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Des Etats généraux en forme d'état d'urgence

Annoncé par Nicolas Sarkozy après le fiasco du Mondial en Afrique du Sud, les Etats Généraux du football se déroulent jeudi et vendredi à l'INSEP. Autour de trois thèmes (gouvernance, enjeux économiques, enjeux sociaux et sociétaux), la famille du football va tenter d'apporter des réponses à la crise. Entre violences dans les stades, crise économique, guerre intestine à la tête de la Fédération et recul du nombre de licenciés, le foot français est miné.
Article rédigé par Thierry Tazé-Bernard
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié
Temps de lecture : 4 min
Fernand Duchaussoy (BERTRAND GUAY / AFP)

En surface et en profondeur. Le football français rêve de se refaire une santé à tous les niveaux grâce aux Etats-Généraux. Décrété par le président de la République Nicolas Sarkozy suite à au fiasco tant sur le terrain que dans les coulisses de l'équipe de France en Coupe du monde, ce sommet de deux jours arrive au bon moment pour mettre de l'ordre. Et tenter d'apporter un élan supplémentaire à la campagne engagée depuis pour redorer l'image de l'équipe de France, des footballeurs et des instances.

Or, depuis plusieurs mois, les familles du football se déchirent, plus ou moins ouvertement. Point de départ des guerres intestines: le maintien de Raymond Domenech. Depuis l'échec des Bleus, tous les décideurs sont placés sur la sellette, au premier rang desquels la Fédération française, et sa capacité à ne pas se remettre en cause. Mais derrière se cache la volonté du monde professionnel de prendre la main sur des personnes issues du monde amateur. Le combat a toujours existé, notamment depuis la création de la Ligue de football professionnelle, mais le revers sud-africain et la vacance du pouvoir (Fernand Duchaussoy n'est que président intérimaire de la FFF après le départ de Jean-Pierre Escalettes) ont aiguisé les appétits. Entre amateurs et professionnels, et même si ce n'était pas le but de la manoeuvre, les Etats Généraux vont montrer les forces en présence et on va voir de quel côté penche la balance. La baisse du nombre de licenciés (223 752 en un an selon Ouest France), du nombre de spectateurs dans les stades, la disparition du Droit à l'image collectif (DIC) qui permettait aux clubs professionnels de réduire les charges sociales sur le salaire des joueurs, la probable future baisse des droits TV, les problèmes récurrents de violence de certains supporteurs sans oublier les tensions déjà anciennes autour de l'arbitrage et de sa gouvernance, ne font que renforcer la volonté des uns et des autres de changer. Mais dans quel sens ?

"Dans mon esprit, les Etats Généraux sont une étape obligée vers l'engagement que j'ai pris le 23 juillet d'assurer la modernisation, la démocratisation, la réactivité de la Fédération à travers un changement de mode de gouvernance", avance Fernand Duchaussoy. "On va s'orienter vers un exécutif beaucoup plus resserré et plus responsable." Jean-Pierre Louvel, le président de l'Union des clubs professionnels français (UCPF), annonce travailler "aux Etats Généraux pour renforcer la Fédération", tout en parlant du football professionnel comme d'une "belle société nationale" qui "génère 4.3 milliards d'euros directs et indirects", et qui a "un rôle social, de lien dans la collectivité, avec les gamins qui sont dans les clubs professionnels". Si les masques ne sont pas encore tombés, les ambitions de chacun sont déjà affichées. Il leur faudra avancer, en 48h, autour de trois thèmes définis par le comité de pilotage, composé de 14 membres représentant toutes les composantes du football (sauf les entraîneurs): la gouvernance, les enjeux économiques, les enjeux sociaux ou sociétaux. Et Rama Yade, la secrétaire d'Etat aux Sports, dévoilera le livre vert du "supportérisme" qui dresse un état des lieux du phénomène de violence autour du football et formule des préconisations pour les éviter. Ensuite, le calendrier est ambitieux: présenter un texte le 18 décembre prochain lors de l'assemblée générale de la FFF, plus d'un mois après la réunion du collège des présidents de ligue et de districts (le 12 novembre). A une semaine de Noël, la FFF se dotera d'un président qui ne sera plus intérimaire, et peut-être également de nouveaux statuts. "Si on passe du système actuel, où chacun apporte son client au Conseil fédéral, à une liste ouverte à tous les licenciés de la Fédération avec un vote sur un projet sans qu'il y ait de postes protégés, c'est une évolution assez considérable", lance Fernand Duchaussoy. "C'est la première fois qu'on va réunir le football professionnel et le football amateur pour parler de nos problèmes". Jean-Pierre Louvel estime également que "nous convergeons sur les analyses et les objectifs" avec le monde amateur. "Parfois on nous divise, mais c'est parce qu'il manque de la communication. Il faut allier les compétences du football amateur et du football professionnel pour avoir une direction plus resserrée et plus efficace". 

En réunissant toutes les chapelles, le football français va-t-il s'en trouver grandi ou au contraire exploser ? Au-dessus de la mêlée et en même temps au coeur en étant employé de la Fédération pour diriger des joueurs professionnels, Laurent Blanc, le sélectionneur, se montre hésitant: "Est-ce qu'on va avancer ? J'attends de voir un petit peu. Le problème, c'est qu'on a tout mélangé et tout confondu après la Coupe du monde, et maintenant on se retrouve avec des Etats Généraux. S'ils permettent d'avoir une analyse globale sur l'organisation du football, des équipes nationales et sur une professionnalisation des choses, ce sera déjà une avancée." Et de conclure: "Les résultats du football français de ces dernières années ne sont pas si catastrophiques que ça. Il y a des gens qui voudraient faire la révolution, mais qu'est-ce qu'ils proposent ?" Avec cette organisation, la France est devenue championne du monde et d'Europe en 1998 et 2000. Avec cette organisation, elle a été la risée du monde en Afrique du Sud en 2010. Qui est responsable ?

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