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"Dans 30 ans, 5 millions d'animaux marins risquent de mourir" à cause du plastique avertit Yvan Bourgnon, à la tête d'un projet de bateau écologique

Yvan Bourgnon, navigateur vainqueur de la Transat Jacques-Vabre en 1997, est désormais président de l'association "The Sea Cleaners". Il a dévoilé la nouvelle version de son futur bateau, le "Manta", avec lequel il veut lutter contre la pollution plastique dans les océans. Ce navire devrait être opérationnel en 2024.
Article rédigé par Coralie Salle
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié
Temps de lecture : 5min
Yvan Bourgnon

Pouvez-vous présenter votre navire, le "Manta" ? 
Yvan Bourgnon : "Le "Manta" est un bateau qui va collecter des déchets en mer de manière conséquente. Le projet est né en 2016 et pendant deux ans, nous nous sommes demandé s’il était faisable ou non. Au début, on voulait seulement récupérer les ordures et les rapporter sur la terre ferme, mais on a pensé qu'on pouvait faire mieux que ça. Du coup, l’idée de ramener nous-même nos déchets et de les transformer est arrivée. D'autre part, on veut que le bateau soit écologique. On travaille aussi au niveau de l’autonomie énergétique, pour que le navire consomme le minimum de gazole possible et compte une faible empreinte carbone. Aussi, comme la problématique du plastique des océans est assez récente, on décide de bosser avec des professionnels de la science. Sur ce bateau, il va y avoir huit à dix scientifiques à bord, présents 250 jours par an, pour effectuer leurs missions et analyser le plastique et la pollution. Ensuite, nous partagerons ces données avec les pays pollueurs et la communauté scientifique. Ce projet devrait être opérationnel en 2024."

Comment va fonctionner ce catamaran ? 
YB : "Pour commencer, le bateau mesure 56m de long et 26 de large. Deux tapis roulants vont descendre à un mètre de profondeur pour capter les déchets et les remonter par la suite. Des filets de surface sont aussi mis en place : ils ne vont pas plus loin qu'un mètre de profondeur et permettent aux poissons de ne pas rester prisonniers. Comme la vitesse du bateau ne dépasse pas les trois nœuds, les animaux marins peuvent s’échapper sans trop de difficultés. Deux grues sont présentes de chaque côté du navire, pour porter les gros filets. Les plastiques vont passer dans une pyrolyse, qui fonctionne 24 heures sur 24, pour transformer ces déchets en énergie."

A la base, le bateau devait mesurer 60m de long et 49 de large. Pourquoi avoir changé les dimensions ? 
YB : "Parce qu’on avait une contrainte de stockage. Au départ, on voulait emmagasiner 800 tonnes de plastique à bord du bateau. Et finalement, on a changé d’avis. Maintenant, nous avons une quantité de stockage plus mince, mais la capacité de collecte reste la même. En effet, grâce aux filets, on a une envergure de ramassage de 46m de large, donc on ne perd pas au change." 

On peut collecter 5 à 10 000 tonnes de déchets par an.

Vous espérez récupérer une à trois tonnes de déchets par heure, avec ce bateau. C’est ambitieux...
YB : "Oui, ce sont les chiffres qu’on annonce. On connaît bien les zones et on sait par exemple qu’il y a un morceau de plastique tous les 15m2. On peut collecter 5 à 10 000 tonnes de déchets par an. Si on déploie 300 à 400 bateaux comme le "Manta", on va faire disparaître un tiers de la pollution mondiale. En plus, et c’est une grande nouveauté, nous allons développer des petits bateaux, les "Mobulas". Ces derniers peuvent aller dans les ports et les rivières, où il y a souvent du gazole. Ils vont collecter des microparticules de plastique, qui mesurent jusqu’à 2 millimètres de taille. Ces navires peuvent être achetés par des pays qui ont des petits moyens, par exemple." 

Vous voulez implanter vos bateaux en Asie ou en Afrique. C’est donc un projet mondial ?
YB : "Oui. On veut aller dans le cœur du problème, parce qu’en Chine par exemple, il y a 600 000 tonnes de déchets qui partent dans les océans. C'est énorme ! On souhaite montrer à la population qu’on se décarcasse pour que la terre aille mieux. On espère aussi convaincre les pays riches d’aider ceux qui n’ont pas les moyens de lutter contre la pollution des océans, comme le Bangladesh par exemple. Le déchet plastique augmente de manière exponentielle donc il faut changer les choses."

Je trouve ça irresponsable de laisser faire sans proposer des solutions

Pourquoi avez-vous pris cette décision de créer ce bateau ? 
YB : "Parce que j’essaye de faire bouger les choses. La sensibilisation est très importante, mais il faut aussi répondre par des actes. Selon les estimations dans 30 ans, il va y avoir trois fois plus de plastique dans les océans et 5 millions d’animaux marins risquent de mourir. Je trouve ça irresponsable de laisser faire sans proposer des solutions. Donc je veux m’investir à mon niveau et je suis content parce qu’on a réussi à convaincre l’ONU de s’intéresser à la collecte en mer.

L’écologie est l’une des causes importantes de notre siècle. Comment allez-vous sensibiliser les gens pour qu’ils adhèrent à votre projet ? 
YB : "Déjà, la population a besoin de concret pour se sentir concernée. Elle en a marre des beaux discours. Quand nous allons auprès des gens et qu’on organise des collectes sur les plages, on voit que cette cause les touche et qu’ils y mettent du leur."

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