Dopage : comment Sun Yang est devenu le pestiféré de la natation mondiale
Ovationné. Mark Horton ne s'attendait certainement pas à pareil accueil à son retour des vestiaires après la remise des prix du 400m lors des mondiaux de juillet 2019. L'ensemble du vestiaire s'est levé et l'a applaudi, d'après des propos de Lilly King relayés par l'Equipe : "C'était super, quand on est entrés dans le réfectoire, il est entré derrière nous et toute la salle s'est mise à applaudir. C'était sympa de voir les athlètes unis autour de sa position, qui le soutenaient." Son compatriote Mitch Larkin s'est de son côté dit "super fier" de Horton et assure que "99 % des athlètes autour de la piscine le soutiennent, il n'est pas tout seul". Son fait d'arme ? Snober Sun Yang sur le podium du 400m. Il a ainsi refusé de poser aux côtés du vainqueur chinois pour les photos. Car Sun Yang faisait l'unanimité contre lui même avant sa suspension de 8 ans décidée par le TAS en septembre 2019 et annulée par la justice suisse ce mercredi. Le plus grand palmarès de la natation mondiale actuelle (trois titres de champion olympique, neuf titres de champions du monde, un record du monde) s'est construit une réputation sulfureuse au fil de sa carrière.
Tout vient d'un coup de marteau...
Son dernier fait d'arme est tout simplement rocambolesque, et c'est celui qui entraînera la suspension de 8 ans par le TAS. En mai 2018, Sun Yang se fait contrôler inopinément à son domicile. Si la prise de sang se passe bien, l'atmosphère se tend au moment de l'échantillon d'urine. Ba Zhen, un médecin controversé et deux fois suspendu par la FINA, et sa mère, Ming Yang, très présente dans la vie de son fils, contestent les documents présentés par les testeurs. La mère de Sun demande alors à son garde du corps d'aller chercher un marteau...avec lequel, quelques secondes de plus tard, elle fracassera les échantillons de sang. Les agents repartent sans aucun prélèvement. L'avocat de Sun Yang invoque l'absence de lettres officielles et de documents de qualification des contrôleurs ; défense retenue par la FINA, qui finit par invalider le test et blanchir le nageur le 3 janvier 2019.
L'affaire, rendue publique par le Sunday Times quelques semaines plus tard, fait grand bruit dans le monde de la natation. Les nageurs protestent. L'Association mondiale des coaches de natation ne fait pas confiance en la FINA. Elle demande à ce que la commission antidopage soit transformée en une vraie commission indépendante. De son côté, l'Agence mondiale antidopage (AMA) saisit le Tribunal Arbitral du Sport (TAS) à propos de cette décision de la FINA, qui décidera donc de la sanctionner de 8 ans de suspension.
L'image de Sun Yang a évidemment beaucoup pâti de cet épisode. Mais sa réputation n'était déjà pas très bonne avant. Le Chinois accumule les déboires depuis le début de sa carrière.
Naturellement suspect
En 2014, il est suspendu trois mois en 2014 par sa fédération pour avoir pris un produit dopant, le trimetazidine, prescrit dans le cadre de palpitations cardiaques. Un an plus tard, à Kazan, il renonce dans l'incompréhension générale à participer au 1500m, au tout dernier moment. La FINA n'a même pas le temps de lui trouver un remplaçant ou de faire un bilan santé. Toute la piscine est circonspecte. Mais où est passé le super-favori, déjà vainqueur du 400 et du 800m nage libre?
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On le retrouvera plus tard, au cours d'une conférence de presse surréaliste, où son médecin/traducteur enchaînera les "no comments" aux questions des journalistes. "Je suis vraiment désolé de ne pas avoir pu nager la finale du 1500 m. Après le 800 m, je ne me sentais pas bien au niveau cardiaque. Je me suis senti mal à l'échauffement ce soir (dimanche), donc j'ai dû abandonner l'idée de concourir" avait-il déclaré dans une de ses rares phrases complètes.
Un an plus tard, on le retrouve aux Jeux de Rio, de nouveau auréolé de titres à foison. Alors qu'il vient de remporter le titre sur 200m, il s'élance ce matin-là sur les séries du 1500m. Mais alors qu'il naviguait dans le peloton de tête jusqu'à la mi-course, il lâche subitement prise et termine à 30 secondes (!) de son record du monde. Et Damien Joly de réagir à notre micro : "Il lui a manqué quelques produits..." Sun Yang, lui, a invoqué un rhume qu'il aurait attrapé dans la foulée de son titre sur 200m.
Une personnalité obscure et originale
Quand bien même il n'aurait pas eu toutes ces casseroles autour du dopage, Sun Yang aurait détonné dans le milieu de la natation. Le Chinois est de ceux qui ne laissent personne indifférent, dans le bon ou dans le mauvais sens du terme. Prenez ces célébrations : il fond en larmes après chaque course gagnée. C'est un insoumis dans l'âme : Sun fréquente des célébrités, sort en boîte, conduit des voitures de luxe. Loin, bien loin de l'ascétisme et de la discipline que s'imposent généralement les nageurs de haut niveau. En 2013, il s'écrase avec sa Porsche, sans permis, contre un bus. L'affaire fait scandale et contribue à son image de "bad boy" à la chinoise.
En Chine, d'ailleurs, l'homme est une star ; qu'importent ces méfaits. "C'est une personne vraie avec un tempérament ouvert et un esprit clair. Il sait ce qu'il veut", explique Zhou Xin, journaliste à l'agence Chine Nouvelle. Il devient même l'emblème de la jeunesse frondeuse du pays face à l'autoritarisme d'Etat. Ainsi, en août 2018, il monte sur la première marche du podium du 200m des Jeux Asiatiques vêtu du survêtement de son sponsor personnel au lieu de celui de l'équipe. Crime de lèse-majesté pour le gouvernement chinois. "Il est loin des standards chinois quoi sont un peu sérieux, effacés, explique Yannick Agnel à France tv sport. Il vit, il provoque, et il est peut-être né dans le mauvais pays pour cela. Il a commis des frasques et eu des comportements qui sont plus habituels en Occident que chez lui. Et ça n’a rien fait pour arranger les choses par rapport à toute la lignée de choses qu’il a pu vivre."
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