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"Des mesures floues et relativement incomplètes", la réaction d'une épidémiologiste aux annonces des médecins sur la reprise du foot français

L'association des médecins des clubs professionnels français a annoncé dimanche une série de recommandations concernant la future reprise de l'entraînement au sein des clubs de Ligue 1 et Ligue 2. Un protocole encore "trop flou" et "incohérent" selon Catherine Hill, épidémiologiste.
Article rédigé par Antoine Limoge
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié
Temps de lecture : 6min
  (ODD ANDERSEN / AFP)

À l'approche du déconfinement prévu par le gouvernement le 11 mai prochain, l'association des médecins de clubs professionnels français de football a décidé qu'il était temps de rédiger un protocole sanitaire de reprise. Ces médecins ont donc détaillé plusieurs mesures à mettre en place au moment du retour sur les terrains d'entraînement. Tout d'abord, ils préconisent une récolte de données sur les dirigeants, les joueurs et le staff afin de comprendre le confinement de chacun. L'objectif est d'être en mesure d'évaluer les données physiques et psychologiques de chacun des acteurs. Un préalable à toute reprise pour personnaliser, si besoin, les préparations. Les données en poche, il y aurait alors quatre étapes à suivre. Celles qui posent problème à Catherine Hill, épidémiologiste.

" Si les joueurs et le staff ne se confinent pas ensemble pendant un certains temps, ces mesures sont inutiles"

La première étape se déroulerait du 11 au 15 mai et correspondrait à une série de divers tests médicaux (covid-19, biologique, cardiaque, psychologique). Mais Catherine Hill n'est pas convaincue. "C'est une maladie très contagieuse, il faut faire attention. Là ce n'est pas très clair concernant ces tests. Sur qui vont-ils être effectués ? Uniquement sur les joueurs ? Sur tout le monde ?", s'interroge-t-elle. Mais pour l'épidémiologiste le réel problème est la circulation du virus. "Il n'y a pas d'annonce claire sur les entrées et les sorties, ça n'a aucun sens. Le problème majeur de ce virus c'est de mettre des gens ensemble. Vont-ils vivre ensemble ? Je ne crois pas et c'est là tout le problème. Le virus pourra donc entrer et sortir tous les jours", explique-t-elle.

Le doute est permis puisqu'au fil des étapes prévues par ce protocole les joueurs finissent par se côtoyer. Si la deuxième étape consiste en un entraînement individuel de 7 jours, la suite est constituée de séances par petits groupes comme cela se pratique déjà chez nos voisins allemands. L'ultime étape est d'entrevoir un retour de l'entraînement collectif avec l'ensemble des joueurs d'ici le 29 mai prochain. 

Pour éviter toute contamination, l'association des médecins des clubs pros recommande une distance de deux mètres entre chaque joueurs, lorsque qu'ils sont au repos, et de 4 mètres pendant l'effort. Mais est-ce vraiment réaliste ? Pas vraiment pour Catherine Hill. "Au niveau de la distanciation sociale, il y aussi un réel problème. Est-ce vraiment réaliste de penser que les joueurs vont se tenir à 4 mètres pendant l'effort ? Ils se bercent d'illusions de penser ça. Ils vont forcément se toucher. Et le virus peut se transmettre rien qu'en touchant la même bouteille, imaginez", assène-t-elle. Trop d'incohérences dans ces mesures alors que certains joueurs, qui craignent pour leur santé, s'interrogent sur une reprise dictée par le seul aspect financier.

 

"L'une des solutions serait que le groupe vive en autarcie pendant quelques temps. Il faudrait que personne ne sorte."

Et si un joueur était contaminé ? Là aussi les mesures préconisées font bondir l'épidémiologiste. La quatorzaine ne serait mise en place qu'à partir de trois joueurs contaminés au sein de l'effectif. Dans la communauté scientifique, on considérait  au début de l'épidémie qu'une personne touchée en contaminait 2,5. Le chiffre a diminué depuis que des mesures de prévention ont été prises. Laisser un joueur positif poursuivre l'entraînement pourrait avoir un effet dévastateur sur ses coéquipiers. "Ce n'est pas sérieux, reprend Catherine Hill. Pourquoi attendre trois joueurs positifs pour se mettre en quarantaine ? Du moment qu'un va être contaminé, tous les autres sont en danger. Il faudrait procéder à un isolement total dès le premier cas", propose-t-elle. Mais alors quelle serait la solution pour entrevoir une possible reprise des entraînements collectifs à court terme ? "Il faudrait, à la manière de certains Ehpad, que tous les membres du staff et les joueurs restent ensemble. Il faudrait qu'ils soient en autarcie pendant quelques temps. Et respecter cette mesure très sérieusement", répond l'épidémiologiste. Dans certains établissements pour personnes âgées, les soignants ont été logés et confinés sur place afin de limiter la propagation du virus et de protéger les patients et leurs entourages. Une hypothèse qui ne tiendrait la route que si toutes les équipes professionnelles en faisaient de même.

Enfin la question des masques fait débat aussi. Le protocole prévoit le port du masque obligatoire au sein des centres d'entraînement, excepté pendant l'effort. "Le problème de ce virus c'est qu'il y a beaucoup de personnes asymptomatiques. L'objectif principal du masque c'est d'éviter que ces asymptomatiques transmettent le virus partout. Si un joueur asymptomatique entre ce sera foutu. Sauf si tout le monde fait extrêmement attention. Mais je vois pas comment en plein entraînement ils pourraient penser à ça", avance l'épidémiologiste. Selon Catherine Hill, le port du masque est inutile dans ces conditions puisqu'ils devront l'ôter assez souvent.

Quant au nombre de tests PCR disponibles pour les clubs de football, un chiffre de 50 000 a été annoncé par la Ligue de football professionnel. Catherine Hill dévoile une idée économe par rapport à ces tests qui sont encore en quantité trop limitée. "L'une des solutions serait de pratiquer un test par jour mais un seul test. Mélanger tous les prélèvements et regarder si il y a le virus. Ce serait beaucoup plus économique," assure-t-elle. L'association des médecins des clubs professionnels doit dévoiler une dernière série de recommandations, cette fois-ci concernant les transports, les mises au vert, les stades et les arbitres. Elles devraient être publiées avant le 11 mai prochain. De quoi continuer à alimenter un débat loin d'être clos.

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