Domenech, chronique d'un échec annoncé
Lorsqu'il a pris en mains l'équipe de France en juillet 2004, Raymond Domenech venait de terminer premier à un concours de circonstances. Didier Deschamps étant engagé avec Monaco (qu'il venait d'emmener en finale de C1 au printemps), le poste de sélectionneur national semblait devoir se jouer entre Jean Tigana, représentant de la génération 1984 (mieux placé que Luis Fernandez, considéré comme trop nerveux) et Laurent Blanc, l'un des symboles du triomphe de 1998. Tigana possédait l'envergure mais son caractère ombrageux avait rebuté la FFF tandis que Blanc manquait par trop d'expérience, n'ayant jamais entraîné. Domenech, fort d'une présentation habile et d'un vrai projet faire table rase du passé, remettre les stars au pas et reconstruire avec des jeunes, fût finalement choisi par Claude Simonet qui cherchait à se mettre la DTN dans la poche. Aimé Jacquet et les coachs fédéraux, qui avaient dû garder le silence après l'échec de Roger Lemerre en Asie, laissant la Ligue et Michel Platini uvrer pour Jacques Santini, reprenaient ainsi les affaires en mains, officieusement du moins.
Pour son premier match à la tête des Bleus, en août 2004 à Rennes face à la Bosnie, Domenech renouvelait clairement son effectif en donnant leur chance à des joueurs comme Squillacci, Givet, Bernard Mendy, Mavuba ou Evra, et en faisant confiance à Luyindula, Rothen, Pedretti aux côtés des tauliers Barthez, Henry et Pires. Résultat ? Un match nul (1-1) qui confirmera toute la difficulté des Bleus à faire le jeu. Même après, quand il prendra un créateur comme Vikash Dhorasoo pour tenter d'insuffler du style à son équipe, la mayonnaise ne prendra jamais vraiment. Des matches nuls vierges à domicile contre Israël, l'Eire ou la Suisse vont sérieusement compliquer le parcours des Bleus vers l'Allemagne et il faudra que Domenech consente à rappeler Zidane, Thuram et Makelele pour assurer la qualification tricolore (grâce à un succès au forceps à Dublin, 1-0 but de Thierry Henry). Son autorité s'en trouvera bafouée durablement. Au mondial allemand, le trio prendra les rênes de l'équipe après un premier tour raté (matches nuls face à la Suisse et à la Corée du Sud, victoire difficile (2-0) contre le Togo) pour conduire les Bleus en finale après un voyage homérique (sucès 3-1 contre l'Espagne, 1-0 face au Brésil et au Portugal). Malheureusement, Domenech ne connaîtra pas son jour de gloire en ce 9 juillet 2006. Materrazzi est passée par là et l'Italie a subtilisé le trophée tant convoité. Le rêve est passé.
Fort de ce très beau parcours dont beaucoup ne le tiennent pas responsable, Raymond Domenech est confirmé dans ses fonctions. Il retrouve dans l'esprit des gens un a priori favorable après quelques mois de doutes sur sa façon de manager. Début septembre 2006, les Bleus vont réaliser leur dernière performance d'envergure en matant logiquement (3-1, deux buts de Govou) une sélection italienne dont la plupart des joueurs venaient de reprendre la compétition. Mais ces éliminatoires de l'Euro 2008 sont un véritable chemin de croix pour les Français qui s'inclinent deux fois contre l'Ecosse et ne doivent leur place de dauphin de l'Italie que grâce aux résultats glanés face aux "petits" du groupe. Le couperet n'est pas passé loin. Il tombera durant l'Euro, en Suisse. Un 0-0 pitoyable devant la Roumanie, une humiliation face aux Pays-Bas (1-4) et une nouvelle claque contre l'Italie (0-2 avec l'expulsion d'Abidal) valent aux Bleus de terminer 15e (sur 16) de l'épreuve continentale.
Cette fois, la tête de Raymond est réclamée par de nombreux observateurs. Le climat nauséabond dans lequel a baigné l'équipe de France a causé une fracture au sein du groupe et les clans s'opposent de façon insidieuse, prémices de ce qui se passera en 2010 à plus grande échelle. Critiqué par de nombreux anciens internationaux (Dugarry, Larqué, Lizarazu etc) qui lui préfèrent Deschamps mais soutenu par quelques cadres (Vieira, Ribéry, Henry) qui craignent pour leur statut et par la FFF (Jean-Pierre Escalettes, Gérard Houllier) sans oublier les cautions sportives que sont Michel Platini et Aimé Jacquet, vraies références du football hexagonal, Raymond Domenech s'en sort in extremis. Les éliminatoires de la Coupe du monde débutent très mal pour les Bleus qui perdent en Autriche et sont à deux doigts de faire de même en Roumanie (0-2 puis 2-2 grâce à un bon Ribéry et un excellent Gourcuff qui se révèle sous le maillot frappé du coq). C'est oublié que la Fédération avait fortement incité le sélectionneur à repartir avec les trois points Au lieu de cela, ce nul roumain s'apparente à une petite victoire morale qui conforte "Raymond la science". Les Bleus ont échappé au pire mais ils poursuivront leur parcours cahin-caha (courts succès sur la Lituanie ou les Iles Féroé, match nul en Serbie à 10 contre 11, Lloris étant sévèrement exclu d'emblée) jusqu'à finir à une peu reluisante deuxième place synonyme de barrage. L'absence de style de jeu reste criante. On se s'étendra pas sur la double confrontation franco-irlandaise (arrêts décisifs de Lloris, domination des Verts au Stade de France, main d'Henry qui offre le but à Gallas, manque de fair play du staff tricolore etc), tout a déjà été dit.
La fracture entre l'équipe de France et son public ne cesse de s'agrandir et rien, si ce n'est le départ annoncé de Domenech (remplacé par Laurent Blanc après le Mondial 2010), ne semble en mesure de stopper l'hémorragie. Le cur des supporters saigne car ils pressentent bien que ce groupe ne peut pas réaliser de grandes choses. Seul un entraineur à poigne et au palmarès incontestable (Mourinho, Capello, Hiddink) aurait pu gérer les egos de joueurs dont l'amour de l'argent dépasse celui du maillot. La débâcle de cet été sud-africain n'était pas évitable avec Raymond aux commandes. Etre un franc tireur, un artiste-intello suffisant, un personnage en décalage complet avec son milieu n'a pas permis à Domenech de remporter un grand titre avec les Bleus. Pire, depuis quatre ans, personne n'a vibré sur une seule prestation de cette équipe de pseudo stars dirigée par un Catalan aux sourcils rocailleux. Raymond Domenech ne laissera aucun regret aux fans de foot. Son record de matches dirigés en équipe de France ne signifie qu'une chose: il était plus que temps de mettre un terme à cette erreur de casting. A cette supercherie.
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