on fait partie du World Tour."

Mon coureur : Jan Kirsipuu

"Il était le fil rouge de notre équipe. Il a intégré Chazal fin 1992 et a fait douze années de carrière chez nous. Il a remporté 124 victoires. J'étais assez attentif à ce qui se passait chez les amateurs et j'ai pu me rendre compte que ce garçon gagnait beaucoup de courses en Belgique. Nous cherchions des coureurs capables de briller sur les classiques et il l'était. Je suis rapidement entré en contact avec lui. Il a accepté de me suivre et surtout il m'est resté fidèle. C'est d'ailleurs lui qui a fait le lien entre les équipes. Et peut-être qu'à un moment donné s'il était parti l'équipe aurait périclité. Je lui dois beaucoup. C'était le premier balte chez les pros. A l'époque, ce n'était pas dans les mœurs du peloton de signer des coureurs de ces contrées. Quand Jan est arrivé, il était un peu regardé comme un animal bizarre mais rapidement il a su démontrer sa classe. Aujourd'hui, il est connu dans le monde entier. C'était important de créer une ouverture vers ces pays-là. Aujourd'hui on le fait avec un coureur iranien. On permet à un coureur asiatique d'intégrer une équipe World Tour. Le gamin n'est pas tout jeune (29 ans) mais il ouvre les yeux sur une autre dimension."

Ma course : le Dauphiné Libéré

"En vingt ans dans le peloton, on a connu beaucoup de joies. Les maillots jaunes, ce sont des temps forts exceptionnels. Mais je retiens surtout nos deux Dauphiné Libéré. L'équipe est basée à Chambéry. Moi-même quand j'étais gamin j'allais voir passer le Dauphiné. C'est une épreuve particulière pour nous. La première victoire de Vinokourov en 1999 a été un moment très fort pour nous. Celle de Moreau en 2007 aussi. Et puis n'oublions pas ces 12 étapes du Tour qui ont généré des émotions fortes. Mais les classer serait trop difficile."

Mon année : 1998

"Après Cazal, on est entré dans une autre dimension. Casino nous a permis de passer de petite équipe à grande équipe. Nous sommes devenus une des plus grandes équipes du monde avec de grands champions qui savaient gagner. Cette année là, Kirsipuu doit en claquer 19 (ndlr : 16 victoires en 1998 et 18 en 1999). Vinokourov en a gagné pas mal (6), Jacky Durand aussi (6) dont Paris-Tours. Il y avait de grosses cylindrées dans l'équipe. Au niveau sensation, c'était une année extraordinaire."

Mon sport : L'argent a tout changé

"C'est la vie qui change. Je regrette que, comme dans tous les sports, l'argent prend une part trop importante. On sait qu'il y a des budgets qui viennent de partout dans le monde. C'est une fatalité et il faut aussi s'adapter. J'ai la chance d'avoir un partenaire fidèle qui me suit, me soutient, m'encourage et me permet de rester au plus haut niveau. Je mesure chaque jour quelle chance on a dans un contexte économique extrêmement difficile. Le cyclisme a beaucoup évolué ces dernières années avec le ProTour puis maintenant le World Tour. En termes de sécurité pour les équipes c'est plus délicat. Nous n'avons plus la même visibilité à 3-4 ans. On se retrouve un peu démuni car chaque année c'est remis en cause. L'UCI cherche à faire évoluer le système avec les représentants des équipes. Mais la fédération internationale veut développer le cyclisme sur tous les continents alors que nous sommes plutôt défenseurs des valeurs et des traditions de la "vieille" Europe."

Mes 20 prochaines années : La retraite !

"La retraite (rires) ! Je souhaite perpétuer cette entreprise sportive de cinquante personnes après moi. En ce qui me concerne, je me donne encore quatre à six ans. C'est un beau métier mais c'est usant. J'ai une famille avec des enfants qui me réclament."

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