Vuelta : Un Sud-américain pour la passe de trois ?
L'année 2018 avait été marquée par une domination britannique sur les Grands Tours. Chris Froome (Sky) avait remporté le Giro, son coéquipier Geraint Thomas (Sky) le Tour de France et Simon Yates (Mitchelton-Scott) la Vuelta. Cette saison, le cyclisme sud-américain est à la fête. Si la Colombie y est pour beaucoup, la surprise Richard Carapaz (Movistar), vainqueur du dernier Tour d'Italie a rappelé à tous que le cyclisme en Amérique du Sud ne se résumait pas seulement à un pays. En juillet, le succès d'Egan Bernal (Ineos, ex-Sky) sur la Grande Boucle a définitivement marqué le retour du cyclisme sud-américain au premier plan.
Sur cette Vuelta, ils seront encore présents en nombre pour tenter d'accrocher le Graal et offrir un 3e sacre en Grand Tour, en un an, à l'Amérique du sud. Un cyclisme à la tête duquel se trouve la Colombie. Et avec le forfait de dernière minute de l’Équatorien Richard Carapaz, contraint de faire une croix sur le dernier Grand Tour de la saison après une chute lors d'un critérium cette semaine, les espoirs reposent désormais sur les Colombiens Miguel Angel Lopez (Astana), Rigoberto Uran (EF Education First), Nairo Quintana (Movistar) ou encore Esteban Chaves (Mitchelton-Scott), des coureurs qui incarnent au mieux cette génération qui explose depuis les années 2010.
Dans la roue de leurs aïeux
Mais voir des Colombiens gagner ne date pas d'hier, et leur réussite actuelle peut s'expliquer par l'empreinte laissée par leurs prédécesseurs. "Pour moi, voir des Colombiens jouer la gagne dans des grandes courses n’est pas une nouveauté. La génération colombienne des années 80 a découvert le haut niveau et le cyclisme en Europe. Ils ont été des modèles pour les générations suivantes, pour qui venir courir en Europe est un rêve et une consécration", nous confie Laurent Jalabert, consultant cyclisme pour France Télévisions.
Uran, Chaves, Quintana ou Lopez ont beau ne pas courir dans la même équipe, les colombiens sont liés par leur passé et leurs légendes. Héros aujourd'hui en son pays, Martin "Cochise" Rodriguez cycliste de 1963 à 1975 est le premier Colombien à avoir couru en Europe et à disputer le Tour de France et d'Italie. Lucho Herrera (meilleur grimpeur sur les trois Grands Tours et vainqueur de la Vuelta 87) et Fabio Parra (2 victoires d'étapes sur le Tour de France) dans les années 1980 ont été des précurseurs. Les "Escarabajos", comme on les surnomme, ont ensuite connu une traversée du désert. Certes il y a bien eu Santiago Botero (maillot à pois en 2000 et plusieurs fois contrôlé positif), mais le cyclisme Colombien connaît ses heures de gloire surtout depuis peu. "Aujourd'hui, les colombiens sont autre chose que de simples grimpeurs, le cyclisme a évolué. C'est un sport qui est devenu très populaire en Amérique du Sud. Les champions d'autrefois ont motivé les jeunes. Il n'y a pas de creux générationnels depuis quelques années, c'est un cyclisme très complet", poursuit Jalabert.
Un succès qui s'explique aussi par un engouement populaire qui les pousse vers le haut. On peut se rappeler les scènes de liesse au retour de Richard Carapaz en Equateur en juin après son Giro victorieux ou celles d'Egan Bernal après son succès sur la Grande Boucle qui concurrencent largement l'autre sport phare, le football. Pour Jalabert ancien vainqueur sur la Vuelta, "le cyclisme est un sport qui fait rêver. Gagner un Grand Tour semble inaccessible. L’engouement populaire est naturel, ce sont des pays de passionnés où il existe une réelle ferveur populaire. Les coureurs sont vus comme des héros. Gagner une grande course en Europe est une consécration. Je pense que l’éloignement géographique avec leur pays natal fait qu’ils ont envie de porter haut les couleurs du pays, et lorsqu'un des leurs est champion, ça ne rend pas les autres jaloux."
Colombia first
La preuve en est, ils sont aujourd'hui quelques-uns à étrenner un joli palmarès en Grand Tour et à pouvoir jouer la gagne sur cette Vuelta. Après le forfait surprise de Carapaz, Miguel Angel Lopez incarne, plus que jamais, la meilleure chance sud-américaine pour ce Tour d’Espagne. Le Colombien de 25 ans y a d'ailleurs signé ses premiers faits d'armes en 2017 pour sa deuxième participation avec deux victoires d'étape. En 2018, il accroche une 3e place au classement général quelques mois après avoir fini sur la même marche du podium sur le Giro. Sur cette Vuelta il s'avance en favori. "Lopez est un garçon en forme et un coureur complet. Il a selon moi toutes les qualités pour gagner un grand tour", nous rappelle Laurent Jalabert.
Après une frustrante 7e place sur le Tour d'Italie, "Superman" Lopez court toujours après la plus haute marche du podium en Grand Tour. "J'ai une grande opportunité et il s'agit de s'améliorer chaque jour. Espérons que ce sera une Vuelta grandiose", a commenté jeudi le petit grimpeur colombien. Et le voir revêtir le maillot rouge dans 3 semaines ne serait pas une surprise. Mais face aux Primoz Roglic (Jumbo-Visma), Steven Kruisjwijk (Jumbo-Visma), Alejandro Valverde (Movistar), Wout Poels (Ineos) et consorts, Lopez aura fort à faire.
Si Nairo Quintana est sans doute moins fringant que par le passé "quand il est devant ça reste un grand", rappelle l'ancien sélectionneur de l'Equipe de France. Son numéro pour aller s'imposer à Valloire en juillet sur le Tour le démontre. "La jeune génération pousse fort derrière, ça le pousse à se sublimer. Le premier à gagner le Tour ça devait être lui. Il reste très dangereux sur une épreuve de 3 semaines" poursuit Jalabert. Lopez, Quintana mais pas seulement. Cette fois encore Rigoberto Uran, à qui il manque encore un podium sur le Tour d'Espagne, et Esteban Chaves (3e en 2016) seront bien placés pour jouer les premiers rôles en montagne, avec, pourquoi pas, l’ambition de parachever le triomphe sud-américain en Grand Tour cette saison.
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