Djokovic, de l’incapacité à conclure à Roland-Garros
Quand il tirera sa révérence, Novak Djokovic figurera-t-il au bout de la liste rassemblant toutes les légendes du jeu qui n’ont jamais réussi à triompher à Roland-Garros ? Le Serbe n’a que 28 ans, il a le temps de se rattraper pour ne pas rejoindre Arthur Ashe, Stefan Edberg, John McEnroe, Pete Sampras, Jimmy Connors, Boris Becker et John Newcombe. Mais pour l’homme aux huit titres du Grand Chelem, joueur total décidé à être bon dans tous les secteurs, sur toutes les surfaces, cette absence de réussite sur l’ocre parisien fait déjà tâche. Surtout que ce n’est pas comme s’il n’avait jamais eu l’opportunité de laver l’affront. "Nole" a intégré le dernier carré des cinq dernières éditions ; il s’est hissé à trois reprises en finale. La première fois, en 2011, il s’était cassé les dents sur Roger Federer. Les trois suivantes, il n’avait pu franchir la montagne Rafael Nadal. Dimanche, c’est sous les 60 coups gagnants et le joyau de revers de Stan Wawrinka que le numéro un mondial s’est noyé.
"Je n'aurais pas pu faire plus"
Parmi ses cinq tentatives manquées en finale des Internationaux de France, la dernière passe pour la plus difficile à digérer. Djokovic sortait d’un tournoi magistral où il n’avait pas concédé le moindre set avant d’intégrer le dernier carré, sortant en quarts le nonuple vainqueur Rafael Nadal, puis le seul homme invaincu sur terre cette saison, Andy Murray, en demie. Depuis le début de la saison, il était intouchable. Il avait remporté 42 des 44 duels joués depuis le début de l’année, raflant l'Open d'Australie, Indian Wells, Miami, puis Monte-Carlo et Rome sur terre battue. Il avait fait le plein de capitale confiance, et aurait difficilement pu arriver en finale avec de meilleures références en 2015. Mais son échec, cette année, ne tient qu’à une seule explication, joliment résumée par Fabrice Santoro dans l’Equipe ce lundi : "Stan est allé sur une planète où Djoko n’a pas su le suivre".
Wawrinka n’avait pas quitté le court central qu’il évoquait déjà "le match de (sa) vie". Le Lausannois a tout simplement fait imploser Djokovic. De son magistral revers à une main, il a crispé, écœuré même, celui qui d’ordinaire renvoie tout. "Il était toujours à devoir subir", admettait hier son coach Marian Vajda, qui a vu la forteresse se fissurer au fil des quatre sets et des 60 coups gagnants du lauréat-surprise. Même le Serbe, que l’ovation du Philippe-Chatrier a fait pleurer, faisait un étonnant constat d’impuissance à l’issue du combat : "J’ai l’impression que je n’aurais pas pu faire plus. Au moins, je suis fier d’avoir lutté jusqu’au bout".
Djokovic a raté son rendez-vous avec l'histoire
Pour autant, ne peut-on pas trouver d’autres raisons que le tennis sensationnel de "Stanimal" pour expliquer la défaite de Djokovic ? N’y avait-il pas des points communs entre les trois finales perdues par le Serbe à Roland-Garros (2012, 2014, 2015) ? Mentalement, jamais il n’a été à la hauteur de sa réputation souvent justifiée (à Melbourne et Wimbledon notamment) de joueur bionique, froid et imperturbable, jamais résigné. Il y a trois ans, la pluie, qui avait reporté la finale et stoppé net sa remontée, ne l’avait pas aidé. L’été dernier, déjà, il n’avait su confirmer son premier set, cédant lors des trois manches suivantes et achevant même le duel par une surprenante double-faute. Dimanche, il a eu l’attitude de celui qui s’est vu titré trop vite. Solide et opportuniste pendant une heure, il a visiblement accusé le coup après le break du Suisse à la fin du deuxième set. Sa raquette peut en témoigner. "Si je l’ai cassé, c’est que je savais qu’il ne fallait pas laisser Stan prendre confiance", s’expliquera-t-il. Raté. Le Suisse s’envolera pour ne plus jamais retoucher terre.
Dans sa conférence d’après-match, Djokovic a simplement reconnu un manque "d’explosivité dans les moments cruciaux", admettant à demi-mot, sans en faire une excuse, qu’il était "usé physiquement et émotionnellement" après sa demi-finale en deux temps contre Andy Murray. "Je me suis mis dans la bonne position pour remporter le trophée. J’ai joué tactiquement comme je l’envisageais, mais il a trouvé les solutions. C’est le sport, il faut accepter la défaite". Sauf que celle-ci est particulièrement lourde de sens, et le manque à gagner est énorme pour le Serbe. Il aurait pu en effet devenir le premier joueur, depuis Jim Courier en 1992, à enchaîner Open d’Australie et Roland-Garros, et donc à être en mesure de faire le "vrai" Grand Chelem sur une année calendaire (position dans laquelle Roger Federer et Rafael Nadal ne se sont jamais retrouvés). Il aurait pu, surtout, devenir le huitième joueur de l’histoire (le quatrième de l’ère Open, après Federer, Nadal et Agassi), à remporter les quatre tournois majeurs. Tous ces records attendront. En attendant, Djokovic reste maudit de la terre.
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